Sam Evian
Plunge
Produit par Sam Evian
Rick Rubin, Nigel Godrich, l'infâme Phil Spector, Butch Vig.
La liste non exhaustive des producteurs influents à tendance gourou peut être complétée par des personnalités plus récentes, régnant en maîtres penseurs sur le rock et l'indie (nous excluons ici volontairement les autres genres musicaux, qui ne dérogent pour autant pas au constat établi ici).
Danger Mouse et Jack Antonoff sont deux noms qui persistent et qu'il n'est pas rare de voir jouer les éminences grises sur les galettes des plus fameux artisans.
Les deux derniers cités partagent par ailleurs la liberté de se permettre quelques incursions de l'autre côté de la console de mixage, notamment au travers de Broken Bells pour le premier et de Bleachers pour le second.
C'est ce sillon creusé par d'illustres collègues que Sam Evian a choisi de suivre. Le jeune musicien new yorkais a en effet déjà sévi comme pousseur de boutons et ingénieur sur les albums de Big Thief, Okkervil River, Cass McCombs ou encore Blonde Redhead. Toutes ces figures de l'indie rock US ont donc trouvé quelque chose de spécial chez ce jeune musicien.
Plunge, sujet de cette rubrique, n'est cependant par le premier essai d'Evian. Il s'agit en effet de sa quatrième production personnelle. Si les trois premiers LP sont demeurés relativement dans l'anonymat, ce quatrième disque est remarquable et mérite d'être mis en valeur !
Sam Evian propose, avec un regard frais, sa version d'un rock qui fleure bon les années 70.
Toutes guitares dehors, le New Yorkais nous promène au travers de ses compositions entraînantes et rétros. C'est parfois légèrement caricatural, comme sur le téléphoné "Jacket", et parfois réellement envoûtant, en particulier sur "Rollin' In" et son refrain répétitif mais infectieux. Le final au saxophone sur le dernier cité est particulièrement inspiré et bien senti, tout comme les ponts soutenus par un orgue électrique aussi élégant qu'efficace. Les paroles concoctées par Evian sur ce titre font d'ailleurs écho à l'empreinte mélodique: "I can tell where life is gone (...) and the waves come, rollin' in rollin' in..." / "Je peux dire où la vie s'est échappée (...) et les vagues viennent rouler, rouler...". Une certaine idée de la fatalité et du stoïcisme.
Il n'est pas difficile pour l'amateur de musique de déceler dans les compositions de Sam Evian l'influence fort des artistes ayant façonnés le rock des années 70. Les Beatles et leurs contemporains viennent évidemment à l'esprit, mais aussi Marc Bolan et T-Rex, en particulier sur le riff et la rythmique de "Why Does It Take So Long". L'urgence et la détermination de l'instrumentation contrastent quelque peu avec la voix parfois fluette du producteur/compositeur/interprète, mais celui-ci reçoit le support bienvenu d'Adrianne Lenker, frontwoman de Big Thief. Sur le solo de guitare en revanche, Evian n'a besoin de personne pour briller. "Wind Blows" et "Another Way" font également la part belle à un riff de guitare tout droit sorti du même catalogue,
"Runaway " est une illustration pertinente de l'ADN qui coule dans les sillons des vinyles du musicien. On croirait en effet entendre Wilco période Sky Blue Sky, et donc, par transitivité, le Fab Four période White Album.
Une autre source d'inspiration dans lequel Evian ne s'est pas gêné pour piocher est le travail solo de George Harrison. Le travail vocal sur la quasi totalité des titres, et les arrangements de "Stay" ne laisse aucun doute sur le fait que All Things Must Pass a tourné ad nauseam.
Les morceaux les moins mémorables du disque comportent tous des effets vocaux de qualité discutable, on en pense notamment à "Freakz", qui ne parvient jamais réellement à décoller.
Plunge est un album de guitariste mais il serait réducteur de le résumer à un album de guitares. La basse et toute la section rythmique sur l'excellent titre d'ouverture, "Wild Days", suffisent à justifier cette proposition.
Loin de se placer en prophète musicien producteur tout puissant, Sam Evian propose donc un album honnête et agréable. À défaut de révolutionner la planète rock, il contribue à la faire tourner.
A écouter: "Why Does It Take So Long", "Rollin' In", "Wild Days"