Wilco
Sky Blue Sky
Produit par Wilco
1- Either Way / 2- You Are My Face / 3- Impossible Germany / 4- Sky Blue Sky / 5- Side with the Seeds / 6- Shake It Off / 7- Please Be Patient with Me / 8- Hate It Here / 9- Leave Me (Like You Found Me) / 10- Walken / 11- What Light / 12- On and On and On / 13- The Thanks I Get / 14- Let's Not Get Carried Away / 15- One True Vine / 16- Impossible Germany [Live] / 17- Hate It Here [Live]
Impossible de restreindre Wilco à un genre de rock donné. Si Jeff Tweedy et sa bande ont fini par s’attirer la faveur populaire sur une sorte de malentendu - le refus de Relapse de commercialiser Yankee Hotel Foxtrot et la sortie de ce dernier disque chez Nonesuch - ils n’avaient pas attendu ce coup du sort pour illuminer la scène américaine de leur rock alternatif revisité à la sauce indie, brassant une foule d’influences tant traditionnelles que modernes qui ont fait des natifs de Chicago l’un des groupes les plus prisés des amateurs de roots rock made in USA. On aurait pu attaquer leur disco avec leur best seller pré-cité ou avec le Grammy-Awardisé A Ghost Is Born, et cependant, dossier folk oblige, on s’attardera en premier lieu sur le magnifique et incompris Sky Blue Sky.
Incompris car, tout roots soit-il dans l’esprit, personne ne s’était attendu à un tel retournement de chemise de la part de Tweedy. L’intéressé justifiait l’orientation douce et semi-acoustique de son disque en arguant du fait qu’il souhaitait revenir à la source de son art de façon simple, naturelle, sans fioritures ni artifices, prétextant être mal à l’aise face à tous les bidouillages studios dont sont parsemés Yankee Hotel Foxtrot. Sky Blue Sky est donc un album calme, tranquille, très influencé par la folk 60’s des Byrds ou de Fairport Convention, mais c’est également un disque très personnel. Jamais auparavant le leader de Wilco ne s’était laissé aller à autant parler de lui, de son enfance dans un bled paumé (“Sky Blue Sky”) ou de sa famille (“On and On and On” dédiée à son père après que sa mère fut emportée par le cancer). Ce septième album possède néanmoins un côté un peu schizophrène, car tout acoustique qu’il soit sur les premiers morceaux, l’électricité se réinvite progressivement au fil des sillons, ballottant l’auditeur de la folk au blues au gré de ses envies mais sans jamais verser dans une quelconque agressivité.
La beauté sereine de Sky Blue Sky se dégage d’emblée des arpèges acoustiques d’”Either Way”, d’entrée de jeu les plus aboutis du disque, à peine perturbés par un lointain orgue Hammond tout en sérénité. La voix de Jeff Tweedy se fait chaleureuse, complice, prenant l’auditeur à témoin, l’emportant avec lui dans ses pérégrinations nostalgiques. Plus classique dans son traitement fort-faible, le morceau titre et “Please Be Patient With Me” n’en sont pas moins indispensables à tout amateur de guitare folk et de quiètes balades. Réussite encore lorsqu’une slide country se marie aux grattements métalliques (“What Light”). Ailleurs, c’est le piano qui se joint aux réjouissances, tantôt sur un mode blues à l’ancienne prisé par Jack White (“Side With The Seeds”, jolie complainte qu’on pourrait s’attendre à trouver chez les Raconteurs), tantôt plus classique et piano bar (“Hate It Here”, “Leave Me Like You Found Me”), à l’occasion joueur et fringant (“Walken”) ou enfin tendre et sobre (“On and On and On”). Mais le rock demeure bien présent, dynamitant le jeu de cordes léger de “You Are My Face” après une magnifique introduction toute en polyphonie et dispensant un solo presque floydien à mi-parcours, ou reprenant les rênes du navire sur un rythme aussi solennel que balancé (“Shake It Off”, positivement ragaillardissant).
Et puis il y a “Impossible Germany”. Un morceau immense, au bas mot, peut-être le tout meilleur titre jamais composé par Wilco. Au fil des presque six minutes de ce chef d’oeuvre irradient toute la classe de Jeff Tweedy, la délicatesse de ses arpèges électriques tintants, la rondeur discrètement rauque de son timbre, la qualité stupéfiante de son songwriting. Et on n’osera parler de ce long solo de guitare conclusif, un solo qui de prime abord ne semble pas avoir de rapport avec le thème original mais qui se lie à lui comme une seconde peau, un solo magistralement conduit, tout en nuances, sensibilité et délicatesse. Rien que pour ce petit bijou, Sky Blue Sky vaut un sacré détour. D’autant qu’il s’agit là d’une porte d’entrée on ne peut plus recommandable au magnifique univers de Wilco, encore un phénomène américano-américain qui gagnerait sacrément à traverser l’Atlantique.