Wrest
Everything's Nothing Forever Again
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1- Nowhere Forever / 2- Burst Like A Star / 3- Another Black Hole / 4- Amber / 5- Heavy Gravity / 6- White Noise / 7- Everything Is Nothing / 8- Lost In Your Orbit / 9- Dark Matters / 10- Exhale and Expire
Stewart Douglas n'a pas réellement l'allure d'une rock star. Emprunté, l'air hagard, le chanteur et guitariste démontre une attitude presque en opposition totale avec son physique de gaillard écossais. Même dans son phrasé, Douglas semble presque s'excuser de chanter sur ses compositions. Ses mots sont sporadiques, quasi narrés, ce qui conduit d'ailleurs, au contraire de grands nombres de ses compatriotes, à une mise en avant claire et nette de son accent des Highlands. Niveau look, et j'ai conscience de la subjectivité de cette analyse, on se rapproche plus d'un conseiller financier propret de chez Bank of Scotland que d'Axl Rose.
Seulement voilà, il est fort probable que Stewart Douglas se cogne de tout ça comme de son premier kilt. La raison : Douglas et son groupe, Wrest, viennent de pondre une des plus belles réussites indie de cette année.
Le disque, baptisé de manière énigmatique Everything's Nothing Forever Again, est à ce jour la troisième galette complète du quatuor basé à Edimbourg. Le tout en un peu moins de 6 ans d'activité, preuve de la productivité du groupe.
Stylistiquement, Wrest s'inscrit de manière cohérente sur la scène écossaise, des illustres Frightened Rabbit à We Were Promised Jetpacks en passant par Biffy Clyro ou encore The Twilight Sad.
N'y allons pas par quatre chemins, il y a une chose relativement choquante et flagrante sur ce disque. "Amber" est une des compositions les plus remarquables de l'album, un titre enlevé, entêtant, ayant toutes les qualités pour constituer un véritable classique. Et en pratique, "Amber" est un véritable tube. Car "Amber", c'est "Yellow" de Coldplay. La partie instrumentale en tout cas. C'est tellement gros que cela paraît irréel. Alors oui, il ne s'agit pas ici du premier cas d'hommage très appuyé d'un groupe cherchant son rayon de lumière, mais tout de même, il est quelque part regrettable qu'une des productions les plus marquantes de Wrest sonne comme celle d'un autre groupe...
Cela dit, nous pouvons également nous réjouir de voir ressurgir cette chimère de pertinence de la bande à Chris Martin.
Pour les reste, l'indie pop rock mélancolique des écossais est plus que convaincante. "White Noise" est une perle, qui voit la section rythmique prendre les commandes. La batterie martiale n'est pas sans rappeler le style de Bryan Devendorf de The National, et la basse se charge de dresser le filet de sécurité nécessaire pour que la mélodie se développe. Le refrain, et les "I could have been so bold, been so bold, invincible" / "j'aurais pu être tellement téméraire, invincible" assénés par Douglas sont définitivement convaincants.
Les morceaux "Burst Like A Star" ou encore "Another Black Hole" s'enchaînent également avec l'élégance et la logique que l'astronomie profère à leurs titres. Il paraît évident que Wrest a trouvé sa formule et s'y tient. Une rythmique soignée donc, mais aussi des arpèges et des riffs de guitares simples voire simplistes mais suffisants pour porter la mélodie des titres. A quatre musiciens et avec une proposition qui paraît légère sur le papier, tant le chant de Douglas n'intervient que brièvement, la réussite indéniable de ces morceaux relève presque de l'exploit.
Les Écossais semblent bien adeptes du less is more, empilant de fines couches pour construire un ensemble cohérent, sorte d'oignon cosmique. L'équilibre est fragile mais la structure se dégage et parvient à achever son objectif. En cela, l'artwork est particulièrement réussi, entre grandeur et subtilité d'une pelote stellaire.
Nous l'avons vu, lorsque Wrest voit juste, c'est remarquable. Il arrive toutefois que les Écossais ne soient pas touchés par la grâce inspiratrice, notamment sur des morceaux folk relativement plats et redondants. On pense en particulier à "Everything is Nothing". "Lost in Your Orbit" pêche un peu par manque de dynamisme, à l'inverse d'un "Exhale and Expire" tout en crescendo.
Si ce disque ne brille pas par son originalité, il est précis, élégant et se pare même parfois d'un éclair de génie. Suffisant pour en faire une des jolies surprises de cette année 2024 bien dense !
A écouter: "White Noise", "Another Black Hole", "Amber"
PS: on soulignera également la grande fidélité des prestations live du groupe, dont un exemple vous est proposé ci-dessous.