La série d'été Albumrock : #18 The Rolling Stones
Pour occuper votre été, Albumrock vous offre cette année une série au principe assez simple : un rédacteur vous propose de découvrir ou de réviser un groupe plus ou moins culte en dix titres. Vous aurez droit à une sélection représentative qui vise à mettre en avant des morceaux par rapport à leur place dans le répertoire du groupe, sans toutefois renoncer à la subjectivité avec des choix parfois plus inattendus. Aujourd’hui, une légende parmi les légendes, The Rolling Stones.
Remarque : ce Top Ten est épouvantablement subjectif. The Rolling Stones ont accompagné les bons comme les mauvais moments de mon existence, depuis l’enfance jusqu’au crépuscule. Keith Richards revenait dans toutes me poésies adolescentes ; il incarnait un grand frère rêvé. Mon premier t-shirt était à l’effigie de Mick Jagger. La pièce dont je suis le plus fier dans ma petite collection d’art contemporain est une peinture dédicacée de Ron Wood. J’aime ces mecs. J’ai choisi les titres qui ont marqué des moments essentiels de ma vie, parfois loin des chiffres du Billboard ou des références encyclopédiques.
10- "Waiting On A Friend", Tatoo You - 1981. Le taux de testostérone régresse, année après année. Les Stones ne courent plus les filles faciles. Ils se retrouvent entre potes pour aller écluser quelques mojitos, se raconter des conneries et taper le bœuf sur une petite scène derrière le bar. Sur un rythme paresseusement chaloupé, né au cœur de Kingston, longtemps avant. Classieux.
9- "Just Your Fool", Blue & Lonesome - 2016. Une quintessence très tardive où le groupe exprime son blues américain des origines, avec, en apothéose, le souffle de Mick Jagger à l’harmonica. Peut-être le dernier soubresaut en studio. Parce que, à ce jour, même s’il ne faut plus rien espérer de novateur, seule la scène s’offre encore (miraculeusement) aux Rolling Stones.
8- "Mother’s Little Helper", Aftermath - 1966. C’est peut-être là le premier titre britannique à aborder un problème "social" (l’addiction des mères de famille dépressives au Valium) alors que le temps était à l’insouciance. Ray Davies (The Kinks) avait déjà écrit des paroles cruelles mais il les chantait avec dérision. Ici, le ton de Mick Jagger est grave et la tonalité est mineure (une première pour les Stones).
7- "You Can’t Always Get What You Want", Let It Bleed - 1969. Selon la légende, Charlie Watts aurait renoncé à enregistrer le drumming sur ce titre qu’il ne comprenait pas. Avec son étrange chant choral, ce morceau (face B du single "Honky Tonk Women") reste une construction étrange qui évoque la politique, le sexe et la drogue dans un registre qui n’a plus été exploité par la suite. Les années soixante s’achèvent sur des désillusions. Féroces et définitives. Ces temps ont vécu.
6- "Paint It, Black" – single 1966. Comment les Stones ont-ils pu anticiper sur la désespérance de la fin des années soixante alors qu’à ce moment de la décennie, l’esprit du monde était dédié à la légèreté et aux jupes de Mary Quant (dix centimètres – au maximum – de tissu sous les fesses) ? C’est peut-être le premier titre "gothique" du rock. Avec cette sublime mélodie mineure au sitar de Brian Jones, ce drumming si singulier de Charile Watts et cette ligne de basse étrange de Bill Wyman. Classique absolu.
5- "Wild Horses", Sticky Fingers -1971. En extrême résumé, c’est un de ces moments rares où la musique rime avec l’expression "beauté confondante". Tout autre mot serait superfétatoire. Légende. Douze cordes.
4- "Sympathy For The Devil", Beggar’s Banquet - 1968. Capturée live par Godard dans un film ridicule (One + One), la composition est hantée par un texte diabolique (forcément) et habitée par le meilleur solo jamais joué par Keith, alors au sommet de ses hallucinations. C’est à ce moment précis que Meredith Hunter (1951-1969) a été assassiné à Altamont. Cet événement a marqué la fin de l’utopie hippie. L’utopie de l’amour libre. L’utopie de la paix. L’utopie des utopies. Le Malin avait repris les commandes.
3- "Honky Tonk Women" – single 1969. Basé sur une suite archétypale d’accords country, le titre débute par un son de cowbell. C’est une des meilleures lignes de batterie de Charlie Watts. Un hymne définitif au chagrin d’amour. Même les meilleures filles des meilleurs bars ne peuvent faire oublier une détresse pareille. Misogyne, imbécile et tellement vrai. Il fallait avoir de l’ambition pour sortir un chef-d’œuvre de cet acabit uniquement en quarante-cinq tours. Presque à la sauvette. The Beatles venaient de raccrocher. The Rolling Stones emportaient le match par abandon.
2- "It’s Only Rock ‘n’ Roll (But I Like It)", It’s Only Rock ‘n’ Roll - 1974. La pochette peinte par Guy Peellaert (1934-2008) illustre bien l’aspect pré-iconique des Stones en 1974. Mais le groupe tient à tempérer toutes les ardeurs. Même si nous aimons tous cette musique, ce n’est finalement que du rock’n’roll. Le clip précurseur renforce le message : une bulle de savon n’a pas un grand espoir de vie. Mais de nombreuses bulles de savon peuvent étouffer le plus grand groupe du monde.
1- "Love In Vain", Let It Bleed - 1969. De toute l’histoire du monde rock, il n’y a que les Rolling Stones qui sont parvenus à "sublimer" un titre de Robert Johnson (1911-1938 et inventeur du funeste Club des 27). Il existe trois tombes officielles qui contiennent le corps du bluesman. En revanche, personne n’est encore arrivé à enterrer le groupe anglais au grand complet. "Love in Vain" (avec son texte évoquant des amours perdues) est la plus royale des portes d’entrée vers la musique du Diable. Même celui ou celle qui n’y entend rien devient savant en l’écoutant une seule fois. Incompréhensible.
Vous pouvez également écouter la playlist sur votre application préférée (Deezer, You Tube Music, Qobuz et autres) via ce lien : https://www.tunemymusic.com/?share=je71eskn6rry