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Rainbow
Ritchie Blackmore's Rainbow
Produit par
1- Man on the Silver Mountain / 2- Self Portrait / 3- Black Sheep of the Family / 4- Catch the Rainbow / 5- Snake Charmer / 6- The Temple of the King / 7- If You Don't Like Rock 'n' Roll / 8- Sixteenth Century Greensleeves / 9- Still I'm Sad
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S’il y a une galaxie pour laquelle même les astrophysiciens les plus ambitieux ont abandonné l’idée d’explorer dans son intégralité, c’est bien la galaxie Deep Purple, dont les systèmes et les planètes sont si nombreux et les ramifications si complexes, qu’aucun être humain n’en saurait dresser la cartographie. Au début des années 1970, il y avait déjà eu Captain Beyond et Warhorse, deux excroissances du Mark I. En 1975, il y a désormais Rainbow, affublé dans sa première version du nom de son leader – Ritchie Blackmore. Ce dernier avait décidé de quitter Deep Purple sur fond de désaccord esthétique (à la suite du tournant plus funk opéré en 1974) et d’ambition personnelle (le projet Arc-en-ciel est déjà lancé avant même son départ). Le guitariste étant aussi virtuose que lunatique, il y a fort à parier que son départ était inévitable.
Pour mener à bien son nouveau projet, Blackmore dispose d’un backing-band tout trouvé : le groupe de hard-blues-rock newyorkais Elf, qui assurait les premières parties de Deep Purple. Par conséquent, le troisième et dernier album d’Elf, Trying to Burn the Sun (1975), ne sera pas distribué en Europe pour ne pas faire d’ombre à Rainbow. Le terme backing-band est un peu sévère, même si cette formation fut bien éphémère (elle est déjà dissoute quand sort ce premier album), car elle comporte en son sein un chanteur dont l’étendue du talent attendait d’être dévoilée : Ronnie James Dio.
Le duo Dio/Blackmore est si remarquable qu’il formule une forme de transition vers le Heavy Metal des 80s, transition qu’incarnent aussi dans d’autres variantes, Judas Priest puis Motörhead. En témoigne le Hard-rock raffiné de "Man on the Silver Mountain", où brillent le chant puissant de Dio et l’intelligence guitaristique de Blackmore – qui font bien mieux que Deep Purple à la même époque. Plus sobre, le chaloupé "Self Portrait" reste une référence dans le genre avec son style US, tandis que les aspérités funky (mention spéciale la basse lors du solo) de "Snake Charmer" font l’effet d’un pied de nez à ses anciens comparses. La lourdeur de "Sixteenth Century Greensleeves" en fait sûrement le titre le plus Purpl-ien de l’album, entre "Black Knight" et, pour faire référence à un autre groupe, "Gypsy" (Uriah Heep).
Ne voyez pas dans l’évocation de "Greensleeves", le premier signe du tropisme médiéval de Blackmore, car celui-ci ne s’exprime pas encore à ce jour. Par contre, les compositions de Rainbow confinent parfois au rock progressif. La ballade "Catch the Rainbow", portée par le jeu hendrixien (qui rapproche le groupe du Scorpions d’Uli Jon Roth) et le mellotron, ainsi que dans une moindre mesure, la ballade épique "The Temple of the King", très folk dans son approche, peuvent toutes deux être mentionnées à ce titre – d’autant plus qu’elles figurent parmi les meilleures compositions de l’album.
Ce dernier comporte également deux reprises, l’énergique "Still I'm Sad" des Yardbirds, sublimée dans une version instrumentale époustouflante, et "Black Sheep of the Family", écrite par Steve Hammond mais incarnée par Quatermass en 1970, qui avait servi au combo de single de lancement. Cette cover est peut-être un peu trop régressive, de même qu’"If You Don't Like Rock 'n' Roll" est purement anecdotique car trop peu innovant pour être digne de leur répertoire.
Qu’on supporte au qu’on ne supporte pas le personnage de Ritchie Blackmore, force est de constater que Rainbow fut la plus belle formation issue de Deep Purple (devant Gillan ou Whitesnake), la seule capable dès le premier album, d’immédiatement mettre au mode un chef-d’œuvre.
À écouter : "Man on the Silver Mountain", "The Temple of the King", "Catch the Rainbow", "Still I'm Sad"