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Strawberry Switchblade
Strawberry Switchblade (édition japonaise)
Produit par David Motion, Phil Thornally, John Deacon
1- Since Yesterday / 2- Deep water / 3- Another day / 4- Little river / 5- 10 James Orr Street / 6- Let her go / 7- Who knows what love is ? / 8- Go away / 9- Secrets / 10- Who knows what love is ? (reprise) / 11- Being cold / 12- Beautiful end / 13- Poor hearts / 14- Ecstasy (apple of my eye) / 15- Jolene / 16- Black taxi / 17- Trees and flowers (extended mix) / 18- Michael who walks by night / 19- Since yesterday (extended mix) / 20- I can feel

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Les Strawberry Switchblade font partie des ces groupes géniaux qui n’ont sorti qu’un seul album, ne faisant qu’alimenter l’acharnement et la frustration de leurs fans. La formation, originaire de Glasgow, est emmenée par Jill Bryson et Rose McDowall qui a ensuite continué une carrière solo étonnante, multipliant aussi les collaborations de qualité : Sorrow, Death in June, les Pogues.
Leur synthpop baroque alterne entre des morceaux enjoués et des ballades mélancoliques, sur une base de boite à rythme et de synthés innombrables, guitares avec du chorus, quelques sections de cuivre, le tout noyé dans de la reverb. Parfois on entend au loin des pianos romantiques à la Kate Bush. Cette musique aux allures faussement naïves a un arrière gout de tristesse permanent, de froideur industrielle caractéristique du Nord de l’Angleterre de l’époque. L’album s’ouvre sur leur single le plus connu, "Since Yesterday", qui a pour thématique le suicide, et qui est une très bonne introduction à l’univers du groupe. L’album est truffé de belles mélodies : "Little River", "Who Knows What Love Is", "Trees and flowers", et j’en passe. D’un côté, ça rappelle les chanteuses pop des années 80 comme Kirsty Maccoll et sa très bonne chanson "They don’t know about us". La maitrise totale des arrangements confère une réelle consistance à la musique des S.S. L’utilisation des claviers est vraiment inventive et diversifiée. D’après les Peel Sessions enregistrées en 1983, les morceaux ont été initialement composés pour une configuration plus post punk/brute. Le travail qui a été effectué en studio sur les claviers est vraiment original et singulier dans le paysage synthpop/new wave de l’époque. Les harmonies vocales sont vraiment étonnantes sur l’ensemble de l’album, participant à cet effet bucolique et enfantin caractéristique du groupe. Le refrain de "10 James Orr Street" est ornementé de voix mixées de façon quasi subliminales.
Une des originalités de cet album est aussi d’y avoir intégré des nappes de voix de façon à remplir l’espace, presque comme?des synthés. Cette trouvaille est la plus flagrante sur l’excellente "Beautiful end". Que l’on adhère ou pas au kitsch de l’esthétique générale de l’album, une chose est certaine : cette musique est sans pareil. Oui, certains morceaux peuvent paraitre un peu ringards. La reprise de la chanson de Dolly Parton, "Jolene" est surprenante, mais après quelques écoutes elle devient aussi addictive que le reste.
Pas tout à fait dansant, pas tout à fait tubesque, pas commercial ni vraiment similaire à des projets dérivés de synthétiseurs plus obscurs voir expérimentaux de l’époque (Laurie Anderson, Psychic TV), Strawberry Switchblade est difficile à situer. Sans chercher à invoquer des clichés – pour une musique qui est tout sauf systématique ni attendue – il y a bel et bien un fantasme morose lié à l’écoute de ce disque dans lequel on aurait le sentiment d’assister, coincé entre des?ballons de baudruche aux couleurs acidulées, à une boum triste.