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Critique d'album

Christopher Owens


I Wanna Run Barefoot Through Your Hair


(18/11/2024 - True Panther Records - Surf pop pudique - Genre : Pop Rock)
Produit par Christopher Owens, Doug Boehm

1- No Good / 2- Beautiful Horses / 3- I Think About Heaven / 4- White Flag / 5- I Know / 6- So / 7- This Is My Guitar / 8- Distant Drummer / 9- Two Words / 10- Do You Need a Friend
Note de 4.5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Une renaissance artistique empreinte d’espoir et de spontanéité"
Franck, le 28/01/2025
( mots)

Aborder un album de Christopher Owens est une expérience teintée d’émotions pour le moins contrastées. D’un côté, l’excitation de retrouver un des songwritters les plus talentueux de sa génération : un écorché vif à la gueule d’ange, capable de composer avec une aisance déconcertante des morceaux empreints d’une rare délicatesse et d’une sensibilité à fleur de peau. De l’autre, une pointe d’amertume face à un artiste qui, en sabordant Girls, mettait fin à un des groupes les plus remarquables de la scène indie-rock US. Pour ceux qui seraient passés à côté du phénomène, nous ne saurions que vous recommander de vous plonger sans plus attendre dans la courte mais indispensable discographie du duo californien formé par Christopher Owens et Chet JR White : deux albums et un EP parus entre 2009 et 2011, témoins éclatants d’une épatante complémentarité créative. Malheureusement, la tentation d’une carrière solo s’est imposée à Owens, à un moment où ce dernier commençait à s’afficher comme égérie de Saint Laurent, Isabel Marant ou encore H&M


C’est dans ce contexte qu’en 2013, nous découvrions Lysandre, un premier album solo qui, malgré ses indéniables qualités, laissait un goût légèrement amer, suscitant une réaction teintée de désillusion : "tout ça pour ça ?!". Malheureusement, la suite n’a jamais véritablement dissipé ce sentiment. La carrière solo de Christopher Owens s’est peu à peu enlisée, marquée par des créations sympathiques, mais rarement transcendantes, bien loin de refléter le talent du bonhomme. À mesure que les projets perdaient en éclat, les labels semblaient eux aussi se détourner de l’artiste californien, qui voyait peu à peu son univers s’effondrer. Entre déboires personnels et une impossibilité de vivre de sa musique, le blondinet semblait s’éloigner irrémédiablement des radars. 


L’arrivée inattendue de I Wanna Run Barefoot Through Your Hair, près de neuf ans plus tard, relève donc de la surprise, à la fois savoureuse et inespérée. Une résurgence qui prend une dimension encore plus poignante après la disparition brutale de Chet 'JR' White en 2020… 


Il faut croire qu'Owens puise sa force dans la mélancolie qui l’entoure, tant le début de ce quatrième opus parvient à raviver une flamme que l’on pensait définitivement éteinte. Evoquant à travers son texte les années de galères de l’artiste américain, le titre introductif "No Good" brille pourtant par sa spontanéité et son énergie communicative. Ce morceau incarne parfaitement le contraste si caractéristique de l’univers d’Owens : sa voix douce et fragile s’entrelace à un jeu de guitare fougueux et grésillant, ponctué de solos aussi marquants qu’éphémères. "Beautiful Horses" poursuit sur cette lancée avec élégance, ravivant le souvenir des plus belles ballades de Girls. Sobre et quasiment dépourvu de refrain, ce morceau n’en demeure pas moins raffiné, porté par une rythmique jazz subtile et un contraste basse-guitare d’une grande finesse. Owens y livre une nouvelle démonstration de son talent : celui de susciter une émotion brute et authentique à travers des compositions d’une simplicité trompeuse, où chaque note semble résonner avec une justesse désarmante.


Sans forcer son talent, l’Américain enchaîne les douceurs musicales à l’image du titre "So" - qui évoque dans sa structure "No Surprises" de Radiohead - ou encore "White Flag" qui exploite avec brio une certaine fragilité vocale dans une ambiance éthérée et suspendue. Globalement l’album semble insuffler un vent d’optimisme et d’espoir, incarné notamment par l’air tropical et chaleureux de "I Think About Heaven", dont le refrain en "La, la la la, la la la, la-la la-la la-la" s’avèrera aussi candide que déconcertant.


Si ce cru 2024 ne présente aucun mauvais titre, il ne parvient pas à éviter le syndrome du "ventre mou" en milieu d’album. Malgré une instrumentation soignée, certains morceaux manquent en effet d’audace ("I Know"), tandis que d’autres, comme "This is My Guitar", pêchent par une prévisibilité qui atténue leur impact. 


Ces quelques lacunes se voient rapidement renvoyées au second plan, grâce à une excellente fin d’album amorcée par la montée en intensité majestueuse de "Distant Drummer". Porté par des chœurs féminins envoûtants, ce morceau évoque par moments les envolées du Dark Side of the Moon (Pink Floyd) ainsi que certaines sections plus progressives présentes sur Father, Son, Holy Ghost (Girls). Mais c’est véritablement avec le titre final, "Do You Need A Friend", que Christopher Owens assène le coup de grâce : adoptant une approche bien plus saturée et profitant d’un refrain instantanément mémorable, ce morceau cathartique de sept minutes nous transporte vers des sommets d’émotion insoupçonnés. Sans conteste, l’une des plus belles chansons de 2024 ! Ce dernier morceau conservera une saveur et une symbolique particulière pour les amateurs de Girls : il s’agit ni plus ni moins du dernier témoignage de la paire Owens-White. Quelques années avant la mort de Chet JR White, le duo s’était en effet retrouvé* le temps de quelques sessions, posant les bases de cet ultime baroud d’honneur. 


La carrière solo de Christopher Owens ne fera certainement jamais oublier l’époque Girls. Il serait pour autant inconcevable d’ignorer un artiste aussi talentueux. Résolument tourné vers l’avenir, le Californien nous livre un très bel album – sans doute son meilleur en solo – marquant un retour aussi inattendu que précieux. Nous ne pouvons qu’espérer revoir rapidement Owens à l’œuvre, tant il démontre qu’il a encore de belles choses à offrir à son public.


 


* Alors que sa carrière solo semble au point mort, Owens tente de reformer Girls en organisant quelques sessions d’enregistrement avec Chet JR White. Le peu d’investissement de ce dernier ne permet pas d’aboutir à quelque chose de réellement concret. Christopher Owens parvient malgré tout à tirer profit de ces quelques sessions en créant le groupe Curls en compagnie de Cody Rhodes et Luke Ba?e et en sortant un EP – intitulé Vante - en 2017.


 


A écouter : "Do You Need a Friend", "No Good", "Beautiful Horses"


 

Avis de première écoute
Note de 3.5/5
Après neuf années de silence et une traversée de l'enfer, l'ancien chanteur de Girls brise le silence avec de belles et séduisantes lignes de guitare qui émaillent des titres lumineux et porteurs d'espoir. Dix morceaux qui font du bien au cœur et un album qui s'achève en apothéose avec un titre conclusif cathartique s'étirant sur plus de sept minutes, déchirant d'émotion et de sincérité. Une très belle renaissance artistique pour Christopher Owens, que l'on croyait définitivement perdu.
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Commentaires
NicolasAR, le 29/01/2025 à 20:45
Je suis raccord avec ta chronique, Franck ! Un album très agréable mais qui ne s’avère pas marquant outre mesure, et encore à des années lumières de ce que Girls proposait. Ça reste un disque solide.
DiegoAR, le 29/01/2025 à 13:27
Super découverte que cet album ! Les parties de guitare reflètent vraiment le caractère écorché vif que tu décris très bien dans ta chronique ! Production de haute volée !
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