The Shins
Port Of Morrow
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1- The Rifle's Spiral / 2- Simple Song / 3- It's Only Life / 4- Bait And Switch / 5- September / 6- No Way Down / 7- For A Fool / 8- Fall Of '82 / 9- 40 Mark Strasse / 10- Port Of Morrow
Dieu sait qu'on l'a attendu avec impatience, ce nouveau Shins ! Cinq longues années de disettes viennent donc de prendre fin en ce mois de mars 2012, ceci bien évidemment si l'on omet la très intéressante incartade de James Mercer aux côtés de Danger Mouse avec le premier album de Broken Bells. Par ailleurs, l'évolution personnelle de Mercer nous laissait présager quelque chose de réellement captivant face à un projet très typé indie qui commençait à donner ses premiers signes d'essoufflement avec un Wincing The Night Away souvent passionnant mais pêchant de temps à autre par quelques redites paresseuses. On a ainsi observé avec effarement la révolte de Mercer et le renvoi pur et simple de tous les membres de son groupe en 2009, les individus étant à demi-mot accusés de freiner le gentil barbu dans ses élans créatifs et dans ses ambitions artistiques. Aujourd'hui, c'est donc un tout nouveau line-up qui entoure James Mercer : Joe Plummer (également batteur de Modest Mouse), Jessica Dobson (guitare), Yuuki Matthews (basse) and Richard Swift aux claviers. Mais ces quatre gus (mis à part Plummer) n'ont rien eu à voir dans l'élaboration de Port Of Morrow, fruit quasi-solo d'un frontman en roue libre épaulé par le producteur / multi-instrumentiste Greg Kurstin et par deux anciens membres, Dave Hernandez et Marty Crandall, visiblement pas très rancuniers de s'être fait mettre à la porte. Seul le cogneur Jesse Sandoval a été prié d'aller se faire voir ailleurs, ce qu'il n'a d'ailleurs pas hésité à faire en reprenant un commerce de vente de frites itinérant dans les rues de Seattle. Comme quoi, le rock, ça mène à tout.
Trêve de sarcasmes, car quoi qu'on puisse penser de cette attitude pas très fair-play - et quitte à renvoyer tout un groupe, autant carrément changer le nom du projet - James Mercer demeure aujourd'hui encore l'un des songwriters les plus doués de la génération 2000, aussi à l'aise dans la folk-pop typée Beach Boys que dans des projets plus électro et aventureux comme Broken Bells. On était donc carrément confiant sur la qualité de ce quatrième album Shinois, mais force est de reconnaître que la déception est au moins aussi grande que les espoirs (ou les fantasmes) mis dans ce Shins new look. Le disque commence pourtant plutôt bien, avec un duo "The Rifle's Spiral" - "Simple Song" qui expose crânement une production massive et clinquante sur les circonvolutions mélodiques de Mercer. Passée la surprise de cette redécouverte dopée à la console de mixage, on ne peut que se rendre à l'évidence : c'est beau, puissant aussi (ce qui n'était pas le cas des Shins auparavant) et ça reste suffisamment original en terme de déroulement des airs pour que l'intérêt soit maintenu en éveil. Malheureusement, c'est ensuite que les ennuis commencent. Peu importent les choix de mise en forme, de production ou d'arrangement, et peu importe aussi la recherche d'une ambition musicale ou non : en fin de compte, ce qui constitue la chair d'un disque, c'est son terreau mélodique, et le reste n'est que strass et paillettes. Or on a du mal à comprendre comment Mercer, auparavant si doué dans le tressage de pop-songs futées et touchantes, de "New Slang" en "Australia" en passant par "Know Your Onion!" ou "Fighting In A Sack!" (pas la peine de tout dérouler), a pu se débrouiller pour accoucher de chansons aussi indigentes que "It's Only Life" ou encore "For A Fool" ! On tombe là dans la pire caricature du slow plan-plan sans une once d'originalité, structure reprise encore par le plus inspiré "40 Mark Strasse" qui a au moins le mérite de placer un beau refrain sur orbite. Les morceaux plus sautillants, quant à eux, se trouvent un peu plombés par le poids de la post-production mais s'en tirent tout de même avec les honneurs, mention spéciale au sympathique "Bait And Switch" très typé Shins même si pas forcément inoubliable, et petite réserve sur le synthé trop appuyé de "No Way Down" dont le chorus archi-blindé ferait passer Coldplay pour des petits bras. Ailleurs, on retrouve du down-tempo plus classique pour Mercer (comme le semi-acoustique "September" qui aurait sans problème trouvé sa place sur Wincing The Night Away) ou de la pop-bossa nova coolos ("Fall Of '82" et ses belles lignes de basse), tandis que le très arty "Port Of Morrow" clot l'album sur un curieux air à la fois plaintif et suraigu mais aussi indolent et détaché : pas forcément très réussi.
S'il faut résumer, soyons clairs : les Shins, c'était mieux, beaucoup mieux avant. Port Of Morrow n'est pas complètement raté, mais il ne tient pas une seconde la comparaison avec ses trois prédécesseurs. Rien d'autre à ajouter, ou plutôt si : à quand le prochain Broken Bells ?