The Shins
Wincing the Night Away
Produit par
1- Sleeping Lessons / 2- Australia / 3- Pam Berry / 4- Phantom Limb / 5- Sealegs / 6- Red Rabbits / 7- Turn On Me / 8- Black Wave / 9- Split Needles / 10- Girl Sailor / 11- A Comet Appears
Rares sont dans notre pays les heureux veinards à avoir déjà pu découvrir The Shins . Le succès d'estime de ce groupe indie-pop américain discret et modeste n'est survenu outre-atlantique que par hasard, après qu'ils aient accepté de prêter 2 titres de leur excellent premier album à la BO du cultissime Garden State, alors que leur non moins excellent deuxième album venait à peine de tomber dans les bacs. L'attente quasi-hystérique générée par l'annonce de ce... troisième album (vous suivez toujours ?) n'a pas pour autant désarçonné les musiciens qui, loin de se précipiter, ont pris le temps de peaufiner leur bébé. En famille, tranquillement, en exploitant toujours leur studio d'enregistrement "artisanal" situé dans la cave du domicile de James Mercer, leader et compositeur génial du quatuor. Sans céder aux criantes sirènes des majors. Et pour un résultat plutôt enthousiasmant.
Dès les premières notes du CD, le groupe déroule sa pop-rock (ou plutôt son rock-pop) sobre et sophistiqué(e) avec un naturel désarmant, accrochant immédiatement l'auditeur pour ne plus le laisser s’échapper. Il y a comme un gout vivifiant et léger dans cette musique qui sent bon les vacances et le sable chaud, mais qui laisse néanmoins une pointe de nostalgie et d'amertume au fond de la gorge. L'alchimie s'opère instantanément entre la douce voix de James Mercer et les instruments, qui associent au traditionnel trio guitare-basse-batterie un clavier et une boîte à rythme parcimonieusement et judicieusement utilisés. Dès lors, tous les titres communiquent une sensation de paix et de bonheur tout simple, parmi lesquels se dégagent quelques perles d'une sensibilité rare, dont l'irrésistible "Australia" et sa ritournelle joyeuse et lumineuse. Et que dire de "Phantom Limb", dont le début rappelle un peu la nonchalance insouciante de Nada Surf , avant de bifurquer sur un refrain fabuleux de sensibilité ? Ce qu'il y a d'incroyable avec les airs des Shins, c'est cette impression permanente de nouveauté et - j'allais presque dire - de "jamais entendu", malgré un indéniable parfum de Beach Boys des années 2000. Et pourtant leur musique semble si accessible, si évidente ! C'est comme si, en fermant les yeux et en se laissant bercer par cette pop subtile, on avait l'impression de se retrouver un soir d'été, sur la plage, autour d'un bon feu, avec une bande de vieux copains qu'on n'aurait pas revus depuis des années... tout en ayant l'impression de les avoir quittés seulement la veille, et de devoir les quitter une nouvelle fois dans les heures à venir. Alors on désire à tout prix prolonger cette sensation de sérénité retrouvée, et on relance le CD encore et encore. La magie bien est là, ça ne fait aucun doute.
J'entends déjà les sceptiques ruer dans les brancards : trop sage, trop inégal, pas aussi limpide que par le passé. Certes les Shins ont muri, et on sent sur cet album que Mercer et sa bande ont dû opérer un très long travail d'orfèvre pour parvenir à de telles finitions. Le groupe a perdu en spontanéité ce qu'il a gagné en perfectionnisme. Et si les 2 titres précités frôlent le sublime, le reste de l'album se contente juste d'être délectable, ce qui, avouons-le, n'est déjà pas si mal en ces temps où il devient de plus en plus difficile de se rassasier d'une pop moderne de qualité. Pour moi, Wincing the Night Away n'est ni moins bon, ni meilleur que les précédentes éditions : il permet simplement d'avoir une satisfaction d'écoute toujours intacte en apportant de surcroit le renouvèlement musical nécessaire à ce stade de la carrière du groupe. Surtout, l'album donne envie d'en écouter encore d'avantage, et d'espérer donc qu'il ne sera pas le dernier à nous parvenir du fin fond de Portland. La musique des Shins est décidément à consommer sans - aucune - modération...