
Ranking albums : Steven Wilson
En pleine tournée pour son dernier album en date The Overview, Steven Wilson joue des setlists qui piochent plutôt équitablement¹ dans toute sa discographie. L’occasion pour nous de vous proposer un classement de ses albums solo² , du pire au meilleur.
Une carrière éclectique qui va forcément diviser
Steven Wilson aime changer de style d’un album à l’autre. Nous admettrons donc d’emblée la subjectivité de ce classement. En effet, certains trouveront à redire sur les albums aux influences 70s trop marquées, tandis que d’autres au contraire ne jurerons que par ceux là et ne trouveront pas leur compte dans les albums où il s’éloigne du prog.
N°8 : The Future Bites (2021)

Wilson a voulu faire un album de pop-électro-funky. Si son talent pour composer de la musique progressive lui a valu le titre de King of Prog, il est beaucoup moins convainquant dans les genres musicaux sus-cités. On sauvera tout juste de ce disque de quoi faire un EP : "Self", "King Ghost", "Man of the People" (qui fait penser à du Tears for Fears), et "Count of Unease" (une ballade mélancolique telle qu’il sait si bien en faire, on en trouve une à la fin de quasiment tous ses disques). Le plus étonnant c’est que la version deluxe (disponible sur les plateformes de streaming) comprend une dizaine de morceaux issus des mêmes sessions qui étaient bien meilleurs que ceux retenus pour l’album !
N°7 : The Harmony Codex (2023)

Pour la première fois de sa carrière, Wilson enregistre un disque fait d’une collection de titres disparates, empruntant indifféremment à tous les styles musicaux qu’il aime. Une hérésie venant d’un artiste qui répète à longueur d’interview qu’il considère la forme album comme un voyage avec un univers musical coordonné, un début et une fin. Comme pour The Future Bites, on sauve de quoi faire un EP : la chanson pop "What Life Brings", la très Radiohead "Economies of Scale", "Beautiful Scarecrow" (dont la construction rappelle ce qu’il pouvait faire sur Insurgentes) et la trip-hop "Actual Brutal Facts". On s’ennuie sur plusieurs morceaux inutilement longs (notamment ceux à base de synthé et de voix parlées monocordes). En revanche, cet album est rempli de solos de guitare majestueux.
N°6 : The Overview (2025)

Wilson aimant prendre le contre-pied de ce qu’il a précédemment fait, le successeur de The Harmony Codex propose un concept fort (l’insignifiance de l’être humain au regard de l’univers) et une forme ambitieuse (2 compositions d’une vingtaine de minutes le constituent). L’album puise beaucoup dans ses influences (Pink Floyd) et dans sa propre discographie (les périodes pop et space rock de Porcupine Tree) sans être passéiste pour autant. Chaque morceau comprend une section centrale très pop aux mélodies marquantes. Certaines sections laissent parfois à désirer (le début et la fin de "The Overview" notamment), modérant notre enthousiasme, mais on est quand même ravi d’entendre le King of Prog revenir à ce qu’il sait le mieux faire !
N°5 : Insurgentes (2008)

Alors encore actif au sein de Porcupine Tree, Wilson démarre officiellement sa carrière solo avec cet album en explorant des univers qui ont peu leur place dans son groupe principal : industriel, noise rock et shoegaze. L’envie de construire des murs de son ou des textures ambient l’emporte sur la recherche mélodique, aboutissant à un disque artistiquement majeur, mais dont on retient moins les chansons individuellement. Le titre d’ouverture "Harmony Korine" est néanmoins devenu un incontournable en concert, tandis que la ballade éponyme finale figure parmi les plus belles qu’il ait jamais écrites.
N°4 : To the Bone (2017)

Avec To the Bone, Steven a voulu rendre hommage aux artistes qui faisaient de la pop ambitieuse dans les années 80,: Peter Gabriel, Kate Bush, Tears for Fears, Talk Talk… La pop guillerette façon Abba de "Permanating" a braqué pas mal de fans à sa sortie. C’est pourtant le seul point faible de cet album. La face A le montre à l’aise et pertinent dans l’art pop. Et la face B, plus proche de son univers habituel, est remplie de pépites un peu trop éclipsées par le succès de "Pariah", "The Same Asylum as Before" et Permanating". On pense notamment au morceau fleuve "Detonation", au duo trip-hop avec Sophie Hunger "Song of I" et aux ballades mélancoliques "Blank Tapes" et "Song of Unborn".
N°3 : The Raven that Refused to Sing (And Other Stories) (2013)

Avec cet album, Wilson rend hommage aux classiques du prog des années 70. La pochette est magnifique. Les histoires de fantôme à la manière des nouvelles fantastiques anglaises du XIXème siècle sont excellentes. Le légendaire Alan Parsons est aux manettes d’ingénieur du son. Le line-up est le meilleur qu’il ait jamais eu avec Marco Minneman à la batterie et Guthrie Govan à la guitare. Ce dernier délivre un des meilleurs solos de l’histoire du rock sur "Drive Home". "The Raven that Refused to Sing" et son magnifique clip réalisé par Jess Cope est une de plus beaux morceaux jamais écrits par Steven Wilson. En cherchant la petite bête, on regrette que "Luminol" soit presque une caricature de la composition prog rock, mais à part ce léger bémol on tient là un des chefs d’œuvre du genre.
N°2 : Hand. Cannot. Erase (2015)

Hand. Cannot. Erase est le seul véritable concept album de Steven Wilson, dans le sens où il raconte une seule et même histoire du début à la fin. Pour celui-ci il a trouvé un sujet fort en s’inspirant d’un fait divers : une jeune femme trouvée morte depuis 2 ans dans son appartement à Londres. Pour incarner sa protagoniste, il lui fallait une chanteuse. Ninet Tayeb a d’emblée conquis les fans avec sa voix grave puissante et éraillée et sa large tessiture. Si bien qu’il a refait appel à elle sur plusieurs de ses disques depuis. Musicalement il propose un prog beaucoup plus contemporain avec des influences electro et pop-rock. Et si on peut trouver à redire sur la monotonie de "Perfect Life", l’album est par ailleurs sans failles. Mieux, après ce faux pas, la tracklist ne fait qu’enchaîner des sommets d’intensité : l’émotionnel "Routine", l’instrumental "Regret #9" avec ses solos épiques de clavier et de guitare, le monumental "Ancestral" et sa montée en puissance complètement folle, et le final pop parfait "Happy Returns" pour un retour à l’apaisement après cette suite de 36 minutes mouvementée.
N°1 : Grace for Drowning (2011)

Prisonnier de la formule prog-rock-metal qui a fait le succès de Porcupine Tree, Steven souhaite passer à autre chose. Et notamment exprimer ses influences jazz. Pour se faire il lance véritablement sa carrière solo, délaissant désormais complètement le groupe qui a fait sa notoriété. A l’époque il remixait les albums de King Crimson et cela s’entend. Il serait cependant faux de voir uniquement en Grace for Drowning un hommage au roi cramoisi, tellement ce double album puise dans des influences très larges (free jazz, musique de film, musique contemporaine). Theo Travis n’a jamais autant été mis à l’honneur avec des solos de flûte traversière, de saxophone et de clarinette sur près de la moitié des titres. L’ambiance générale est sombre et inquiétante, et d’ailleurs deux des compositions les plus marquantes de l’album ont pour sujet les tueurs en série : "Raider", plat de résistance monumental d’une durée de 23 minutes et "Index", un des morceaux les plus fréquemment joués en concert. On ne s’ennuie pas une seconde tout au long des 83 minutes que dure Grace for Drowning, ce qui est tout de même assez rare pour un double album. Tout au plus peut-on regretter la légèreté pop de "Postcard" qui ne semble pas à sa place ici. De 2011 à 2015, Wilson a pondu trois chefs-d’œuvre du prog et selon vos goûts on imagine aisément que vous souhaiteriez changer l’ordre de ce trio de tête, délivrant la première place à The Raven that Refused to Sing pour les amateurs de prog 70s, Hand. Cannot. Erase pour ceux qui préfèrent un rock progressif qui se renouvelle et Grace for Drowning pour les amateurs de jazz-rock et de musiques plus ardues.
¹ On retrouve en moyenne une à trois chansons de chaque album.
² Steven Wilson étant coutumier de sorties en édition limitée, nous ne retiendrons que ses albums majeurs pour ce classement. Ainsi nous avons délibérément écarté Unreleased Electronic Music (compilation de titres électro enregistrés quand il faisait de la musique de pub), Cover Version (compilation de 6 singles qui comportaient à chaque fois une reprise suivi d’une composition) et l’EP 4 ½ dont la durée (37 minutes) aurait pourtant suffi à être considéré comme un LP pour bien des groupes.