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Critique d'album

The Black Keys


Attack & Release


(07/04/2008 - Nonesuch Records - Blues Rock - Genre : Rock)
Produit par

1- All You Ever Wanted / 2- I Got Mine / 3- Strange Times / 4- Psychotic Girl / 5- Lies / 6- Remember When (Side A) / 7- Remember When (Side B) / 8- Same Old Thing / 9- So He Won't Break / 10- Oceans And Streams / 11- Things Ain't Like They Used To Be
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Le duo d'Akron assoit sa suprématie, malgré un Danger Mouse peu inspiré."
Maxime, le 30/07/2008
( mots)

Généralement c’est à l’occasion du deuxième album que l’on jauge le potentiel d’un groupe. Or, cette catégorie très restreinte formée par "les duos blues-rock américains apparus à l’aune des années 2000" se trouve régie par d’autres lois. Ici, c’est seulement avec l’arrivée du cinquième opus que la crise existentialiste pointe : on creuse son gisement bien profondément pendant quatre disques avant d’aller jeter un œil en dehors de sa galerie. Les White Stripes procédèrent pour leur part successivement par substitution (bannissant l’électricité pour lui préférer guitares acoustiques, orgue et piano sur Get Behind Me Satan) et addition (incorporant cornemuses pour un improbable pas de Tango sur Icky Thump). Même vent de renouveau constaté quelques années plus tard pour les Black Keys se soldant par la présence de Danger Mouse aux manettes de ce cinquième long format, projet né des cendres d’une collaboration avec Ike Turner, avortée pour cause de décès du légendaire guitariste.

Cette alliance contre-nature entre le producteur le plus hype du moment (Gorillaz, Sparklehorse, Beck, The Good the Bad and the Queen) et un binôme pour qui tout disque se doit d’être bouclé en deux jours sur un 4 pistes s’est vu saluée par les observateurs bobos pour qui le mélange des contraires est une vertu absolue qui prime sur toute autre considération. Ces mêmes personnes qui trouveraient demain la perspective d’un album d’ AC/DC produit par Nigel Godrich "d’une audace follement postmoderne, n’est-il pas ?" C’est oublier que ce type d’affiche n’a pas toujours accouché du meilleur (on pense notamment à Phil Spector castrant le son des Ramones sur End Of The Century). C’est oublier les propos de François Truffaut, qui départageait les cinéastes en deux catégories : les semeurs, ceux qui plantent leurs graines sur différents terrains pour enrichir leurs cultures, et les mineurs, qui percent un seul et unique point, mais l’explorent dans ses moindres recoins. L'expérimentateur ne vaut pas mieux que celui qui se consacre pleinement à un genre unique, chacun poursuit une logique qui est la sienne. Pourquoi diable aurait-on envie de forcer une gueule noire à planter des tulipes ou de demander à un jardinier d’aller s’enfouir dans un terril ?

Le producteur attifé en Arlequin ou en Droggie comme sauveur d’un groupe tournant en rond ? Et puis quoi encore ? Qui voudrait croire à pareil scénario ? Patrick et Dan n’ont besoin de l’avis de personne pour fixer les directions que doit prendre leur esthétique. Et puis il faudra qu’on nous explique en quoi l’ignoble "Crazy" pondu avec son complice de Gnarls Barkley vaut mieux que n’importe quel étron fraîchement démoulé par David Guetta ou Bob Sinclar. De même, son Grey Album, fusionnant samples extraits du double blanc des Beatles et du Black Album de Jay Z s'imposait comme une idée lumineuse sur le papier, mais s’avérait beaucoup moins fascinant à l’écoute. Finalement, à y bien regarder, le supposé génie de Danger Mouse apparaît bien superficiel, remarquablement aiguisé quand il s’agit de poser costumé devant le photographe ou d’accumuler les collaborations diverses pour épater le rock critic, bien moins transcendant dans ses réalisations concrètes. D’ailleurs, face à la musique préhistorique et épurée des touches noires, la souris dangereuse se révèle bien démunie, se contentant de boucher les interstices lorsque la guitare caverneuse d’Auerbach et la batterie lourde de Carney lui en laissent la possibilité. Elle se contente d’y recycler des gimmicks qu’elle a déjà éprouvés pour d’autres : chœurs fantomatiques qui sont les mêmes d’une plage à l’autre ("I Got Mine", "Strange Times", "Psychotic Girl", "Lies", "Remember When (Side A)"), quelques nappes de claviers ("Oceans And Streams") et moulinets de flûte à la Shaolin Brothers ("Same Old Thing").

Que de paresse, alors que de leur côté les compères d’Akron multiplient les prodiges et les audaces : ouverture claudicante échappée d’un vieux western de la Warner ("All You Ever Wanted"), remarquable tube garage sanglé sur une rythmique jouissive tout en emballements et brusques décélérations ("Strange Times"), soul grattée à la moelle ("Oceans And Streams"), balades belles à chialer dans sa bière ("Things Ain’t What They Used To Be"), beat hip-hop transmuté en vieille carpette poussiéreuse sur laquelle se décrasse la voix inhumaine de Dan Auerbach ("Psychotic Girl", "Same Old Thing"). Tout se passe comme si le duo se servait de son producteur comme alibi pour aller revisiter tranquillement et ludiquement dans son coin les moindres facettes de son style. On nous promet la défroque d’un supposé renouveau, alors que l’on reste hanté par les riffs hachurés et minimalistes, sarclant avec une violence superbe dans l’héritage blues, le chant profond et habité, les tempos entêtants. Exactement les fondamentaux qu’explorent les Black Keys depuis leur premier EP. Cet album se lit d’ailleurs comme le passionnant combat d’une musique venue du plus profond des âges percer le cœur en papier glacé d’une modernité vendue comme unique salut. Lutte dont l’issue s'impose rapidement, le binaire cru suintant par tous les pores, telle une huile noire et épaisse qu’on essaie de couper à l’eau et qui revient inlassablement à la surface.

Dans quelques années, quand la mode aura choisi un autre pantin surfait, on regardera ce disque de la même façon qu’on considère aujourd’hui un Emotions (Pretty Things) ou un Soft Parade (Doors) : une curiosité, un bon album néanmoins gâché par une production désuète, kitsch. Peut-être qu’en 2050 sortira une version naked, et on s’apercevra que les différences avec l’originale sont minimes. Inutile d’attendre si longtemps pour que l’Histoire fasse son œuvre, il suffisait d'aller admirer les Black Keys lors de leur dernier concert au Bataclan pour les voir, délivrés de tout colifichet numérique, rendre le néanderthalien écrin qui seyait enfin à ces très bons morceaux. Très bons morceaux dont ce Attack & Release, il faut quand même le rappeler en toute fin, est farci ras le goulot.

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