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Critique d'album

Dead Meadow


Old Growth


(12/02/2008 - Matador Records - Rock Psychédélique - Genre : Rock)
Produit par

1- Ain't Got Nothing (To Go Wrong) / 2- Between Me And The Ground / 3- What Needs Must Be / 4- Down Here / 5- 'Till Kingdom Come / 6- I'm Gone / 7- Seven Seers / 8- The Great Deceiver / 9- The Queen Of All Returns / 10- Keep On Walking / 11- Hard People/Hard Times / 12- Either Way
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"60 minutes d'un voyage transcendantal et hanté qui revigore le psyché US."
Maxime, le 24/07/2008
( mots)

Dead Meadow n’était pour nous qu’un nom sans corps, ne s’incarnant dans aucun morceau précis, une entité ectoplasmique comme on en rencontre si souvent dans le genre "oui, ce nom me dit quelque chose, il faudra que je pose une oreille dessus un de ces jours…" C’était jusqu’à ce soir de décembre 2005 où l’on a vu ce trio originaire de Washington partager la scène avec Black Mountain à la Boule Noire. On pouvait y voir trois individus en chemise à carreaux ouvrir la douche à fuzz pendant une heure, le nez sur les pédales de distorsion, pour ne la refermer brillamment qu’avec le renfort de leurs collègues canadiens. On s’est depuis procuré leurs albums, notamment leurs deux premiers disques réédités en 2006 ainsi que le transcendantal Feathers (2005). Et le petit coup de foudre de se muer en amourette, nourrie en grande partie par leurs guitares pesantes et grésillantes déchiquetées en de grands brasiers psychédéliques, célébrant avec d’autres formations (Comets On Fire, Black Mountain) la rencontre fertile entre l’univers foisonnant de l’indie rock dans son versant le plus heavy et le monde plus métallique du stoner.

Attendue avec fébrilité, leur sixième réalisation vient quelque peu chambouler la liturgie de cette messe œcuménique. On passera sur ses conditions d’enregistrement dont le groupe s’est longuement épanché sur son Myspace (maison hantée avec apparitions fantomatiques la nuit, voix gémissant dans le grenier, volets qui claquent et tout le tremblement) qui n’effraieront qu’un enfant qui n’a jamais touché à une console de jeux vidéo pour se concentrer sur l’essentiel. Dead Meadow a planqué l’artillerie. Fini les feux de Bengale, les américains ne bâtissent plus leur force de persuasion en déballant les effets spéciaux. Et c’est dans ce dénuement que leur musique, plus caverneuse, plus pernicieuse, atteint un degré de fascination jusqu’alors inégalé.

L’idée de génie est de laisser tout le champ à la batterie lourde de Stephen McCarty, laquelle, de concert avec la basse de Steve Kille, scande en une pulsation sourde les douze pistes de ce voyage hébété dans les profondeurs sinueuses d’une forêt inextricable. Tout ne semble exister que par l’entremise de ce foyer tribal. En dehors de cette rythmique lancinante, l’ensemble ne parait reposer sur rien : quelques riffs bluesy épurés qui ne diffèrent pratiquement pas d’une plage à l’autre, une poignée de solos bourdonnants se vaporisant rapidement dans l’atmosphère et la voix de Jason Simmons, nasillarde, plaintive, incapable d’accoucher de la moindre mélodie un tant soit peu ébauchée. La puissance de ce disque se déploie de façon plus feutrée, elle se diffuse par effluves, prend sournoisement le contrôle du corps. Elle invite à se replier dans les profondeurs utérines de la nature en une marche nocturne, solitaire et désincarnée ; elle initie une osmose sensorielle avec l’eau, la terre, le vent (ce n’est pas un hasard si tant de titres renvoient à une relation se nouant entre l’individu et le milieu qui l’entoure : "Old Growth", "Between Me And The Ground", "Down Here", "Keep Walking") en une sorte de psychédélisme végétal. Statique, imperturbable, léthargique. Rares sont les disques qui prennent autant le contrôle de l’esprit sans l’abrutir ni le pervertir, mais en se reposant seulement sur l’ambiance qu’il distille.

Point d’aboutissement total de leur discographie, Old Growth risque d’irriguer longtemps de son charme souterrain les futures réalisations de ses géniteurs. Cette réussite n’est pas isolée. Deux ans auparavant, le Indian Tower de Pearls And Brass a ressourcé un stoner tournant en rond en rayant les cactus et les étendues rocailleuses du paysage pour leur préférer les plaines crépusculaires de Pennsylvanie. En janvier, Black Mountain faisait mordre la neige au prog-rock seventies. Dead Meadow leur emboîte brillamment le pas, inaugurant une migration sonnant comme une ultime exhortation : fuyons le tumulte de nos métropoles et perdons-nous corps et biens dans les tréfonds désolés de nos campagnes.

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