The Black Keys
Delta Kream
Produit par
1- Crawling Kingsnake / 2- Louise / 3- Poor Boy a Long Way from Home / 4- Stay All Night / 5- Going Down South / 6- Coal Black Mattie / 7- Do the Rump / 8- Sad Days, Lonely Nights / 9- Walk with Me / 10- Mellow Peaches / 11- Come on and Go with Me
Il y a quelques temps, j’avais pour projet de créer un podcast sous forme d’anthologie narrant la rencontre entre Robert Johnson ressuscité et un mélomane contemporain. Ce dernier lui ferait découvrir les plus belles reprises de son œuvre dans le monde du rock, telles "Terraplane Blues" de Foghat ou "Love in Vain" par les Rolling Stones. N’ayant ni le temps et, surtout, ni le talent des meilleurs podcasters musicaux français tel Maxime de Recoversion (au hasard), ce projet dort toujours.
Bien qu’il vienne du Delta, le bluesman ayant pactisé avec le diable n’apparaît pas sur le dernier album des Black Keys qui revisitent le répertoire de plusieurs pontes de la région, notamment Junior Kimbrough (qui se voit réserver presque la moitié de la sélection). Berceau du blues, le Mississippi s’écoule tout au long de leur œuvre avec une volonté de respecter minutieusement ce patrimoine qui a marqué le duo Auerbach/Carney, ici aidé par des spécialistes locaux. Une volonté de s’imprégner d’un passé peut-être fantasmé qui s’illustre dans la façon d’interpréter ces morceaux et de les enregistrer (en quelques heures, de façon live) : on entend ainsi des faux-départs, des bidouillages, des bribes de dialogue, qui apportent de l’authenticité (ou de la rusticité) à l’opus.
Suite aux dernières pérégrinations du groupe qui avait pu laisser perplexe une partie du public, les Black Keys reviennent aux fondamentaux. Après neuf albums, ils font un point d’étape sous forme de retour aux sources du rock, id est du blues, comme Aerosmith sur Honkin’On Bobo (plutôt réussi) ou les Rolling Stones sur Blue & Lonesome (sans commentaire …). On se trouve sans hésitation du côté des premiers, tant l’album affiche un savoir-faire fort louable.
Au sommet du groove, l’intimiste "Crawling Kingsnake" (John Lee Hooker) ouvre Delta Kream de la plus belle manière qui soit avec un son volontiers roots et des interventions solistes comme ponctuation. La sélection permet de passer de morceaux très rythmés et enjoués ("Poor Boy a Long Way From Home", "Coal Black Mattie") à d’autres qui tracent les routes en ligne droite dans la nuit chaude du deep south (l’excellent "Going Down South") ou qui s’affichent comme des complaintes plus calmes (le beau final "Come On and Go With Me"). Un programme assez savoureux.
Il y a tout de même un côté blues à papa qui, s’il est bien réalisé et parfois renforcé de sonorités rock, peut donner à l’album une certaine redondance et des longueurs, d’autant plus que les titres sont relativement longs (toujours autour des cinq minutes) pour un album copieux (presqu’une heure). A moins d'être un mordu du style, difficile d’être complètement emporté par des morceaux assez convenus comme "Louise", "Do the Romp", "Mellow Peaches" … Ce sentiment de répétition nous arrive ainsi sur le bon "Stay All Night" qui affiche une grande porosité avec "Crawling Kingsnake" et rappelle que le genre peut tourner en rond. Mais malgré l’absence de ce petit élagage peut-être nécessaire, l’ensemble est vraiment convaincant.
Delta Kream est un album qui ne peut que ravir les amateurs du genre, d’autant plus que celui-ci est sorti au bon moment, à la veille de l’été, tel un Seasick Steve ensoleillé, calibré pour la route éblouissante des congés, si tant est que le Rhône puisse avoir des airs de Mississippi.