La série d'été Albumrock : #14 Pink Floyd
Pour occuper votre été, Albumrock vous offre cette année une série au principe assez simple : un rédacteur vous propose de découvrir ou de réviser un groupe plus ou moins culte en dix titres. Vous aurez droit à une sélection représentative qui vise à mettre en avant des morceaux par rapport à leur place dans le répertoire du groupe, sans toutefois renoncer à la subjectivité avec des choix parfois plus inattendus. Aujourd’hui, les plus planants de la scène progressive, Pink Floyd.
10- "Atom Heart Mother", Atom Heart Mother - 1970. Un titre trop long, ambitieux et audacieux mais bancal et aujourd’hui "oublié" par le groupe lui-même. Pink Floyd a construit la structure de base sans s’imposer une parfaite rigueur dans le tempo. Il était impossible d’alors accorder "académiquement" les parties orchestrales au travail des rockers, si fait que des fluctuations gênantes empêchent le développement cohérent de l’œuvre. Un simple métronome aurait donné un cachet définitif à cette création souvent inquiétante mais qui culmine sur un message d’espoir.
9- "Careful With That Axe, Eugène", Relics - 1971. Perché sur un accord unique de Ré, le titre (aux effluves lysergiques un peu arabisantes) a été enregistré en 1968 pour figurer sur la face B d’un single. Il (dé)montre un groupe totalement décomplexé, libre de toute contrainte, qui peut se permettre d’évoluer en apesanteur tout en évoquant des événements potentiellement horribles. Tout aussi recommandée, la version live proposée sur le double album Ummagumma est un peu plus anxiogène mais moins spontanée.
8- "Mother", The Wall -1979. Le bonheur absolu des psychiatres freudiens. Quand, avec des accents œdipiens et en pleine guerre froide, le petit Roger supplie sa maman, possessive et veuve de guerre, de l’aider à bâtir un mur infranchissable. Pour ne jamais être confronté au reste de l’univers. Difficile de faire mieux. Ou de faire pire. Mais les accents sont formidablement sincères.
7- "Shine On you Crazy Diamond", Wish You Were Here - 1975. Comment rendre un plus bel hommage à l’âme créative du groupe qui a brûlé son âme en tutoyant de trop près les confins du firmament ? A l’issue du processus d’enregistrement du premier opus de Pink Floyd, le diamant Barett ne brillait déjà plus ; il était perdu, pour lui-même, pour la musique et pour l’humanité…
6- "Time", Dark Side Of The Moon - 1973. Pour un fan d’horlogerie, il est difficile de ne pas aduler ce titre métronomique aux contours mécaniques mais également pourvu d’une inspiration étrangement organique. Le texte évoque cette métaphore classique où l’on comprend que l’homme jeune ne craint pas de laisser filer le temps tandis que l’homme âgé tente désespérément de le retenir. Plus le temps passe, plus je me sens concerné…
5- "High Hopes", The Division Bell - 1994. Le plus beau titre post-Waters de Pink Floyd. David Gilmour y démontre une parfaite maestria de compositeur nostalgique (avec l’aide de son épouse Polly), de chef d’orchestre et de guitariste, probablement inspiré par les étoiles auxquelles il se mesure sans jamais y brûler son âme (contrairement à son prédécesseur). Dans ses premiers développements, la composition semble un peu légère pour marquer l’histoire du groupe anglais ; mais les plus belles légendes se bâtissent toujours sur du sable avant de se sculpter dans le marbre.
4- "Great Gig In The Sky", Dark Side Of The Moon - 1973. Pour ceux et celles que l’illustration peut intéresser, je pense que tout l’art de Philippe Druillet est contenu dans ce seul titre. Un orgasme vocal, désespéré, solitaire et cosmique, unique dans la petite histoire du rock. Pour le simple plaisir de citer la magnifique choriste Clare Kelly (rétribuée pour sa prestation par un chèque généreux de trente livres sterling).
3- "Us And Them", Dark Side Of The Moon - 1973. un plaidoyer déchirant contre les conflits imbéciles qui divisent les peuples. La démarche peut être qualifiée de naïve mais, en ce début des années soixante-dix, on pouvait encore penser qu’une chanson pouvait changer les choses. Et Roger Waters semblait encore avoir foi en l’humanité…
2- "Another Brick In The Wall", The Wall - 1979. Le manifeste misanthrope ultime d’un artiste, Roger Waters, en complet décalage avec son public et le monde entier. Pétage de plombs ultime. Le double album (réorchestré par Bob Ezrin au départ d’une logorrhée confuse et haineuse) explique à l’Humanité comment le bassiste historique de Pink Floy préférerait vivre sans et loin d’elle. Le single est un succès universel et devient même, par effet antilogique, l’hymne de combats humanistes en Afrique du Sud. Le solo de guitare de David Gilmour sera bientôt enseigné dans les Académies du Rock.
1- "Wish You Were Here", Wish You Were Here - 1975. Hommage définitif à l’être perdu, le titre est bâti sur quatre accords (Sol, Do, Ré et La mineur) et résonnera définitivement comme le point d’orgue d’un album culte – un peu dépressif – illustré par un studio Hipgnosis au sommet de sa forme. Les premières fêlures apparaissent dans la tête de Waters. Elles signeront prochainement la fin du groupe dans sa composition post-originelle. Sa composition "originelle" incluait Syd Barrett à qui cet album est précisément adressé, comme une bouteille jetée à la mer.
Vous pouvez également écouter la playlist sur votre application préférée (Deezer, You Tube Music, Qobuz et autres) via ce lien : https://www.tunemymusic.com/?share=z9atynu9lilh