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Critique d'album

The Pretty Things


Parachute


(01/06/1970 - Harvest - Classic Rock - Genre : Rock)
Produit par Norman Smith

Note de 5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Un splendide chant du cygne avant l'oubli"
Guillaume , le 15/05/2023
( mots)

La foudre peut tomber deux fois au même endroit. Dartford, petite ville de la banlieue lointaine de Londres a vu éclore Les Rolling Stones… et les Pretty things. Les deux collectifs ont été biberonnés aux mêmes influences (Chuck Berry, Bo Diddley) et le guitariste des Pretty things, Dick Taylor, a même fait joujou dans une version primitive des Pierres qui Roulent. Mais la comparaison s’arrête ici. Drivé par un batteur complètement timbré - qui deviendra une tradition dans le groupe -, Les Pretties étaient les plus sauvages de la scène londonienne et entretenaient une image de petites frappes infréquentables (moches, cheveux longs, barbus… en 1964, bien avant tout le monde !). Après plusieurs prestations cataclysmiques, à faire passer les Glimmer twins pour des boyscouts pré-pubères, les Pretties décident d’entrer en studio. Garants d’une sorte d’honnêteté musicale (jusqu’à la publication de Parachute en l'occurrence), c’est justement cette absence de compromis et cette volonté constante d’aller de l’avant qui feront leur force. Ils sont les loosers magnifiques par excellence : révérés par une foule de fans (Bowie et Gilmour en tête) mais boudés par le plus grand nombre. Après trois albums suintant le Rythm’n’Blues furibard de leurs débuts, les Pretties évoluent vers le psychédélisme et accouchent de leurs premières pépites : le bonbon easy listening Emotions et l’opéra rock S.F. Sorrow (sorti quelques mois avant le premier opéra rock connu : Tommy des Who). Ces délicates sucreries vont se fracasser sur un mur d’indifférence. En plein doute, Dick Taylor, le caractériel guitariste-fondateur, jette l’éponge et part rejoindre ces psychopathes d’Hawkwind. Phil May (dernier membre du line-up originel) se retrouve au pied du mur et se lance une nouvelle fois dans la périlleuse aventure du concept-album. Ce sera Parachute, majestueux chant du cygne avant une refonte complète orientée rock FM. 


En 1970, l’époque n’est plus à l'insouciance, au psychédélisme et à ces costumes chamarrés. Altamont et Manson sont passés par là. Les seventies carnassières dévorent la dépouille agonisante des sixties. Solidement ancré dans cette période charnière, l'album met en tension deux extrêmes : la quiétude d'une vie à la campagne opposée à la violence de la ville.


Composée de courtes vignettes pastorales se suivant en fondu enchaîné, cette première partie se déguste comme un "film pour les oreilles". Une apocalypse à venir se fait ressentir sur "Scene one" : chœurs grandiloquents, texte cryptique, mur de son écrasant. La tension est palpable…qui retombe illico avec le diptyque folk "The good Mr. Square"/"She was tall she was high". La voix chevrotante à la Lennon et les harmonies vocales ( influence "Because"), font clairement penser aux Beatles dernière période. Le triptyque "In the Square"/"The Letter"/"Rain" joue la carte tendre des harmonies vocales dans les riantes prairies anglaises. L'ambiance générale est acoustique, sereine. Mais quelques dissonances se font jour, présageant le danger à venir. Le bucolisme des débuts s’efface, au profit de l’effrayante vie citadine, grande dévoreuse d’âmes.


Puis commence le deuxième chapitre de l’album. Plus cynique, voire pessimiste. Phil May a patienté dans l'ombre, attendant son heure. Qui arrive avec "Miss Fay Regrets". Et là les Pretties renouent avec le son survolté de leurs premières années et décident de lâcher les chevaux. Riffs métalliques, mélodie contagieuse et chant musclé sur un titre évoquant la déliquescence d’une actrice à l’aube de sa carrière ( ou la fin du monde ??). Une section rythmique d’anthologie (quelle ligne de basse mes aïeux !) inaugure le grandiose "Cries from Midnight Circus", mosaïque glaçante de la vie interlope londonienne, comme un avant-goût de "Walk on the wild side". "Sickle Clowns" est un Golgotha de noirceur. Le magma sonore de rythmes syncopés et de claviers grinçants prend vie, se dresse puis happe l'auditeur dans un trip oppressant. Le texte plein de fureur, hurlé par un Phil May en fusion, fait référence à la sanglante fin de Easy rider. Et tel un phare au milieu de la nuit la plus obscure surgit "She’s a lover", flamboyante pop song à la mélodie vrille-cerveau, à l’épique duel de guitares et aux sublimes harmonies empilées, permet aux Pretty Things de toucher du doigt la perfection ultime du rock anglais. Les nerfs calcinés, le quintet décide de se ressourcer sur des climats alanguis avec tout d’abord "What’s the use", hommage assumé aux Byrds (guitare 12 cordes, et vocalises en choeur) dans lequel le chanteur tord le cou aux idéaux hippies. Cette descente de piano japonisante rappelle furieusement le "Moonlight Mile" des Stones. Puis "Parachute" avec son exquise introduction à la Beach Boys, flirte carrément avec le soft-rock ! Cette suavité manifeste s’achève néanmoins sur un terrifiant son de stukas, partant du très grave vers des aigus inaudibles, se perdant dans les confins du cosmos. Serait-ce une métaphore des espoirs du groupe qui s’envolent pour se perdre à jamais ?


Kaléidoscope de tous leurs savoir-faire, Parachute est un album d’une grande richesse qui aurait dû cartonner à sa sortie. Bien que plébiscité par "Rolling Stone" qui en fit l’album de l’album de l’année 1970, Parachute fit un four total. Aidés en cela par des Pretties toujours prompts à se tirer une balle dans le pied (annulation de la tournée américaine, changement de label…). Et pour boire le calice jusqu’à la lie, Phil May confia le soin de réaliser le visuel du disque aux célèbres graphistes d’"Hypgnosis", grands architectes des pochettes rock les plus iconiques des années 70… Et ce fut un ratage complet, digne d’un photomontage d’un enfant de cinq ans. Ne cherchez pas, ces gars-là étaient faits pour aller chercher la défaite dans la gueule de la victoire. 

Commentaires
FrancoisAR, le 15/05/2023 à 22:12
Est-ce que l'échec de cet album n'est pas lié à son contexte de sortie - en 1970, Parachute est déjà ringard quand les énervés s'appellent Led Zep, Deep Purple ou Black Sabbath ? De losers à has-been, il n'y a qu'un pas !
DanielAR, le 15/05/2023 à 13:23
Très heureux de lire une évocation de "S.F. Sorrow", une œuvre difficile à décrypter (l'ambition était plus grande que les moyens du groupe) et qui fut bien le premier "opéra rock" de notre petite histoire.