Sigur Ròs, chantre d’un post-rock atmosphérique et aérien, avait quelque peu déçu, il y a à peine plus d’un an, lors de la sortie du précédent disque bâclé,
Valtari. Un disque produit sur les cendres encore fraîche d’un EMI racheté quelques mois auparavant par Universal Music, qui a également provoqué le départ du pianiste Kjartan Sveinsson dont l’issue a beaucoup inquiété quant à l’avenir du groupe. L’occasion pour le groupe de tourner une nouvelle page de son histoire, tout en opérant un retour aux sources, faites de longues plages atmosphériques et d’envolées lyriques de Jonsi.
Sur le papier, rien de très déstabilisant pour les fans de la première heure qui retrouvent ici ce qui a pu faire le succès des premiers disques : guitare à l’archet propre au post-rock, sonorités bruitistes et industrielles, et effets typiques d’une musique fortement imagée, froids comme le nord. L’excellent "Yfirborð" illustre cette transe dont est capable le groupe, dans un optimisme surprenant, compte tenu du contexte, et qui semble inhabituel chez les islandais. Optimisme en forme de renouveau pour le groupe, qu’on retrouve également dans la composition des titres "Ísjaki", "Stormur" ou encore "Rafstraumur", soit près de la moitié des titres qui amène un sourire à celui qui l’écoute. Et si ce n’est l’optimisme qui donne à
Kveikur son originalité et son côté entrainant, le reste de l’album tend davantage vers un rock presque dynamique, façon
Oceansize, là aussi loin de ce qui caractérise le groupe (à l’image des splendides et sombres
Ágætis byrjun,
() et
Takk), ce qui n’est néanmoins pas sans rappeler
Með suð í eyrum við spilum endalaust, l’album qui a précédé
Valtari. Ainsi, d’entrée, l’album s’ouvre sur des guitares saturées et un rythme appuyé. Le groupe additionne alors, d’un titre à l’autre, les contradictions de styles, créant des morceaux à la fois complexes et addictifs, et lorgnant du côté des heavenly voices de
Dead Can Dance ("Hrafntinna"), ou de celui d’une pop au rendu plus accessible, dans un format ne dépassant que trop rarement les 5 minutes.
Mais la force de
Kveikur, dans la discographie du groupe, réside sans aucun doute dans le fait d’assumer toute sa place de nouvel album, formé à partir de petites évolutions dans la constance stylistique. Rien de révolutionnaire, mais
Kveikur est pourtant tourné vers l’ouverture sur un public qui n’aurait pas encore été conquis par l’univers si particulier des islandais, sans pour autant faire fuir les fans originels qui trouveront ce qu’ils attendent de
Sigur Ròs : de la magie, et surtout une bonne dose de savoir-faire, prouvé ici une nouvelle fois.