Nord
The Only Way to Reach the Surface
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1- Love / 2- Violent Shapes / 3- Circular Haze / 4- The Unstoppable / 5- Happy Shores / 6- Anger Management / 7- We Need To Burn Down This Submarine / 8- 1215225, Part / 9- The Only Way To Reach The Surface
S’il y a bien un genre musical qui ne souffre ni de redondance ni de perte de vitesse, c’est bien le Metal. Et cela n’est pas passé inaperçu auprès du public. Il suffit de voir l’engouement extraordinaire autour des différents festivals représentant ce versant extrême du rock pour s’en rendre compte (le Hellfest en tête). Aujourd’hui, on ne compte plus les sous-genres qui le composent, du heavy au trash metal en passant par le death metal, doom, sludge, gothique, stoner, djent, metalcore, et j’en passe. Le genre, trouvant ses origines dans les années 1970, a su passer le cap du nouveau millénaire avec brio, même si des vagues comme le néo-metal (ou nü-metal) ont vite montré leurs limites. Mais outre cette variété de style, c’est justement en cassant ces frontières musicales que le metal a su évoluer et susciter l’intérêt qu’on lui connaît aujourd’hui auprès d’un plus large public (parfois au détriment du rock). En effet, de nombreuses connections se sont créés au fil du temps ; avec le rock bien sûr, mais aussi avec le jazz, le funk, le shoegaze, la musique orchestrale et même la pop. Ce constat se retrouve lors des différentes chroniques que nous réalisons. Pour certains albums, nous ne cachons pas notre difficulté à attribuer un style précis à ce que l’on écoute. C’est pourquoi, il est parfois plus aisé d’utiliser des termes plutôt vagues comme "metal alternatif" ou encore "metal progressif" pour les groupes les plus aventureux.
Et dans ce vaste domaine qu’est le metal progressif, la France n’a clairement pas à rougir et dispose de très beaux représentants, tels que Klone, Alcest, Hyptno5e, Lag I Run, Mobius…
Nord fait partie de cette famille de groupes aussi techniques que créatifs qui n’ont clairement pas l’intention de se cantonner à un unique style. The Only Way to Reach the Surface, récemment mis en avant lors de nos Contre-Victoires de la Musique, est le deuxième album du groupe francilien originaire des Hauts-de-France composé de Florent Gerbault, Manuel Dufour, Romain Duquesne et de Thibault Faucher. Collaborant désormais avec les labels Klonosphère et Season of Mist, le groupe passe à la vitesse supérieure avec une musique intense et pleine de contrastes.
Intense et contrastée, c’est le cas de le dire : comment décrire autrement une musique qui au sein d’un même morceau ("Violent Shapes") est capable de basculer d’une pop aérienne à une rythmique quasi black metal (sous-genre extrême du heavy métal), puis de bifurquer vers du rock alternatif et du djent. Cette opposition des genres est renforcée par le chant (en anglais) de Florent Gerbault, dont la voix robotique du titre "Love" - modifiée au vocodeur - laisse place à un chant guttural brut et puissant dès le morceau suivant. La première écoute peut ainsi s’avérer déstabilisante tant on peine à rassembler les morceaux et à visualiser une ligne directrice. Mais peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent, l’ensemble devient limpide et laisse apparaitre une production millimétrée, exerçant une réelle emprise sur l’auditeur.
Il faut d’ailleurs saluer le remarquable travail de cohésion réalisé sur cet album. Bien que les neuf titres explorent plusieurs ambiances avec différents niveaux d’intensité, ils n’en restent pas moins indissociables. L’ensemble formerait presque un seul et unique morceau dont le dernier acte de plus de quinze minutes - donnant son nom à cet album - s’avère être une conclusion parfaite des différentes thématiques et lignes mélodiques explorées (le graal absolu pour tous les amateurs de progressif !).
L’auditeur se voit pris dans une véritable tempête sonore, dont les différentes bourrasques laissent place à des passages particulièrement doux et mélodieux. Ces moments de quiétudes ("Love", "Circular Haze", "Happy Shores" et "1215225, Part 2"), répartis méthodiquement à travers l’album, se suivent et se complètent, assurant une véritable continuité jusqu’au dénouement final.
Le groupe français fait également preuve d’une impressionnante maturité d’écriture, en livrant une œuvre équilibrée et pourvue d’un parfait dosage entre rythme et intensité. Ainsi, les quatre musiciens évitent de sombrer dans la surenchère, quelle soit technique ou créative, et parviennent à trouver la durée idéale pour une expérience d’écoute optimale (9 titres pour 45 minutes).
Avec The Only Way to Reach the Surface, les Français de Nord signent un album solide aussi passionnant qu’éreintant, probablement une des meilleures productions du genre en 2020. Il serait au final bien inutile de chercher à étiqueter la musique du groupe, tant celle-ci ne semble pas avoir de limites et explore des styles parfois aux antipodes. Preuve encore une fois que la scène metal est loin d’avoir montré tout son potentiel créatif et que le meilleur est encore à venir. En attendant, nous sommes fiers d’avoir de tels représentants sur la scène hexagonale.
Un conseil : laissez le temps nécessaire à cet album, passez le cap de l’expérience déroutante de la première écoute, et laissez-vous transporter. Vous ne serez pas déçus.