↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.

Journée internationale des droits des femmes 2025


Collectif, le 08/03/2025

Représentation féminine dans le rock : être libre d’exister

 

À partir des années 1980, une historiographie du genre émerge grâce aux mouvements féministes qui souhaitent replacer les femmes dans une histoire essentiellement masculine. En gros, on étudie le rôle, les pratiques et les rapports entre les sexes. Le constat : les femmes sont rattachées aux hommes car elles ne peuvent vivre qu’à travers eux. Enfin, ça c’est ce que la société et, sa plus belle invention, le patriarcat essaient de nous faire croire. 

Des siècles donc que les femmes sont reléguées au second plan dans tous les domaines, la musique n’y échappant pas. Objet de désir ou de malheur, si le rock a accordé aux femmes une grande place dans ses paroles, il n’a pas facilité l’affranchissement de ses codes phallocentrés à ses artistes féminines. Mais ces dernières ont su s’émanciper et imposer leur légitimité. Pour ça : leur talent et leur combat contre les conventions, histoire de rompre avec les stéréotypes. 

Ainsi, je vous propose une rétrospective d’albums d’artistes féminines qui ont marqué (selon moi) les décennies entre 1970 et 2020. 

 

Patti Smith, Horses, 1975


Avec son premier album, Patti Smith fait sa place au sein de la scène underground new-yorkaise, plus que ça : elle s’impose dans un milieu viriliste. Accompagnée de musiciens exclusivement masculins et inspirée majoritairement par des hommes comme ceux des Velvet Underground (John Cale est d’ailleurs le producteur de l’album), Bob Dylan et notre cher Rimbaud ; Patti Smith nous fait oublier leur existence par la force de sa voix et la richesse de ses textes. À travers ses neufs titres, qui sont à la fois des reprises et des compositions personnelles, elle mélange les cultures punk et beatnik.  Cette femme est venue renverser les standards. Mais avions-nous besoin de l’entendre pour le deviner ? 


La pochette : un portrait en noir et blanc du photographe Robert Mapplethorpe, connu pour son intérêt pour l’androgynisme, ses œuvres subversives et sa relation avec notre poète punk. Celle-ci pose naturellement avec élégance dans sa chemise trop large et sa veste sur l’épaule tel un crooner. Patti Smith s’approprie les codes masculins pour se mettre en scène. Elle prouve au premier regard que la virilité n’est pas qu’une affaire d’homme en adoptant l’attitude conquérante et rebelle qu’on leur attribue ; et qu’en définitive le rock ne leur appartient pas. Le ton est donné en un coup d’œil. 


 

Tina Turner, Private Dancer, 1984


Private Dancer est le grand retour de Tina Turner, non pas qu’elle se soit absentée après avoir quitté l’odieux Ike. Après plusieurs albums solo au succès mitigé, elle a choisi de persévérer jusqu’à l’aboutissement. Tina Turner est une femme forte et talentueuse, elle n’abandonne pas : elle se réinvente.  La "Queen of Rock & Roll" renait avec dix morceaux écrits, composés et repris des meilleurs (Mark Knoplfer, Jeff Beck, The Beatles) et qu’elle sublime par sa voix puissante et envoûtante. 


La couverture de l’album le dit d’elle-même. Tina Turner est là : assise, confiante. Sa bouche rouge attire le regard comme pour nous avertir que sa puissance vient de là. Elle valorise sa féminité et en joue pour séduire, mais c’est elle qui maîtrise sa sensualité avec agilité. Tina Turner se veut féline : gracieuse et affirmée. D’ailleurs, ne serait-ce pas un chat à ses pieds ? Un chat noir qui retombe toujours sur ses pattes et qui a plusieurs vies, comme celle qu’on surnomme « la tigresse ».


 

Hole, Live Through This, 1994


Deuxième album du groupe mené par Courtney Love, autant aimée que détestée. Live Through This déborde d’une énergie punk et grunge qu’on devrait en partie à Kurt Cobain. Les douze pistes ont été écrites par une leadeuse bien torturée : les thèmes sont noirs, angoissants, profonds. Le dernier titre est une critique des riot grrrl qui dénoncent le sexisme, les inégalités et les violences notamment dans le rock. Mais c’est le mouvement qui est visé, pas ses combats que les membres du groupe mènent.


Là où les riot grrrl et Hole se rejoignent, c’est sur la pochette de l’album. Tous les clichés de beauté des années 90 sont représentés : la miss, le maquillage, les ongles, la couronne, les fleurs. Les stéréotypes à outrance pour mieux les déconstruire. Ici, la bouche écarquillée et les yeux cernés de noir s’opposent aux attentes d’une société qui rêve de femmes lisses. La dualité et l’ambivalence du groupe se dégagent à travers cet air figé. Leurs mots trouvent une image : si la beauté peut renfermer l’obscurité et la terreur ; les femmes aussi.


 

Avril Lavigne, Let Go, 2002


Avril Lavigne a dix-huit ans quand son premier album sort. La genèse de Let Go est une série de conflits quant à la direction artistique et musicale que la jeune artiste doit suivre, son label n’approuvant pas son envie de faire du rock. Bien décidée à ne pas lâcher, ni abandonner ce qu’elle est et ce qu’elle aime, Avril Lavigne persiste et de ses diverses collaborations naissent treize titres pop rock, pop punk. Les thèmes récurrents sont la solitude, les relations, l’introspection, soit les préoccupations de l’interprète lors de l’enregistrement de l’album. Des sujets adolescents moqués pour leur simplicité par la critique mais prisés par le public concerné qui en fait un énorme succès, le symbole d’une génération.


Sur sa cover, Avril Lavigne pose au milieu de passants flous. Son pantalon baggy et ses yeux cernés de noir l’éloignent de la mode du crop top et du jean taille basse des grandes stars de la pop. Elle n’est pas perdue parmi la foule, elle s’en démarque volontairement. Avec elle, la féminité a une esthétique grunge et punk, celle où les filles peuvent chanter et faire du skateboard comme les mecs. 


 

Lana Del Rey, Born to Die, 2012


Deuxième album de l’artiste pop Lana Del Rey, Born to Die est un véritable phénomène sur les réseaux sociaux à sa sortie. Il polarise : il est très bon pour certains et décevant pour d’autres. Néanmoins, il dépeint parfaitement l’univers mélancolique d’une artiste envoûtante à l’inspiration rétro, aux paroles tourmentées et aux mélodies orchestrales ; sa marque de fabrique. Lana Del Rey incarne un personnage tout au long de ses douze morceaux lyriques et presque cinématographiques par leur production.


La représentation visuelle est importante chez Lana Del Rey. Plus que sa musique, c’est son image bien travaillée qui a été mise en avant par les médias. Sur la pochette, elle nous fait face et nous confronte avec son regard aussi froid que séduisant. Son eye-liner, sa bouche colorée ainsi que sa chevelure semblent sortir d’une autre époque ; comme ce qui paraît être une Chevrolet (Delrey ?) à notre droite. Authentique ou fabriquée, Lana Del Rey compose avec ses références artistiques et culturelles. Et c’est en nous plongeant dans une esthétique, certes stéréotypée, qu’elle puise sa force pour exprimer sa sensualité.


 

Olivia Rodrigo, Guts, 2023


Guts est le second album d’Olivia Rodrigo, star de la série High School Musical de Disney dont elle a su s’éloigner en prenant un virage pop rock et indie rock dès son premier opus. Toujours plus émancipée, Olivia Rodrigo prouve le temps de douze titres son talent pour l’écriture. "Encore" un album pour les ados et leurs problématiques : la confiance en soi, les ruptures, la place dans la société ; ce qui en lasse quelques-uns. Mais Olivia Rodrigo est douée pour raconter ses histoires et nous emporter avec elle dans ses calmes et ses torrents punk. Le plus intéressant c’est sa déconstruction : les filles n’ont pas à pardonner, à pleurer ou à sourire, à apprendre de leurs erreurs, à être jalouses, à être sages. 


Cette façon de bousculer les codes est représentative d’Olivia Rodrigo. Sur la pochette de l’album, elle est allongée, les cheveux soigneusement déposés sur le sol.  Son regard noir et sa bouche rouge lui donnent un air provocateur, renforcé par ce pouce sur sa lèvre. Sur ses doigts, au vernis écaillé, ses bagues forment le titre de l’album : Guts, « tripes » en français. Et elle en a, à ne pas douter.


 


Patti Smith, Tina Turner, Hole, Avril Lavigne, Lana Del Rey et Olivia Rodrigo créent leur propre identité, sans chercher à correspondre à une prétendue étiquette liée à leur sexe. Peu importe ce que "féminité" signifie, ce n’est qu’une convention ubuesque. C’est une question de genre avec laquelle beaucoup se sont d’ailleurs amusés.


Le sexe ne retire ni le talent, ni le charisme, ni la force. Néanmoins pour exister artistiquement, la femme doit toujours puiser sa légitimité auprès du patriarcat.


Ce qui, finalement, ne touche pas que la musique. 

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !