
Rory Gallagher
Against the Grain
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1- Let Me In / 2- Cross Me Off Your List / 3- Ain't Too Good / 4- Souped-Up Ford / 5- Bought and Sold / 6- I Take What I Want / 7- Lost At Sea / 8- All Around Man / 9- Out On The Western Plain / 10- At The Bottom


Irish Tour. Deux mots qui doivent raisonner à vos oreilles de la même manière que Made in Japan ou Peter Frampton Comes Alive!, car il s’agit là du titre d’un des albums live les plus emblématiques des 1970’s. En 1974, Rory Gallagher avait porté haut le message du blues rock mâtiné de folk enraciné en parcourant son île, et ce après avoir diffusé la bonne parole en Europe. Cette tournée était au service de quatre albums remarquables et remarqués, grâce auxquels Rory Gallagher était devenu une rock star (ou une blues rock star) que les labels se disputaient : à Chrysalis de l’emporter pour obtenir la signature de son cinquième album.
Or, Rory Gallagher fait à ce moment-là une crise réactionnaire, il veut être à contre-courant (soit Against the Grain), il refuse l’évolution du temps et privilégie un conservatisme blues-rock auquel il sacrifie son inventivité. Cela fait un peu mal de le dire ainsi, mais Against the Grain est un album quasi ringard dès sa sortie, avec davantage de claviers (Lou Marin est en effet très présent) qui ajoutent un côté boogie à son blues-rock traditionnel certes très rock et doté de très bons soli ("Let Me In"), mais sans aucune accroche mélodique propre aux "grands titres".
Rory Gallagher maîtrise son blues-rock sur le bout des doigts (le décoiffant "Souped-Up Ford" en est le meilleur exemple), mais il n’est pas un compositeur inspiré et ses rares innovations sont sans intérêt et noyées dans sa démarche puriste : un peu de funk-jazz sur "Cross Me Off Your List" pour un résultat assez plat, un slow un peu kitsch avec de bons développements mélodiques à la guitare ("Ain't Too Good"), et des claviers prog’ sur "Lost at Sea", qui est un titre assez réussi.
Sa volonté de regarder vers ses racines esthétiques est particulièrement notable sur la deuxième face qui comporte trois reprises - ce qui interroge derechef sur son niveau d’inspiration. "I Take What I Want", connue pour la version de Sam & Dave, garde son style très marqué (et un peu old school) malgré la réinterprétation dynamique de Gallagher (qui vaut le coup d’oreille pour son solo), "All Around Man" de Bo Carter demeure très traditionnelle malgré la guitare hurlante. La pièce folk "Out on the Western Plain" de Lead Belly est par contre très réussie tant elle parvient à installer une ambiance celtique éthérée à la couleur classique américaine. En outre, certaines compositions de Gallagher conservent cette même inscription vieille école, comme "Bought and Sold" et "At the Bottom", ce dernier titre essayant même quelques discrètes incartades un peu folky (un registre qui manque cruellement à l’appel sur cet opus).
Le manque d’inspiration, de relief et de dynamisme dont souffre Against the Grain appelait à une transition du musicien vers une nouvelle période esthétique : qu’on la déplore ou non, l’évolution vers le hard-rock était devenu nécessaire afin de trouver un renouvellement salutaire pour pallier cet essoufflement créatif.
À écouter : "Out on the Western Plain", "Souped-Up Ford", "Lost at Sea"