Pixies
Indie Cindy
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1- What Goes Boom / 2- Greens and Blues / 3- Indie Cindy / 4- Bagboy / 5- Magdalena 318 / 6- Silver Snail / 7- Blue Eyed Hexe / 8- Ring the Bell / 9- Another Toe in the Ocean / 10- Andro Queen / 11- Snakes / 12- Jaime Bravo
Il y a deux manières d’aborder un disque. On peut parfaitement l’appréhender pour ce qu’il est, l’envisager isolément sans chercher à le relier à un quelconque passé ou héritage, se mettre des oeillères et se contenter plus ou moins de l’air du temps pour se faire une impression. A ce petit jeu là, ne tournons pas autour du pot : le cinquième album des Pixies n’a rien de désagréable. Frank Black nous a déjà prouvé par le passé qu’il était un bon songwriter, qu’il savait trousser des mélodies engageantes, qu’il avait des idées d’arrangements pertinentes. Cette collection de douze titres, quoique plutôt inégale, n’a certainement pas à rougir de la production rock lambda en 2014. Pas de quoi fanfaronner non plus, c’est vrai, mais a priori rien de foncièrement déshonorant. Sauf que.
Sauf qu’on ne parle pas de n’importe qui, on parle des Pixies , et les Pixies sont probablement le meilleur groupe indé à avoir jamais existé, un groupe dont l’influence, en terme de rock n’ roll, est tellement gigantesque qu’on pourrait y consacrer des dossiers à n’en plus finir. Assénons un seul lieu commun avant de poursuivre : les Pixies ont quasiment à eux seuls définis le son et les canons des années 90. Les Pixies n’avaient jusqu’à ce jour sorti que quatre albums, mais il s’agissait d’autant de manifestes furieusement barges, de collections de titres cultes, de recueils de perles indispensables à tout amateur de rock qui se respecte. Quatre albums définitifs qui se suffisaient amplement à eux-mêmes. En clair, les Pixies n’avaient plus rien à prouver et, au contraire, avaient tout à perdre en se frottant à leur propre légende. Et la comparaison entre passé et présent s’avère bien peu flatteuse.
Petite formule pour nous y retrouver (et pour remettre les pendules des retardataires à l’heure) : EP-1 + EP-2 + EP-3 = Indie Cindy (en signalant au passage que "Magdalena" a été renommé, on ne sait pourquoi, "Magdalena 318"). Passons sur les deux premiers, déjà chroniqués, passons également sur le concept plus qu’oiseux de proposer initialement des EP successifs en digital pour finir, comme c’est commode, par en arranger une compilation physique, ou comment arnaquer en beauté les fans qui demeurent encore attachés au support physique. Reste à couvrir l’EP-3, quatre morceaux dont l’un, antérieur aux autres, était déjà connu et fut d'ailleurs offert en libre téléchargement. Bien en a pris à Black Francis car "Bagboy" est le meilleur titre de l’album, sans aucune contestation. Sauf que "Bagboy" ne peut que nous rappeler à quel point Kim Deal manque aux Pixies. Quand on pense qu’elle n’est même pas créditée aux choeurs… une véritable honte. Reste un morceau qui sait s’imposer, qui joue sur la diction scandée du gros chauve et les rengaines lascives de la cool girl, sur la force de frappe de Lovering et les contrastes de guitare de Santiago. "Bagboy" est le seul morceau estampillé Pixies digne de ce nom à avoir vu le jour depuis les années 90. "Bagboy", suite au départ plus que logique de Deal, aurait dû sonner le glas d’un projet insensé, d’un échec annoncé, d’un bide prévisible. On n’osera pas trop s’étendre sur les trois derniers morceaux de cet EP-3, question de pudeur. On navigue en eau plus ou moins trouble entre l’à peine correct ("Silver Snail") et le presque ridicule ("Ring The Bell", difficile de faire plus bateau, c’est le cas de le dire). Quant à "Jaime Bravo", le plus passable des trois, il nous montre à quel point Indie Cindy se trouve à des années lumières des anciens Pixies, de cette folie douce imprévisible, de cette rage, de ces contrastes permanents qui enflammaient des compos tirant également parti des quatre protagonistes. "Jaime Bravo" n’est qu’un morceau de rock standard, avec une ritournelle déjà entendue, des accords de guitare rebattus, une progressions sans surprise. Un bon titre dans l'absolu, mais une insulte infligée aux légendaires lutins de Boston.
Si vous connaissez déjà les Pixies, ne vous imposez pas cette torture et oubliez bien vite Indie Cindy. Si vous ne connaissez pas les Pixies, ma foi, laissez-vous tenter, à la rigueur. Mais surtout, surtout, allez vite fait acheter Surfer Rosa, Doolittle, Bossa Nova et Trompe Le Monde (ainsi que le très appréciable Come On Pilgrim qui, de toute façon, est souvent proposé en disque additionnel à Surfer Rosa), et dépêchez-vous de combler un manque gigantesque dans votre culture rock.
Indie Cindy était un suicide annoncé, et désormais la mort des Pixies peut être prononcée. On aurait préféré une fin plus digne pour de tels seigneurs.