
Tribulation
Sub Rosa In Æternum
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Il y a treize ans, les fans d’Opeth tombaient des nues à l’écoute d’Heritage, un dixième album qui tournait le dos au Metal extrême pour se concentrer sur le seul rock progressif inspiré par les années 1970. Alors qu’en 2024, le groupe s’apprête à réconcilier les différents de son public à l’aide du très attendu The Last Will and Testament, un autre combo suédois semble vouloir à son tour heurter ses plus fidèles en troquant le Death Metal pour le rock/Metal gothique.
C’est en effet le choix opéré par Tribulation sur Sub Rosa In Æternum, premier véritable album sans Jonathan Hultén (après l’EP Hamartia paru en 2023) parti visiter des contrées folk bucoliques en solo. Les années 2020 sont celles du retour en force de la musique gothique, nous en voulons pour preuve toute une scène actuelle qui renouvèle le genre avec talent (Spell, Unto Others, Poltergeist) et il n’est pas étonnant que quelques formations plus installées décident de s’y pencher. Mais loin d’être un coup marketing, la mue de Tribulation est un véritable coup d’éclat, l’actualisation d’une destinée musicale, une parousie auditive tant le résultat s’avère probant.
Il s’agit d’une conversion quasi totale, tant et si bien que l’introductif "The Unrelenting Choir" évoque de "nouveaux chapitres" à ouvrir, aux sons de synthés et de guitares horrifiques que Ghost n’auraient pas reniés. Quasi-totale parce que le chant guttural n’a pas complétement disparu, agrémentant certains des meilleurs titres de l’opus en dialoguant avec le chant grave très marqué par la scène gothique (le génial "Tainted Skies", le sombre et ambitieux "Saturn Coming Down"). Cette technique vocale issue du Metal extrême peut même apporter une dose d’épique au besoin, comme le démontre "Time & the Vivid Ore" - un exercice de style impressionnant tant il parvient à être sur la tangente sans jamais basculer. Pour autant, le groupe parvient à faire preuve d’une belle grandiloquence sans ces artifices vocaux, en témoigne la conclusion "Poison Pages", un titre serpenteux dans l’esprit du dernier album de Creeper.
Néanmoins, Tribulation n’hésite pas à jouer la carte gothique à fond, en s'emparant du kitsch avec une belle maîtrise pour ne pas sombrer dans des excès dommageables, en grande partie grâce aux lignes de guitare qui maintiennent le registre heavy. C’est ainsi que le lancinant "Hungry Waters", digne de Depeche Mode, et "Murder in Red", tous synthés déployés, font mouche, de même que le plus dynamique "Drink the Love of God" aux chœurs soignés (avis aux amis de Year of the Goat). Tribulation se montre même sensuel sur "Reaping Song", une ballade morbide magnifiquement interprétée par l’ensemble des musiciens (jusqu’au solo de guitare intense et aux interventions simples mais subtiles du synthé).
Il y aura sûrement des déçus, des afficionados laissés sur le carreau, mais Sub Rosa In Æternum ne manquera pas de surprendre bon nombre de mélomanes et d’attirer vers le groupe un nouveau public – il fallait que ce soit dit ouvertement et que le secret ne soit plus garder sous la rose.
À écouter : "Tainted Skies", "Saturn Coming Down", "Hungry Waters", "Time & the Vivid Ore", "Reaping Song"