Saxon
Innocence Is No Excuse
Produit par Simon Hanhart
1- Rockin' Again / 2- Call of the Wild / 3- Back On the Streets / 4- Devil Rides Out / 5- Rock'n Roll Gipsy / 6- Broken Heroes / 7- Gonna Shout / 8- Everybody Up / 9- Raise Some Hell / 10- Give It Everything You've Got
Crusader avait marqué un tournant malheureux dans la carrière de Saxon, le groupe devenant presque méconnaissable malgré un titre phare. Le calibrage MTV / FM, très dommageable, demeurait le stigmate d'une évolution encore à demi-teinte : le groupe hésite à accoster complètement dans les terres soumises aux ondes, tout en s’éloignant trop des rivages qui l’ont vu naître. Problème : son public est désemparé, et celui qu'il essaye de conquérir n'est pas au rendez-vous.
Deux choix s’offrent alors. Soir revenir aux sources, soit aller encore plus loin dans la mutation. Hélas, la deuxième solution est choisie. Le nouveau style vestimentaire du groupe en témoigne … En 1985, Innocence Is No Excuse signe cette nouvelle direction. Signature qui se fait d’ailleurs chez un nouveau label traduisant les intentions de Saxon : l'album est produit par EMI, un des leaders du marché, d'envergure internationale. La pochette également, qui peut nous faire douter de l'origine des auteurs (est-ce vraiment le même Saxon ou un groupe homonyme?), est digne de ce qui illustrait les albums de Hard-FM américain de l'époque.
Celle-ci peut d’ailleurs être interprétée : reprenant le mythe d’Adam et Ève et la fameuse pomme, on ne peut qu’accuser le groupe d’avoir cédé aux sirènes du dollar et de revendiquer ce péché originel, sans une once d’innocence valable comme excuse.
Saxon a donc décidé de ne plus tergiverser et de se lancer à fond. N’y allons pas par quatre chemin, l’album est l'un des moins bons que le groupe ait pu pondre (mais pas le pire). Sans pourtant oublier les grosses guitares et les bons riffs, le groupe se laisse aller sur une production aseptisée et un surplus de chœurs.
Néanmoins, pour être juste, il faut dire que cet album est typique du paradigme Face A / Face B. Il arrivait souvent que les groupes utilisent la première partie pour mettre les titres accrocheurs, et la seconde face, si elle n'était pas faite pour du remplissage, était composée des morceaux que le groupe préférait mais qui avaient peut-être un potentiel radiophonique moindre. C'est ce qui fait que l'on est toujours sceptique sur des morceaux de la première face, comme "Rockin' Again", "Call of the Wild", "Rock'n'roll Gypsy" et d'autres. S’il y a parfois de bonnes idées (soyons magnanime), de la force, quelque chose cloche à un moment ou un autre comme un refrain, des chœurs, la voie de Biff sans relief … On sent le calibrage radio FM. Et les titres s’enchaînent avec trop peu de bonnes surprises comme "Devil Rides Out" qui possède une intro et un refrain très efficaces.
Ainsi, la deuxième face est beaucoup plus intéressante, comme des appels du pied au public des premiers temps du groupe. "Everybody Up", "Raise Some Hell", "Give It Everything You've Got" (mélange de Saxon, Van Halen et [g]Motörhead[/g]) sont ainsi beaucoup plus agressifs, et beaucoup moins éloignés de ce qu'on attend du groupe. Rien de très original par contre.
Enfin, il faut aborder le morceau du scandale, celui de la trahison : "Broken Heroes", qui ouvre la Face B. Le moins hard des titres, cela est certain, mais sa réputation n'est pas méritée. Cette fois, Saxon se montre moins hésitant et emprunte à 100% sa nouvelle voie. Et justement, si dans les autres morceaux, les aspects hard rock trop prononcés les obligeaient à en faire trop au niveau de la production pour obtenir les sonorités attendues par les radios, "Broken Heroes", plus assumé dans sa démarche, vise juste. Finalement, le propos, les soldats morts lors des guerres du XXe siècle, est très bien servi par une composition talentueuse faisant de "Broken Heroes" la seule véritable réussite de Innocence Is No Excuse tout en étant peut-être la plus FM.
La fin ne justifie pas les moyens surtout quand elle n'est pas atteinte. Ce fourvoiement est chèrement payé puisque le succès n'est pas au rendez-vous bien que le pas vers les exigences de la radio soit franchi. La production effrénée du groupe ne vient pas de l'explosion d'idées qui marqua les débuts du groupe, mais des ordres du nouveau label, avec qui ils ne s'entendent pas. Peu de travail, du temps passé à savourer les délices de la vie américaine (ils l'ont eux-mêmes avoués), donc un résultat qui n'est pas à leur hauteur. Au point de se demander si Saxon est toujours capable de faire vibrer les metalheads de toutes les nations ...
A écouter : "Broken Heroes", "Devil Rides Out"