Rush
Exit ... Stage Left
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Le logo du groupe sur le premier album éponyme (1974), la chouette de Fly by Night (1975), l’allégorie de Caress of Steel (1975), le pentagramme de 2112 (1976), le roi défunt sur son trône d’A Farewell to Kings (1977), l’Adam dénudé et son agent en costume d’Hemispheres (1978), la femme candide devant les catastrophes de Permanent Waves (1980), les déménageurs de tableaux de Moving Pictures (1981) … Toutes les figures illustrant les huit premiers albums du trio canadien, soit leur âge d’or, sont présents sur la couverture d’Exit … Stage Left, second album live de Rush capté entre le Royaume-Uni et le Canada de 1980 à 1981. Nombreux sont ceux qui considèrent d’ailleurs qu’il s’agit là du meilleur album du genre dans la discographie du groupe.
La setlist joue pour beaucoup dans cette appréciation, celle-ci mettant plutôt en avant la période la plus progressive de la formation, celle qui s’étend de 2112 et Moving Pictures, dernier album à peine sorti à l’époque (en février 1981) qui constitua une transition vers leur phase synthétique. Autant dire que le groupe a extrait les morceaux depuis les plus beaux opus de sa carrière, "Beneath ; Between & Behind" étant le seul représentant des trois premiers albums. Si l’on veut être précis, on fera remarquer que ce sont même les deux derniers en date qui dominent en se partageant presque la moitié d’Exit … Stage Left. Cette concentration sur le répertoire récent permet des remises au goût du jour de productions plus anciennes, comme pour "A Passage to Bangkok" qui bénéficie d’un lifting bien mérité sur la partie solo ou "The Trees" (quel chef-d’œuvre !) auquel le groupe aménage une nouvelle introduction.
Exit ... Stage Left possède une belle dynamique et donne à entendre un groupe qui, malgré son orientation progressive, développe toute l’énergie de ses racines Hard-rock. Dès l’ouverture, "The Spirtit of the Radio" et ses multiples transitions dans sa seconde partie prend dans ses filets un public qu’on imagine déjà conquis. En témoigne l’enthousiasme de la foule qui accompagne Lee sur "Closer to the Heart". Parmi ces titres plus courts, on ne peut que s’extasier sur le combo "Freewill" / "Tom Sawyer" (surtout) en fin d’album, qui donne un bon coup de fouet avant le bouquet terminal.
Finalement, les grandes fresques progressives n’ont pas été choisies pour constituer des moments de bravoures ; Rush aura préféré des morceaux tout aussi ambitieux mais bien en deçà des 15-20 minutes. Ainsi, "Xanadu" culmine tout de même à 12 minutes dans une version plutôt fidèle à l’original, "Jacob’s Ladder" marque un temps de répit après avoir fait participer la foule et "La Villa Strangiato" offre une conclusion instrumentale. On remarquera aussi un "YYZ" qui double sa durée pour une échappée virtuose.
Peu soumis aux retouches en studio (trop peu même, selon Lifeson), l’album est pourtant très agréable à l’oreille, et présente Geddy Lee comme un chanteur à la technique très maîtrisée, sans excès ni moment poussif que son style pourraient faire redouter. Ceux qui ont un peu de mal avec sa tessiture pourraient même trouver ici motif à une réconciliation. Dans tous les cas, vous avez entre vos oreilles un enregistrement très propre qui rend au show toute sa splendeur.
Que dire d’Exit … Stage Left sinon qu’il constitue un excellent témoignage d’un groupe à son apogée, la veille d’une transition esthétique vers le tout synthé (ou presque) des années 1980. Cette nouvelle étape ne sera pas dénuée de qualités, mais c'etait bien dans ces années-là que Rush vivait son acmé.