Quatermass

À la fin des années 1960, le monde du rock assistait à l’éclosion d’un ptérodactyle volant dans le sillage de Deep Purple : le trio Quatermass. À la batterie, Mick Underwood avait joué aux côtés de Ritchie Blackmore au sein des Outlaws, de Roger Glover au sein d’Episode Six et de Ian Gillan dans Jesus Christ Superstar au tournant de la décennie. John Gustafson (chant et basse) avait également participé à ces deux dernières expériences après avoir été très actif dans différents groupes des 60s anglaises (The Big Three de 1961 à 1963 puis the Merseybeats) : il rejoindra d’ailleurs le chanteur du Mark II dans le Ian Gillan Band alors que son compère Mick Underwood participera à Gillan à la fin des 1970s. Mais auparavant, Gustafson brillera dans Roxy Music dont le leader, Bryan Ferry, fera appel pour son deuxième album au claviériste John Peter Robinson, le troisième membre de Quatermass qui connaîtra le succès au sein de Brand X et avec Phil Collins.

Aussi impressionnants soient-ils, ces curriculum vitae ont été remplis après l’épisode Quatermass, groupe météorite (1969-1971) qui illustre bien l’effervescence de la période transitoire du tournant des années 1970, d’autant plus que ses trois protagonistes avaient été actifs dans la décennie précédente. Le groupe n’obtint pas vraiment de succès malgré son nom, certes original mais pertinent pour capter un large public puisqu’il fait référence au personnage de fiction Bernard Quatermass, le héros et scientifique star d’une série de la BBC des années 1950.

Mais la plus grande originalité de Quatermass est d’être un power-trio ou plutôt, un groupe de Heavy prog’, sans guitare, quand bien même leur musique évoquerait Deep Purple et Uriah Heep – on citera des titres comme la reprise post-psychédélique de "Black Sheep of the Family" (après une introduction bruitiste intéressante), "Gemini" et plus encore "Up on the Ground" (qui évoque aussi Atomic Rooster).

Néanmoins, cet unique opus de Quatermass est bel et bien un album de rock progressif, à commencer par sa construction, puisqu’il s’ouvre et se ferme sur les courts "Entropy" ("Entropy (Reprise)" en conclusion) censés lui donner une organisation cohérente digne d’une œuvre conceptuelle. Surtout, il comporte plusieurs pièces d’ampleur dont "Post War Saturday Echo", où dominent d’abord les aspects soul et jazzy mais qui bascule sur un final expérimental et purement prog’ aux claviers – Emerson Lake & Palmer n’auraient pas renié ce genre d’élucubration. Ce trio phare du progressif naissant vient encore plus à l’esprit lors du développement de "Make Up Your Mind" et à l’écoute de l’inventivité du tamisé "Laughin' Tackle", pièce la plus impressionnante et remarquable de l’album. Seul le slow "Good Lord Knows" laisse perplexe par son clavecin et ses orchestrations pompiers.

Autant de raisons pour faire de cet album un incontournable pour les amateurs de rock progressif des premiers temps et preuve que même les oubliés ont un héritage, Rainbow reprendra "Black Sheep of the Family" en 1975, prolongeant ainsi l’histoire entre Quatermass et la famille Deep Purple.

À écouter : "Black Sheep of the Family", "Laughin' Tackle", "Up on the Ground"