Kadavar
Rough Times
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Comme pour rassurer son public historique (peut-on vraiment dire "historique" pour un groupe qui a ouvert sa discographie en 2012 ?), Kadavar lance lourdement son quatrième album, Rough Times (2017). En effet, l’opus bien nommé commence sur le triptyque "Rough Times", très épais et sans circonvolutions (même si l’on peut percevoir des lignes mélodiques plus subtiles mais noyées dans la saturation), "Into the Whormhole", au tempo lent et stoner malgré un refrain psychédélique et "Skeleton Blues" très 1970’s dans son approche. Avec ce retour à la lourdeur initiale, on comprend qu’il fallait caresser les fans de la première heure dans le sens du poil, ceux qui avaient pu être exagérément déconcertés par un Berlin plus lisse, plus policé, plus mélodique (plus réussi ?).
Si les longues plages très stoner du premier opus ne sont pas de retour, c’est bien ce style qui domine Rough Times. Ainsi, ne vous laissez pas surprendre par l’introduction vaporeuse de "Vampires", puisque le groupe ramène rapidement son déluge saturé et un peu cradingue pour envelopper son titre. Autre témoignage de cette dominante stoner, "Tribulation Nation" est presque paradigmatique avec ses élans spacerock (Hawkwind) et une bonne référence (on dira volontaire) à Stray ("All in Your Mind").
Même au sein des morceaux un peu plus accrocheurs en termes mélodiques, on perçoit cette caractéristique. Le très bon "Die Baby Die", à la rythmique tribale, renoue avec le penchant ésotérique du Kadavar des premiers temps. Plus direct, "Words of Evil" est un hard-rock classique à l’inspiration du tournant des 1960’s-1970’s : quelques lignes mélodiques reprises de "Paranoid" sur le couplet sont d’ailleurs à noter, mais Black Sabbath a toujours été la référence principale du groupe.
Néanmoins, Kadavar n’abandonne pas sa volonté de diversification même si cela reste à la marge et placé en fin d’album : la reprise de "Helter Skeleter" (en bonus, encore plus brouillonne que l’original mais bien imbibée de l’identité kadavarienne), l’étonnant et presque progressif "The Lost Child", le buesy assez sage "You Found the Best in Me", l’évanescent "A L’ombre du Temps" qui rappelle à la fois qu’un des membres du groupe est français et les amusements des Stranglers période La Folie. Autant le dire tout de suite, ces petites digressions hors des sentiers battus (pour le groupe) ne sont pas des plus convaincantes, et le meilleur de Rough Times réside dans sa partie la plus hard-rock/stoner, celle que le groupe maîtrise davantage.
Il en résulte un album un peu trop homogène, parfois trop rugueux, peut-être en réaction à une réception un peu sévère de Berlin – honnêtement, le tournant stylistique était assez maigre et le gain en mélodicité était salvateur pour un groupe menacé de tourner en rond. De plus, avec cette seconde partie plus originale (quoique pas forcément pertinente), on imagine un groupe qui se cherche et louvoie entre son style caractéristique et la volonté de faire autre chose … A l’heure de l’écriture de cette chronique, on connaît la suite de l’histoire : un album exceptionnel, puis un tournant inattendu. Pour l’heure, les temps sont durs.
A écouter : "Die Baby Die", "Into the Whormhole", "Tribulation Nation"