
The Lords Of Altamont
Midnight To 666
Produit par
1- F.F.T.S. / 2- You're Gonna Get There / 3- Get In The Car / 4- Gettin' High (On My Mystery Plane) / 5- Save Me (From Myself) / 6- Soul For Sale / 7- I'm Alive / 8- Turn Me Down / 9- Bury Me Alive / 10- Ain't It Fun / 11- Synanon Kids / 12- Action Woman


Lords Have Mercy avait parfaitement sa place dans les incontournables garage des années 2000. A la sortie de cet album en 2005, les Lords Of Altamont tenaient le "vrai truc": chant éraillé tout droit sorti de Nuggets (la compilation garage ultime), guitares aussi violentes que chez les MC5 et les Stooges, et bien entendu des textes crétins comme il faut ("Live Fast, Die Young"). On avait un peu lâché l'affaire depuis. Les revoilà en 2011 avec Midnight To 666 et rien n'a changé. Le revival garage du début des années 2000 est terminé depuis quelques temps mais les Lords ne semblent pas au courant et continuent sur leur lancée. Malheureusement.
Entendons-nous bien, l'album n'est pas mauvais. Il débute avec un des enchaînements les plus jouissifs qu'il ait été donné d'entendre ces derniers temps. "F.F.T.S." montre à l'auditeur qu'il est en terrain connu avec des guitares fuzz (LA pédale d'effet garage par excellence) hurlant un riff simple et efficace, une batterie tout simplement énorme mixée tout à l'avant et Jake "The Preacher" Cavaliere qui braille comme un loup-garou en rut. Sur "You're Gonna Get There" le riff est bien meilleur et c'est toute la machine qui s'en trouve propulsée avec l'orgue Farfisa (autre élément indispensable de l'attirail garage) de Cavaliere. Tous les potards hurlent "On n'est pas des fuckin' pédés" et pour faire bonne mesure "Get In The Car" balance un refrain à gueuler dans sa bagnole pendant que la batterie bastonne sévère, on a l'air con mais ça fait du bien.
Mais malgré tous ces beaux efforts (qui portent leurs fruits) The Lords Of Altamont restent un groupe de série B. Comme d'autres avant eux ils semblent incapables de voler de leurs propres ailes et alourdissent leur propos de références constantes derrière lesquelles ils semblent vouloir se cacher. Le titre de l'album d'abord renvoie au "Midnight To Six Man" des Pretty Things (groupe anglais des sixties qui avec ce morceau fondait presque à lui seul le rock garage). Les chansons ensuite comptent pas moins de trois reprises (on en trouvait deux sur Lords Have Mercy), un peu immature pour un 4e album. Enfin la formule n'a pas varié d'un iota. Creuser encore et toujours le même sillon, pourquoi pas, mais il aurait dans ce cas fallu changer de procédés garage rebattus (pédale fuzz, orgue Farfisa, batterie caverneuse).
Et puis il aurait aussi fallu affûter un peu les compositions parce que c'est sacrément léger de ce côté -là. Le ventre mou de l'album est constitué de morceaux qui s'enchaînent et s'oublient aussi vite dans une désespérante uniformité ("Bury Me Alive", "Soul For Sale"). On reste en terrain connu, pas désagréable mais vite redondant une fois la surprise passée (car en 2005 ça faisait un bien fou d'entendre du vrai rock garage). En l'absence de riffs mémorables (puisque c'est sur cela que reposent toutes les chansons de l'album) aucun morceau ne se détache de ce tout homogène. Le rythme faiblit donc puis reprend sur "I'm Alive"... une reprise. Très bonne d'ailleurs, de Tommy James And The Shondells (là j'avoue mon ignorance, jamais entendu parler). A l'inverse "Ain't It Fun" des Dead Boys se délite au fur et à mesure, la faute à un groupe qui se refuse à lever le pied et gomme toutes les subtilités d'un morceau dont les Guns N' Roses avaient fait une impressionnante balade hard rock. Le refrain notamment est prise de tête au possible malgré une introduction puissante. Quant à "Action Woman" de The Litter, dans le genre reprise inattendue on a fait mieux puisqu'il s'agit du premier titre de la première face du premier volume de Nuggets. Choix peu surprenant mais reprise réjouissante car jouée avec une hargne qui redonne un coup de fouet à ce morceau dont la violence indéniable à l'époque (1967) s'est quelque peu émoussée avec le temps et paraît fade aujourd'hui.
Pas de quoi hurler donc, l'album reste réjouissant pour quiconque cherche à retrouver l'esprit du rock garage sixties ou simplement à renouveler une part du plaisir procuré par Lords Have Mercy qui pouvait cependant se targuer de compter un plus grand nombre de morceaux mémorables. Il a manqué deux choses aux Lords pour réitérer le choc de ce dernier : envoyer de meilleures compositions et se débarrasser de leurs complexes vis-à-vis d'un genre et d'une époque. Mais chez Jake "The Preacher" et ses potes tout cela semble tenir de la foi et suscite tout de même le respect.