Megadeth
Dystopia
Produit par Dave Mustaine, Chris Rakestraw
1- The Threat is Real / 2- Dystopia / 3- Fatal Illusion / 4- Death From Within / 5- Bullet to the Brain / 6- Post American World / 7- Poisonous Shadows / 8- Conquer... Or Die / 9- Lying in State / 10- The Emperor / 11- Foreign Policy
Comme pour tous les groupes qui font partie du paysage depuis les années 80, on a tendance à penser que Megadeth ne pourra plus tellement nous surprendre. Les 2-3 dernières années, et particulièrement 2015, ont pourtant montré qu’il ne faut jamais enterrer trop vite les vieilles pointures du genre. Le contexte Megadeth est en plus toujours un peu particulier, Dave Mustaine étant un personnage avec lequel il n’est pas toujours facile de travailler. Preuve en sont les départs de Shawn Drover et Chris Broderick en 2015 après Super Collider, remplacés par deux musiciens de grand talent mais dont la collaboration sur le long terme avec Megadeth semble compromise par leurs activités avec d’autres groupes. Dystopia arrive donc dans un contexte plutôt compliqué, pourtant ces quelques perturbations ont finalement eu un effet rafraîchissant sur le duo Mustaine/Ellefson.
Chris Adler et Kiko Loureiro sont les deux petits nouveaux recrutés par Mustaine pour l’accompagner sur ce nouvel opus. Et si le premier n’a pas forcément besoin d’être présenté (batteur de Lamb of God), le second n’a clairement pas la notoriété qu’on lui devrait. Loureiro a principalement officié jusqu’à ce jour en tant que guitariste d’Angra, un groupe de power metal brésilien dont le nom mérite d’être plus souvent cité. Véritable virtuose, Loureiro est également un compositeur assez complet capable de travailler aussi bien à la guitare qu’au clavier, et l’idée de voir un jeune guitariste d’un univers très différent de celui de Megadeth apporter sa pierre aux compositions de Mustaine fît remonter la jauge d’espoir et d’impatience en attendant la sortie de Dystopia. On pouvait avoir des doutes quant aux libertés dont allait bénéficier Loureiro dans les compositions, lui qui explique avoir déjà passé beaucoup de temps à s’approprier les anciens morceaux de Megadeth pour doser le mélange entre son style et celui des formations précédentes (notamment celui de Marty Friedman). Finalement, le Brésilien co-signe trois titres et a clairement apporté un nouveau souffle avec son jeu plus fluide et propre que celui de Mustaine, véritable bourrin à l’ancienne du trash metal. Chris Adler de son côté fait sans difficulté le job, lui qui est habitué à un rythme bien plus exigeant avec Lamb of God apporte ici une puissance très positive.
"The Threat Is Real" lance l’album sur un ton assez trash avec un riff très costaud qu’on devine taillé pour en imposer un max le plus vite possible. Et ça fonctionne. Le morceau déroule un enchaînement de rythmiques solides, celle du couplet restant dans le très basique et celle du refrain donnant un vrai appuie au chant de Mustaine. Ce dernier et Kiko Loureiro se passent le témoin en solo, Dave s’exprimant dans un registre classique et efficace, enchaînant de courtes phrases autour d’un thème qui appuie la rythmique alors que Kiko se lance dans de grandes envolées lyriques beaucoup plus longues. Un gros morceau donc, mais qui n’est pas pour autant annonciateur d’un album résolument trash à l’ancienne. Megadeth déroule dans Dystopia un metal plutôt moderne, avec un son très jeune qui là aussi rafraîchit bien la musique du groupe.
Gros tempo et gros riff également pour "Fatal Illusion", morceau parfait dans sa construction d’une intro lourde et sombre (dans laquelle Ellefson régale d’une petite ligne de basse) à un déchaînement final de double pédale et de solo qui doit tutoyer les 170 bpm. D’une façon générale, Megadeth a très bien travaillé ses intros, un peu d’acoustique au début de "Bullet To The Brain", "Poisonous Shadows" et surtout l’instrumentale "Conquer… Or Die", ainsi que l’ambiance très sombre liée aux thèmes que l’album aborde. "Conquer… Or Die" et sa longue partie acoustique virtuose fait partie des trois titres co-signés par Loureiro avec "Post American World" et "Poisonous Shadows", trois titres aux riffs un peu plus lents et lourds que les autres qui font plutôt la part belle aux solos alors que des morceaux comme "Bullet To The Brain" ou "Lying In State" développent des rythmiques plus évoluées et techniques. Megadeth termine Dystopia par une reprise d’un titre de Fear de 1983, "Foreign Policy", en restant bien dans l’esprit punk du morceau.
Les morceaux sont tous plus ou moins dans la même veine, mais la veine est bonne et Megadeth signe avec Dystopia son meilleur disque depuis longtemps. Un disque qui donne un bon coup de jeune à sa musique, et qui sera peut-être l’occasion pour le groupe d’enterrer les conflits entre anciens membres et d’écrire le début d’une nouvelle histoire. Leur tournée des festivals cet été s’annonce en tout cas déjà marquante.
A écouter en priorité : "The Threat is Real", "Bullet to the Brain", "Conquer... Or Die"