Judas Priest
Demolition
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1- Machine Man / 2- One on One / 3- Hell Is Home / 4- Jekyll and Hyde / 5- Close to You / 6- Devil Digger / 7- Bloodsuckers / 8- In Between / 9- Feed on Me / 10- Subterfuge / 11- Lost and Found / 12- Cyberface / 13- Metal Messiah
Contrairement à ce que pouvaient faire croire les apparences, ce n’est pas l’arrivée de l’Américain Tim "Ripper" Owens au chant, en lieu et place du mythique Rob Halford, qui constituait le véritable chamboulement dans la carrière Judas Priest. Certes, le remplacement de l’icône du groupe était un pari risqué, mais Owens était un excellent faiseur dont le style vocal ne bouleversait pas fondamentalement la donne. En réalité, c’était la volonté de moderniser l’esthétique du groupe et de trancher avec le son classique de Judas Priest qui avaient déclenché une petite révolution : Jugulator n’était rien de moins qu’un brûlot Thrash Metal, bien loin de British Steel ou Defenders of the Faith.
Quatre ans plus tard, le combo poursuit cette démarche sous la houlette de Glenn Tipton, le guitariste devenu maître de la production et d’une grande partie de la composition. Demoliton est une nouvelle étape dans la cure de jouvence de Judas Priest, puisqu’aux digressions Thrash Metal s’ajoutent des sonorités industrielles apportées par l’approche guitaristique et la présence de claviers joués par Don Airey, un musicien au curriculum vitae bien rempli (Colosseum II, Rainbow…).
Ces sons industriels lancent l’album dès le bien nommé "Machine Man", un titre thrash et violent qui évoque Metallica (en particulier à cause du chant d’Owen), et s’intensifient au point de devenir bruitistes sur "One on One" qui renoue avec le Judas Priest traditionnel mais rafraichi par des touches électroniques. C’est un bon démarrage, mais ces claviers deviennent un peu envahissants sur le bas du front et théâtral "Jekyll and Hyde". En outre, dans sa volonté de modernisation, le combo emprunte des voies incertaines dont celle du Metal industriel bien sûr, avec "Devil Digger" qui imite Marylin Manson et "Subterfuge" ou "Feed on Me" qui s’inspirent de Rob Zombie. Judas Priest lorgne également vers le grunge sur "In Between" (impossible de ne pas entendre Kyo au détour d’une mélodie), tandis que la ballade emphatique "Close to You" s’inscrit dans un style très 2000 presque indigne du groupe, contrairement au sympathique "Lost and Found". Or, non seulement ce n’est pas vraiment ce qu’on était susceptible d’attendre de Judas Priest, mais encore, le résultat fait parfois l’effet d’une vieille diva essayant de se remettre au goût du jour en caricaturant des traits esthétiques adoptés opportunément.
En outre, l’album s’étend sur plus de treize titres et souffre de remplissage. C'est ce que nous invitent à penser certains morceaux, qui plus est, inutilement longs - le priestien "Bloodsuckers" ou "Cyberface". C’est pourquoi nous apprécions d’autant plus l’étonnant et excellent midtempo "Hell Is Home", qui commence à la manière d’une ballade et mêle certains gimmicks priestiens à des mélodies pop et à une ambiance indus’. De même, le Power Metal "Metal Messiah" brille par ses innovations (scansion rap, touches indus’, final alambiqué).
Peut-on avoir été et être ? Il est toujours triste de voir un groupe bégayer d’album en d’album, poursuivant une vieille recette éculée sans jamais renouer avec le génie initial (AC/DC). Même si finalement, Demolition se laisse apprécier (surtout sa première moitié), les tentatives un peu forcées d’adaptation au goût du jour sont tout aussi scabreuses, d’autant plus que les modes sont éphémères – alors que Judas Priest, on le sait, est immortel.
À écouter : "Machine Man", "Hell Is Home", "One on One"