Andrew Stockdale
Keep Moving
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1- Long Way To Go / 2- Keep Moving / 3- Somebody's Calling / 4- Vicarious / 5- Year Of The Dragon / 6- Meridian / 7- Ghetto / 8- Suitcase (One More Time) / 9- Of The Earth / 10- Let It Go / 11- Let Somebody Love You / 12- She's A Motorhead / 13- Standing On The Corner / 14- Country / 15- Black Swan / 16- Everyday Drone
Le split de Wolfmother a été le plus bref et le plus incongru de toute l’histoire du rock n’ roll. Alors que beaucoup attendaient avec une certaine impatience (quoique) le troisième album de la clique australienne, le chevelu chanteur de la Louve avait surpris la cantonade en annonçant la fin de son groupe et la sortie d’un album solo. Il faut croire que le nom d’Andrew Stockdale s’est révélé moins porteur que prévu car, à peine soixante dix jours après la mort des canonniers kangourous, voilà qu’ils étaient de nouveau sortis des enfers, prêts à en découdre avec la foule et à remplacer au pied levé tous les concerts bookés sous le nom de Stockdale. Navrant, c’est certain, et pourtant la vraie question est la suivante : Wolfmother existe-t-il encore aujourd’hui ?
On aurait déjà pu se poser cette question avec l’effectif qui avait accouché de Cosmic Egg, disque gardant l’esprit du bouillonnant éponyme bien que perdant au passage son allant naïf et son génial caractère ludique. Grisant par endroits et énervant à d’autres, l’oeuf cosmique nous faisait déjà regretter le départ de Chris Ross et de Myles Heskett, tous deux ayant claqué la porte d’un édifice en pleine ascension mondiale et menaçant de broyer les intéressés derrière la personnalité imposante de la hyène Stockdale. Si l’on n’a plus aucune nouvelle de Palace Of Fire, fruit désormais mort-né des deux déserteurs, on n’a pas non plus clairement gardé en mémoire les identités de leurs remplaçants, sitôt embauchés, sitôt dégagés (ou poussés par la fenêtre) par un leader faisant désormais office de dictateur omnipotent et maîtrisant en intégralité le ventre créatif de la mère louve. En un sens, sortir ce disque sous le nom d’Andrew Stockdale, acte plutôt courageux sur le plan commercial, relevait bel et bien d’une certaine forme d’honnêteté que l’on ne pouvait que saluer. Las : Wolfmother est désormais ressuscité, et il est de fait difficile de ne pas considérer ce disque solo comme son troisième album officieux, ce qui nous donne trois disques commis par trois effectifs différents. Voilà de quoi entacher la crédibilité d’un frontman qui ne manque pas de cristalliser les critiques émanant de tous bords, notamment d’un certain Mike Patton. Il est clair que le vent a plus que jamais tourné, repoussant irrésistiblement l’esquif hard-rockeur vers son Australie natale, en espérant qu’il y reste, si possible définitivement.
Le contexte étant posé, que penser, malgré tout, de ce Keep Moving ? Eh bien, envers et contre tout, beaucoup de bien. On ne va pas récapituler les griefs faits à Stockdale : non, il n’a jamais prétendu avoir inventé le fil à couper le beurre. Wolfmother reste un succédané moderne des Led Zeppelin, Black Sabbath et autres Deep Purple et n’a aucunement l’intention de modifier son logiciel créatif, même si, sur ce troisième jet studio, des essais moins connotés commencent à émerger. On reste positivement impressionnés par la verve zeppelinienne de "Long Way To Go", Stockdale se chargeant, tout à la fois, d’assurer les rôles de Robert Plant et de Jimmy Page et s’en acquittant comme peu seraient capable de le faire. On balance frénétiquement l’échine au rythme du trépidant "Keep Moving", au riff maxi-burné qui respire par endroits le southern graveleux. Moins porté stoner que ses prédécesseurs, Keep Moving exhale un pur parfum de hard rock n’ roll, servi par une batterie colossale - merci au nouveau venu Elliott Hammond, proprement réjouissant et pulvérisant le rock sudiste pervers sous ses coups de boutoir ("She’s A Motorhead") - et le jeu de basse bondissant du rescapé Ian Peres. On demeure indéniablement en terrain connu, un terrain traversé de part en part par la voix orgasmique et ondulante de Stockdale, qui nous livre encore des perles de refrains aussi niais que grisants ("Vicarious", impeccable), même si certains tics vocaux exaspèrent par moments ("Year Of The Dragon", trop systématique dans ses glissements hurlés). Le versant sabbathien du bonhomme, moins présent ici, n’en surgit pas moins là où on l’attend le moins ("Ghetto", qui doit rendre sacrément fier Tony Iommi), et les relents âcres du stoner rock demeurent encore bien vivaces ("Meridian", obnubilant comme une bonne bouffée de marijuana coupée à la coke), surtout lorsque ceux-ci se voient soumis à la relecture bien particulière du bonhomme aux commandes ("Of The Earth", tout aussi régressif que jouissif). Mais l’intérêt, finalement, d’un album solo d’Andrew Stockdale, est de pouvoir s’évader hors des codes inhérents à son projet d’origine et d’aller se balader sans honte sur d’autres sentiers, fussent-ils aussi balisés que faire ce peut. On pense notamment aux balades country "Suitcase", "Black Swan" ou "Country" (justement), outrancièrement classiques et pourtant intégralement réussies - d’ailleurs, ces morceaux lents enfoncent allègrement les slows assez lourdauds de Cosmic Egg ; on pense encore à la durée probablement excessive du disque, permettant à certaines atypies en excès de se frayer sans trop de dommages un chemin jusqu’à nous ("Let It Go", "Somebody Love You"). On pense en fait assez souvent à Jack White et à son album solo qui, bien qu’assez proche d’un skeud des White Stripes, trouve sa personnalité propre en ratissant tout azimut entre le Michigan et les Bayous, avec en ligne de mire "Standing On The Corner" qui aurait tout à fait pu être composé par le blafard de Détroit.
Somme toute, Stockdale fait quasiment du sur place, mais du sur place de qualité. Ce Keep Moving, malgré un lot d’imperfections tout aussi significatif que celui de l’oeuf cosmique, rend encore une fois un hommage réussi au vintage américain de nos parents. Moins excessif et balourd que Cosmic Egg, mais plus bavard et frêle que celui-ci, Keep Moving ne dépareille pas dans la copieuse discographie de Wolfmother . A consommer avec avidité mais avec une certaine forme de modération, attitude mesurée que l’on ne craindra pas, à l’inverse, en allant nous repaître de l’excellent et toujours aussi pertinent Blunderbuss. Et si les White Stripes ne réapparaîtront plus, on peut en revanche affirmer sans prendre trop de risque que l’on n’est pas prêt de revoir de sitôt un disque estampillé Andrew Stockdale...