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Randy Holden, entretien avec un guitar god


Steven Jezo-Vannier, le 03/12/2014

Le temps de la découverte


SJV : Randy, vous êtes né le 2 juillet 1945 en Pennsylvanie. Et, comme vous le dites vous-même, vous avez grandi sur « la route ». La musique vient très vite à vous et l'apprentissage de la guitare s'impose.


RH : La musique m'a tendu la main et m'a emporté. Elle m'a aspiré dès le plus jeune âge. Je ne sais pas si je peux mettre des mots sur ce qui m'a amené à elle. J'ai remarqué au cours de ma vie que les gens attirés par la musique, et par l'art en général, partagent une histoire émotionnelle semblable. Souvent, des enfants aux mauvais résultats scolaires font de bons musiciens, et vice versa. Je peux dire que l'essentiel de ma jeunesse a été fortement chargé d'émotions, la rage et la colère bien sûr, mais surtout la douleur. Et il se trouve que je suis très attaché à la musique en mode mineur. [Ce mode traduit des émotions plus proches de la tristesse et de la souffrance, il est notamment utilisé dans le blues.]


Ma musique s'est forgée sur l'enclume des aléas de ma vie, or je n'ai pas eu ce que l'on peut appeler un milieu familial stable et ordinaire. On était en perpétuel mouvement, des nomades modernes ; et cela pose certains problèmes. Se déplacer fréquemment signifiait par exemple qu'il y avait toujours de nouvelles personnes à comprendre, à cerner, et on ne pouvait jamais vraiment les connaître, savoir qui ils étaient. Je n'ai jamais pu fréquenter quelqu'un sur des bases longues et constantes en dehors de la famille. En conséquence, je n'ai pas bénéficié d'une grande stabilité émotionnelle. Au lieu de ça, j'ai été exposé à d'autres émotions, extrêmes, auxquelles un cadre familial « normal » ne devrait pas exposer un enfant.


L'élément qui m'a le plus manqué et qui a sans doute le plus influé sur ma construction personnelle est le lien affectif. Sans être totalement absent, il était réduit à son minimum. Ma mère devait san doute m'aimer, mais le sentiment devait être plus enfoui et plus empêtré qu'il ne l'aurait été dans un environnement familial serein, où évoluent plusieurs frères et sœurs qui se disputent l'attention d'une mère (du moins, c'était ainsi auparavant, bien plus que maintenant). Moi, j'ai passé plus de temps dans les bras de mes grands-parents maternels que dans ceux de leur fille.


Je n'ai jamais connu mon père, je n'ai d'ailleurs jamais vu de photo de lui. Son nom m'a même été caché pendant de nombreuses années. Il était difficile socialement d'être une mère célibataire. Pour éclaircir le contexte de ma naissance, je dirais que ma chère maman est tombée follement amoureuse d'un marin, qui a été envoyé dans le Pacifique deux semaines après leur rencontre. Sa mission était secrète, elle n'en savait rien et ignorait presque tout de lui. La marine a refusé de fournir toute information sur son compte. Le Gouvernement de l'Oncle Sam ne voulait pas risquer de devoir payer pour l'éducation d'enfants auxquels ils ont pris les pères ! Le déni et le refus des responsabilités étaient la conduite normale du gouvernement. Ma mère a essayé de retrouver mon père avec le peu qu'elle savait de lui, c'était le fils d'une bonne famille de Boston et son nom était Arthur (Chick) Richards.


Il était difficile pour elle d'aller enquêter sur place. C'était une mère célibataire aux petits moyens et le voyage coûtait cher. Elle travaillait comme serveuse pendant un temps, puis comme ouvrière dans une usine de bonbons, allant d'un emploi à l'autre, parfois dans les salons de beauté. Elle donnait du « bien Monsieur, oui Monsieur » à tout le monde. Tout ce qu'elle pouvait tirer de ses jobs ne me payait même pas une éducation.


Tout cela étant dit, je dirais que tous les déménagements, le fait de ne voir ma mère qu'à l'occasion, quand elle pouvait, d'être confié pour quelques dollars aux gens qui acceptaient de s'occuper de moi, tout cela me conduisait à une vie guidée par la musique. Cette vie nourrit un large éventail d'émotions qui permettent de comprendre ce qu'est la musique, puisqu'elle n'est à mon sens qu'une traduction de ce qui habite le cœur des Hommes... La musique interagit et s'identifie aux émotions comme rien d'autre dans la vie.


SJV : C'est donc le temps des premiers émois musicaux.


RH : Vers l'âge de cinq ans, on m'a donné une radio ; chaque soir, je réglais la fréquence sur une station de musique classique et je l'utilisais pour m'endormir, le haut-parleur collé sur l'oreille. Je suppose que cela a marqué mon esprit, sur un mode subliminal, mais je me souviens très bien de cela. J'aimais beaucoup les variations multiples et l'évolution de la musique classique. J'étais à l'aise dans cet univers.


Assez raisonnablement, je peux dire que toutes ces choses qui s'imposaient à moi m'ont conduit à la musique.


SJV : Vous n'avez que 12 ans lorsque, comme de nombreux teenagers de votre génération, vous vous immergez dans le rhythm'n'blues et fondez votre premier groupe, un cover band du nom de The Irridescents. Vous délaissez le classique pour de nouvelles influences.


RH : À cette époque, Chuck Berry était au sommet, et j'ai été furieusement influencé par son jeu de guitare. Il avait une telle énergie, et pourtant son jeu restait lisse et limpide, notamment pendant les solos. Il jouait sur un rythme magnétique auquel vous ne pouviez pas échapper, vous ne pouviez pas vous empêcher de danser. Et la simple utilisation de deux notes pour un solo donnait un son captivant. Son influence est fondamentale sur moi.


Puis, il y a eu Duane Eddy, les Ventures et Link Wray, tous des groupes instrumentaux et pourtant très populaires. Ce furent ensuite les Isley Brothers, Ray Charles, James Brown, la soul noire et le rhythm'n'blues. C'est en mélangeant toutes ces influences que vous obtenez une solide structure mélodique à la guitare, une structure qu'il ne reste plus qu'à combiner à un rythme mécanique pour faire du rock, et de préférence, au rythme d'une locomotive diesel datant de la révolution industrielle !


SJV : Vous quitter Baltimore pour la Côte Ouest et transformez alors le groupe en Sons Of Adam. Pouvez-vous nous raconter le développement de ce groupe et de sa musique, qui glisse peu à peu vers le blues rock ?


RH : Lorsque The Irridescents se sont séparé, je n'ai eu de cesse de vouloir quitter Baltimore. C'était un endroit beaucoup trop oppressant pour moi. Les gens étaient obtus, enfermés dans leurs petits schémas mentaux. Je me souviens notamment de ce qu'un patron de club de Baltimore nous a dit lors d'une audition : “Les groupes de guitare font leur bout de chemin, mais ce n'est pas ça l'avenir en musique. Si vous ajoutez des cuivres, alors là revenez me voir”. Déjà en ce temps, je me demandais comment on pouvait être aussi étroit d'esprit et manquer à ce point d'intuition.


Je détestais aussi le froid qui s'abattait sur la ville en hiver, un froid férocement mordant. Je voulais être au chaud, dans un endroit ouvert, avec des gens chaleureux, et c'est ce qu'offrait la Californie ! J'étais obsédé par l'idée de rejoindre la Côte Ouest, par tous les moyens. En plus, il y avait là-bas un nouveau truc qu'ils appelaient la “surf music”, un truc de guitaristes qui sentait bon les vagues, le soleil et les filles. Je me souviens qu'il était très difficile d'attendre à un arrêt de bus par moins vingt degrés, entouré d'une glace sur laquelle il était impossible d'avancer sans risquer de tomber, le tout en écoutant sur ma petite radio portative, un titre comme “Let's Go Surfin'” ! Sincèrement, je priais Dieu de me permettre de m'évader de ce monde congelé pour rejoindre la Californie.


Nous n'étions pas encore les Sons Of Adam. J'étais encore à Baltimore quand j'ai créé mon groupe suivant, après les Irridesents, je l'ai appelé Fender IV, parce que nous étions le seul groupe dont les membres possédaient tous une Fender Dual Showman, nous jouions des thèmes instrumentaux. Nous étions les premiers à l'Est à jouer ce genre de musique. J'ai même été le premier sur la Côte à avoir une guitare de ce type. Sur ce point, je dois signaler que j'avais une dette énorme envers Mike Yeager, le type d'un magasin de musique où j'allais chaque jour. Ce gars-là croyait vraiment en moi et me laissait passer la journée dans son magasin à répéter avec ses instruments. Au lieu d'aller à l'école, j'allais m'asseoir dans son local et je jouais, ne m'arrêtant que lorsque les cours étaient terminés. Mon école à moi, c'était l'apprentissage de la guitare en autodidacte. J'ai payé Mike pour tout le matériel qu'il me laissait utiliser centime après centime... Ça m'a pris trois ans, mais c'était important. Je n'aurais jamais pu faire tout ce que j'ai fait s'il n'avait pas été là.


Partout où nous jouions, la plupart du temps dans des écoles de danse le week-end et des bars en semaine, les adolescents ne comprenaient pas vraiment notre musique, mais ils l'aimaient. Je me souviens qu'ils se levaient et se mettaient à danser, mais sans cesser de nous regarder, ce qui était plutôt inhabituel en ce temps-là. Ils ne nous lâchaient pas du regard parce qu'ils essayaient de comprendre ce que nous faisions. Les guitares jouaient très fort, plus qu'ils ne l'avaient jamais entendu, mais ils dansaient dessus. C'était un peu étrange. Je me souviens avoir regardé le public pendant un concert, en me disant : “ces gens n'ont aucune idée de ce que nous faisons, mais, sans savoir pourquoi, ils se lèvent et dansent, simplement par envie.” C'était très excitant.


Commentaires
Saint-Nec-Terre, le 28/06/2015 à 11:21
Randy Holden parle du Hollywood Shuffle. Un autre membre de Blue Cheer, Bruce Stephens a lui, écrit un morceau qui s'appelle "Fillmore Shuffle". Marrant.