A Newermind on Nevermind
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Introduction
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- Le coffret anniversaire passé au crible
- Nevermind : Come As You Are
- Kurt Cobain : Love you so much, it makes us sick
- Dans l'ombre de Nevermind : rock, année 91
- Le rock post-Nevermind : chronique d'une gueule de bois
- Grunge, 20 ans après l'explosion : état des lieux
- Smells Like Nevermind Spirit
Nevermind : Come As You Are
L'expression "disque culte" n'est pas seulement synonyme de phénomène générationnel ou d'avant-garde stylistique. Elle peut aussi désigner ces albums charnières avec lesquels chacun a construit sa propre histoire personnelle, comme autant d'épiphanies portatives. Le cas Nevermind se prête idéalement à cette appellation d'origine contrôlée. Fascination, vague intérêt, franche révulsion, petit panorama des ressentis personnels de quelques uns de nos rédacteurs, qu'ils aient été contemporains ou non de Nirvana.Cobain m'a tuer
Il y eut une époque où le pauvre jeune que j'étais ne s'intéressait pas au rock, mais alors pas du tout. Mes années d'enfance ont défilé sur la bande son de la décennie 80, avec de premiers émois musicaux par le biais de Depeche Mode, Bronski Beat, Pet Shop Boys et surtout A-ha (Hunting High And Low, premier compact disc acheté avec mes propres deniers, un grand souvenir). Il y avait aussi Michael Jackson, Madonna, Prince, Kim Wilde, INXS, pourquoi tous les citer ? Puis vinrent les années 90, et avec elles l'adolescence et un franc désir d'émancipation des goûts radiophoniques de mes parents. C'était aussi l'époque du club Dial, cette espèce de France Loisir du disque qui permettait surtout de bénéficier d'une offre d'entrée imbattable, 5 albums cassettes pour 50 francs, un truc de malade et une aubaine pour l'ado peu fortuné que j'étais. Lorsque vint le choix des fameux cinq albums, je me rabattais tout d'abord sur des valeurs refuges : l'Immaculate Collection de Madonna et Dangerous de Michael Jackson. Puis vinrent quelques "découvertes" télévisuelles un peu plus musclées en décibel (vive le top 50), Innuendo de Queen et Use Your Illusions 1 des Guns. Carrément. Restait un cinquième album à inclure dans la liste pour bénéficier de la fameuse offre d'entrée. Je me rappelais alors d'un clip bizarre qui m'avait marqué sur Canal +, un groupe de jeunes branleurs chevelus qui jouaient comme des porcs dans un gymnase. Et puis il y avait ce chanteur qui provoquait en moi un curieux malaise, un mélange d'attraction-répulsion assez indéfinissable, avec cette façon magnétique et malsaine de me fixer, moi, pauvre garçon de quatorze ans qui le regardait beugler à la télé du fond de mon canapé provincial. La chanson était bonne, rien à dire, mais la voix... pourquoi diable braillait-il comme s'il devait vomir ses tripes et massacrer ainsi cette belle mélodie ? Le groupe s'appelait Nirvana, et tout le monde disait que c'était génial. Mouais... soit "tout le monde" avait vraiment mauvais goût, soit il y avait vraiment un détail qui m'échappait. Il fallait que je le vérifie par moi-même : zou, Nevermind, dernier choix de l'envoi promotionnel.
Les premières écoutes ne dégagèrent rien de particulièrement remarquable, surtout en comparaison des albums des Guns et de Queen qui m'apportaient, de leur côté, une entière et immédiate satisfaction. Et pourtant je ressentais une sorte de connexion avec cette musique rugueuse en apparence mais tendre en profondeur. Alors je revenais à Nevermind, l'air de rien, car la cassette m'attirait autant qu'elle m'intriguait. Et puis, phénomène étonnant auquel je n'étais pas habitué, les écoutes se bonifiaient avec le temps. Je finissais par m'habituer pleinement à la voix rauque, tantôt criarde, tantôt désemparée, de Kurt Cobain, et je notais que l'album se révélait bon, très bon même, bien meilleur que ce à quoi j'aurais pu m'attendre. J'appréciais bien sûr ses tubes, de "Smells Like Teen Spirit" à "Come As You Are" en passant par "In Bloom" ou "Lithium", je me délectais de "Polly" et "Something In The Way", mais, fait encore plus étrange, je jubilais comme un fou à l'écoute des furieux "Territorial Pissings" et "Endless, Nameless". De fil en aiguille, je me rendais compte que je ne m'intéressais presque plus à Madonna ni à Michael Jackson, et comment aurait-il pu en être autrement ? Lorsqu'il fallait choisir une cassette pour tourner dans ma chambre, c'était l'album au bébé nageur qui revenait le plus souvent, tel un plaisir coupable caché au reste de ma famille (d'ailleurs, je ne crois pas qu'il aient su que j'écoutais à l'époque de la "musique de sauvage"). Pas de partage non plus avec les copains : certains écoutaient de la musique celtique, d'autres de la pop française. Pourtant, quelques types de ma classe frimaient en ramenant leurs T-Shirts Metallica et AC/DC, mais je n'étais pas le moins du monde tenté par cette musique que je jugeais encore trop extrême. Non : le seul son qui me parlait était ce grunge à la fois bruyant et mélodique qui était pour moi une sorte de quête cachée qu'il me fallait accomplir en solo. Et même si les Guns et Queen continuèrent à m'intéresser durant les années suivantes, je préférais malgré tout fouiller du côté de Nirvana, de Pearl Jam et des Pixies, puis vinrent très vite les Red Hots, les Smashing Pumpkins et Weezer. J'avais basculé définitivement dans le rock. Thanks for all, Kurt.
Nicolas
Who is Nirvana ?
Le fièvre grunge est bel est bien passée par moi. Pire, je l'ai chopée dès ses premières effluves avec Mother Love Bone et elle ne m'a pas lâché avant qu'elle ne s'arrête de sévir par elle-même. Je n'ai pas eu besoin des médias pour savoir que je l'avais contractée, il a suffi que le Ten de Pearl Jam ait les honneurs d'une toute petite chronique dans un magazine pour que j'ai une envie folle de découvrir cette vague sonore qui n'avait même pas encore de nom. C'est donc ballotté par l'arrivée de ce flux d'énergies, tout aussi ébranlé par le Gish des Smashing Pumpkins, que ce Nirvana est venu à moi. Rattrapé par les médias, le courant venait d'être labellisé. Le grunge était né et le buzz avait choisi l'élu : Nirvana en serait l'icône. Nevermind, j'étais avant tout un fan de Pearl Jam mais je découvrais aussi que Seattle était définitivement devenue la Mecque du rock avec Soundgarden et Alice in Chains, entre autres... Chris Cornell, comme Eddie Vedder ou Layne Staley, possédait alors toutes les allures d'un messie. La preuve, je n'ai pas prêté beaucoup d'attentions envers un grand blond avec son gros gilet en laine et son air désespérément triste, voire suicidaire... J'éprouvais pour lui plus de compassion que de passion. Pour autant, devant l'hystérie qui commençait à accompagner son groupe avec le clip de "Smells Like Teen Spirit" qui passait en boucle un peu partout, je me devais d'écouter ce qu'il avait à exprimer. Pas plus touché par Nevermind dès sa sortie, j'étais toujours en plein trip Ten, je n'ai pas attendu longtemps pour voir Nirvana sur scène, en tête d'affiche des Transmusicales de Rennes, le 7 décembre 1991. Leur deuxième concert en France, après celui de janvier 1989 à la MJC d'Issy-les-Moulineaux.
La salle omnisport était pleine et Kurt Cobain avait visiblement sa dose d'héroïne... Comparés aux Who pour leur habitude à fracasser leur matos à chaque fin de concert, ils endossèrent le costume en se présentant ironiquement comme tels en reprenant d'emblée un de leurs morceaux : "Baba O'Reily". Le concert fut assez sauvage mais aussi très bruitiste et assez proche d'une performance de Sonic Youth. S'ils assurèrent musicalement, je dois reconnaître que la voix de Kurt Cobain, toujours à la limite de chanter faux, ne m'enchanta guère. Au terme de "Smells Like Teen Spirit" ou d'un autre morceau, je ne sais plus, il emmancha sa guitare dans les boosters d'un ampli de retour. A la fin du concert il lui tomba dessus après un cassage forcé et en règle du matériel, l'ange chevelu quitta cette mise à sac de la scène dans les bras de Krist. Un tiers des spectateurs avait adoré, les deux autres, dont je fis partie, furent plus circonspects au regard de ce set un peu court et trop bordélique, sur tous les plans. Nirvana ce n'était que ça ? En sortant de la salle j'étais alors convaincu qu'il n'y avait vraiment pas de quoi en faire tout un plat ! Une sensation confirmée en comparaison avec l'énorme performance de Pearl Jam, emplie d'authenticité, de vitalité et de joie de jouer, à laquelle j'ai eu la chance d'assister deux mois plus tard à La Locomotive. Dans mes souvenirs de concerts vécus, Nirvana n'aura donc été qu'un groupe satellite dans ma constellation grunge. Aujourd'hui, désenfiévré, j'avoue tout de même avoir beaucoup plus de respect et de plaisir à écouter Nirvana et leur Nevermind qu'à l'époque...
Marc
Une évidence
La scène s’est déroulée alors que j’avais 14 ans, lors d’une soirée chez des amis de mes parents. La famille en question possédait un nombre incroyable de chaines câblées, dont MTV. Nous étions donc devant les clips et alors que je me levais pour me diriger vers une autre pièce, arrive le clip de "Smells Like Teen Spirit". Les premiers riffs, qui m’étaient étrangement familiers, me firent revenir sur mes pas. Béate, je découvrais les musiciens à l’origine de ce titre, cheveux longs et en quasi transe. L’esprit rock dans toute sa complexité et sa spontanéité. J’étais secouée.
L’âge aidant, je tenais à ce moment-là un agenda-journal intime qui restait en fait désespérément vide la plupart du temps. Je me souviens cependant d’y avoir écrit ce soir-là : "ça y’est j’ai trouvé : j’aime le rock !!!". Very série B comme anecdote, mais very véridique.
Plus tard je découvrais que l’album Nevermind était en fait depuis un moment dans le meuble chaîne hifi du salon. Chose bizarre mais maintes fois vérifiées: l’adolescent moyen rejette en bloc la musique qu’écoutent ses parents. Oserais-je l’avouer, à l’époque j’affectionnais le rap et l’abominable station de radio qui lui était dédiée. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir reçu une belle éducation musicale par le paternel, Genesis (avec Peter Gabriel, il est important de le préciser) et The Who (les chouchous envers et contre tout) en tête. C’est à la même période que je me rendais compte qu’effectivement "Baba O’Riley" et "Message In The Bottle" sonnaient bien. Malheureuse enfant. Mais c’est sans doute ça une passion, quelque chose avec laquelle on vit, qu’on aime aimer sans s’en rendre compte… et qui finit toujours par nous rattraper.
L’écoute de Nevermind s’est donc déroulée telle une évidence, la galette était bien sûr truffée de tubes. "Come As You Are" notamment, ou comment se la péter avec seulement deux cordes de guitare. D’autres titres comme "Polly" et "Something In The Way" symbolisaient pour moi toute la détresse de Kurt et me rappelaient à chaque fois son destin tragique, gun en main. On était alors en 2000, le disque était déjà depuis longtemps entré dans la légende et n’avait strictement plus rien à prouver. Même une oreille profane pouvait s’en rendre compte. Culte, quoi. Peu de temps après j’abandonnais définitivement le rap et me procurais Americana de The Offspring, puis Californication.
Kurt m’est "finalement" réapparu en 2002, alors que j’achetais mon premier magazine rock, précurseur d’une très longue série, et qui retraçait je cite : "Les désillusions perdues de Kurt Cobain". Et ce fut le réel début de ma belle dégringolade (ou élévation ?) dans le vaste monde du rock et de tous les achats effrénés de Cds et de tickets de concerts qui vont avec. Merci Nevermind, merci Nirvana de m’avoir aussi bien balisé la voie !
Mathilde
Tant de bruit pour ça?
Nirvana ce sont mes 14-15 ans et ce groupe a bien failli me pourrir ma jeunesse. Au lycée il fallait d'abord se fader les fans de Cobain, ceux qui portaient des sweats à capuches ornés de sa tronche de déterré affublés d'une tagline subtile du genre "Fallen Angel". On avait ensuite droit aux lycéennes enamourées au bord des larmes lorsqu'elles évoquaient leur idole, terminant souvent leurs plaintes par un lapidaire "d'toute façon Courtney elle a tué Kurt". C'est triste mais c'est ainsi: les admirateurs d'un groupe peuvent parfois en être les pires ambassadeurs.
Une fois passé ce mur des lamentations j'ai pu écouter la musique proprement dite avec Nevermind. La seule réaction possible fut: "Mais qu'est-ce que c'est que cette merde? Pourquoi le type crie comme un putois sodomisé avec du papier de verre? Pourquoi fait-il autant de bruit avec sa guitare alors qu'il pourrait commencer par écrire une vraie chanson?" Le rock est une musique à destination des adolescents, nous sommes d'accord. Cela dit, la rage adolescente ne suffit pas à elle seule pour faire une bonne chanson. Il faut une mélodie valable, des variations dans les tempos, des idées astucieuses voire surprenantes. Chez Nirvana rien de tout cela. La basse suit la guitare sans chercher plus loin, une preuve de plus que les bassistes ne servent à rien à part produire un vague bourdonnement. Dave Grohl balance des roulements de batterie à tout bout de champ style "'tention v'là la montée en puissance" sans que ça ne mène nulle part. La guitare ressasse les mêmes accords (faux) sur toute la longueur de l'album sans jamais parvenir à un riff potable. Mais tout ceci ne serait au pire qu'inutile et ennuyeux s'il n'y avait le chant. Écouter Cobain me donne toujours l'impression que ce type est en train de se vomir sur les pompes. Ça fait peut-être son petit effet auprès des ados en mal de sensations fortes...en fait non, j'étais moi-même dans cette position et ça m'a laissé froid, surtout lorsque le chanteur se sent obligé de surligner ses paroles vaguement morbides (mais 100% incompréhensibles) par des compositions correspondant à ce qu'un gamin mal dans sa peau considère comme "glauque" ou "violent" et qui ne sont finalement que ridicules tant tout cela semble se prendre très au sérieux. C'est supposé traduire son profond mal de vivre qu'il ne peut exprimer qu'en le chantant avec ses tripes. Faudrait tout de même pas nous prendre pour des poires! En réalité ça tourne vite au racolage obscène au rayon célébration malsaine du mal-être adolescent et en entendant Cobain appuyer son propos avec tant d'insistance j'ai la sensation qu'il prend ses auditeurs pour des idiots à qui il doit mâcher le travail, au cas où on n'aurait pas compris à quel point il est malheureux.
Cobain s'est suicidé en citant une phrase pas bien maligne de Neil Young ("It's better to burn out than to fade away", qui dit mieux?), Nirvana ne s'est jamais reformé et pourtant il faut aujourd'hui encore supporter les gardiens du temple qui font de Cobain le dernier vrai rocker et de son groupe le symbole d'un rock qui n'aurait jamais depuis lors retrouvé pareille aura. On voudrait nous faire avaler que le grunge est le dernier temps fort du rock alors qu'il n'y a que les rock critics pour ardemment désirer l'émergence d'un mouvement, histoire d'avoir l'impression d'être au cœur de quelque chose, de vivre et d'écrire l'Histoire. La vérité c'est qu'une fois débarrassé du mythe Cobain (le plus beau suicidé du rock depuis Ian Curtis) il ne reste de Nirvana qu'un groupe de punk médiocre qui braille des paroles crétines (tout en se voulant très profondes) sur fond de vaine saturation. Quant à une quelconque portée stylistique, soyons sérieux, qu'est-ce que Nirvana a bien pu apporter? Cette soit-disant esthétique du non-look sac à puces (qui est évidemment un look comme les autres), ces compositions informes héritées du punk rock le plus attardé plombées par une chape de hard rock bien lourdaud, personne ne s'en réclame et c'est tant mieux. Pourtant le groupe demeure une ombre pesante sur la musique rock, certains appelant de leurs vœux un nouveau mouvement avec son propre Nevermind sans qu'on comprenne vraiment à quoi cela servirait. La seule bonne chose à tirer de Nirvana on la doit à "Weird Al" Yankovic.
Ces jours-ci on fête les 20 ans de Nevermind. Ça ne cessera donc jamais?
Pierre D
Epiphanie
La chambre du rouquin était toujours dans un bordel monstre. La bouffe des deux derniers jours trainait en partie dans une assiette relativement cachée sous un lit en vrac. Le reste s’étalait sur le drap. Une maigre collection d’albums gravés trônait péniblement devant un radio réveil décalqué sur un semblant d’étagère et un vieux poste à la con se faisait une place au-dessous, à même le sol. Je n’écoutais que d’une oreille la discussion entre Francis et le propriétaire de cette chambre où nous nous retrouvions les samedis après-midi pour le réveiller avant d‘attaquer nos occupations pubères et rebelles de gamins paumés en zone carrément rurale. Dans ce poste rachitique à l’endurance douteuse venait de se lancer un disque et une attaque de guitare sèche et clinquante de quatre accords salvateurs suivie de coups de butoir fracassants et d‘un tutti à la puissance écrasante. Fulgurance. A en faire griller l’engin. Voix désabusée puant le mal être à quinze bornes, rage suintante dans des mélodies léchées à l‘efficacité faussement naïve. De quoi ravager mon petit entendement de l’époque.
Le fait est que déjà haut de mes treize années, de mon mètre soixante et fort de ma connaissance du Chocolate Starfish and Hot Dog Flavoured de Limp Bizkit, j’avais déjà échauffé mon conduit auditif sur la voix imbuvable de ce tocard de Fred Durst. Les riffs d’enflure de Wes Borland et sa section rythmique de malades venaient seulement d’entamer mon éducation de la forme et je n’étais toujours pas foutu d’isoler la moindre partie de quoi que ce soit d’instrumental, ni d‘égrener un ridicule accord de force d‘ailleurs. Tout ça pour dire que je comprenais vraiment que dalle à la musique - tout en sachant ce qu‘était un tutti. Si le quintette de ces « connards de rednecks de Jacksonville » a le mérite certain, et non négligeable à mes yeux, de m’avoir grandement mené sur la voie, ces cinq minutes eurent quant à elles un impact sans nom d‘une toute autre ampleur, le catalyseur d’une vie, une lumière éclatante dans un présent pas malheureux ni dégueulasse mais tourné vers un avenir des plus flous. Jusqu’à ce jour.
Ce n’est pas un hasard si ce morceau se défragmenta à ma tronche dans ma certitude d’avoir toujours connu ce sentiment sur le bout des ongles rongés malgré les presque douze ans qui nous séparaient. Pas de conditionnement, pas d’influence notoire, juste la musique et moi, en tête à tête. La preuve de la force symbolique et fédératrice de ce titre, de son actuelle intemporalité et de mon tout premier pas dans l’infini du ressenti sonore universel. La genèse d’une existence et celle de milliers d’autres.
« - Ca va Geo ? entend-je à ma gauche.
- Tu crois que tu pourrais m’enregistrer le cd sur une cassette ce soir ?
- Oui si tu veux. »
Le morceau portait le nom de "Smells Like Teen Spirit". Le groupe Nirvana. Jamais entendu parler. Du moins, pas consciemment. Il me semble que la pub pour le best of se pavanait à la télé en ces temps reculés mais elle n’avait finalement aucun rapport avec l’arrivée de ce monolithe dans notre cercle d’amitié inaliénable. En regardant ce cercle aujourd’hui, épanoui et florissant comme jamais dans ses voluptés musicales et ses hautes sphères d‘écoute, il est clair que Nevermind trouve légitimement sa place de disque sacré au sommet de notre autel, bien qu’il ait pourtant perdu son charme au fil du temps et ne soit pas sorti de ma discothèque depuis quelques lustres, ayant ouvert la porte à trop de merveilles pour y retrouver cet impact qui toujours résonnera en nos mémoires.
Geoffroy