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Compte-rendu de concert

The National


Date : 08/06/2022
Salle : ()
Première partie : Sharon Van Etten , Cat Power, The Strokes

Rocking the Svenska Sommaren

Diego, le 21/06/2022
( mots)

La Suède. Souvent mis en valeur sur notre plateforme, le pays pourrait passer pour l’équivalent musical d’un paradis fiscal dont nous serions les ambassadeurs véreux. Plutôt que d’utiliser des grosses ficelles et de renommer le site Ålbümrøck.sve, c’est en payant une visite en Scandinavie que l’hommage a été rendu. Il faut dire que les éloges se sont avérées méritées, tant une ville comme Stockholm pullule de culture rock : pas un pan de mur sans un poster annonçant un futur concert, un festival ou un évènement culturel, et en particulier autour de la musique. La programmation musicale estivale dans la capitale suédoise est tout bonnement délirante. Ajouter à ceci la modernité admirable de la ville (entre moyens de transports verts infinis et coffee shops bio du quartier de SoFo), et vous obtenez un cocktail détonnant, qui nous pousse tout de même à nous demander si l’activité la plus représentative de cette partie de la capitale ne serait pas de sniffer de l’héroïne équitable avec une paille en bambou. 

Nous nous intéressons plus particulièrement ici au festival Rosendal Garden Party, tenu du 6 au 11 juin, sur l’île de Djurgarden, à Stockholm, donc.

Une programmation de haute volée, un cadre bucolique dans une ville associant avec aisance le branché et l’historique et une folle volonté d’en découdre avec la musique live, après tant de mois d’hibernation, sont autant de raisons d’avoir un haut niveau d’attente sur le spectacle. Autant lever le suspens, pas de déception de ce côté là.

La première journée du festival donne la lourde tâche à Lynn Koch-Emery d’ouvrir le bal. L’artiste locale fournit une prestation d’environ une heure toute en énergie, au gré de guitares saturées accompagnant son chant appuyé et ses compositions de bonne facture. Idéal pour mettre dans l’ambiance, entre deux food-trucks et deux pintes de bière locale, sous le soleil du svenska sommaren (été suédois dans le texte). 

Plusieurs reprogrammations ont impacté le reste du show : exit Clairo et Japanese Breakfast, mis K.O. par le COVID. Ce sont les Anglais de Sleaford Mods qui prennent la scène. Au-delà de la qualité de la prestation de ce duo détonnant, nous touchons du doigt un léger souci : celui de la cohérence. Après de la power-pop/rock, nous assistons donc à un show très électro, que nous pourrions résumer par “un des membres des Peaky Blinders profane des insultes sur du Drum’n’Bass”. Un peu caricatural certes, mais la vérité n’est pas très loin. Ceci n’empêche pas de passer un bon moment, et de se dégourdir les jambes en dansant, à l’instar de Andrew Fearn, moitié instrumentale du duo qui, a priori, se contentait d’appuyer sur play avant d’entamer des invraisemblables mouvements communicatifs.

Vient ensuite le tour du duo de DJ australien culte The Avalanches, acclamé par le public, et pas seulement pour le look très George Michael 1987 de Tony Diblasi. Malgré le fait que nous avions été séduits par la dernière production du groupe, le collaboratif We Will Always Love You, sorti en 2020, la vérité est que le set tombe un peu à plat. C’est tout le problème des prestations sans chant en live et sans ambiance réellement excitante : c’est sympa mais ça ressemble parfois légèrement à du bidouillage électronique superflu. Petite déception donc. Avant une grosse émotion.

C’est à ce moment que je m’autorise la première personne. Comme beaucoup de personnes de ma génération, la découverte des Strokes a été un bouleversement. Les deux premiers albums du quintet ont résonné dans ma chambre d’adolescent comme quasi rien d’autre. Alex Turner, sur le dernier Arctic Monkeys, le dit mieux que personne : "I just wanted to be one of the Strokes". C’était mon cas également. Il ne s’agit pas ici de refaire l’histoire, mais la suite de l’aventure Strokes a bien sûr été plus confuse, jusqu’à un point où j’avais accepté que l’histoire était probablement terminée et que je ne verrai jamais le groupe qui m’avait tant fait vibrer en concert. L’attente interminable dans un contexte où la rigueur scandinave avait été vérifiée (les autres artistes avaient commencé à l’heure prévue à la minute près) me laissait même présager un destin à la Oasis 2005, avec séparation du groupe en coulisse avant le show, et détresse des fans. Mais non, les cinq new-yorkais finissent par débarquer, sous nos (mes) yeux ébahis. Performance engagée, échanges de Casablancas avec le public, et amusement contagieux : toutes les craintes liées aux performances parfois discutables du groupe se dissipent rapidement. Un hasard (vraiment?) me conduira chez un disquaire le lendemain. Ce-dernier, également présent au concert de la veille, confirmera la performance de haute volée à laquelle nous avions tous deux assisté. Parmi les bonnes surprises, la réaction du jeune public aux titres de The New Abnormal, dernière production du groupe. Si le disque est loin d’être parfait, il a le mérite de transmettre quelque chose qui ne passait plus depuis plusieurs années : du fun ! Le reste de la set  list est composé de manière à peu près équilibrée de titres de Is This It ? et de Room on Fire, avec quelques incursions de First Impressions of Earth, et très peu de Angles et Comedown Machine. Finalement en accord avec la carrière du groupe. Mention spéciale à un “Take it or Leave it” incandescent, et à un “Reptilia” qui confirme son statut de meilleur titre du groupe (parti pris assumé). Les Strokes avaient été contraints d’annuler leurs récents concerts pour cause de COVID et sont revenus affamés sur la scène de Stockholm, pour le plus grand bonheur du public.

Le retour à la Rosendal Garden Party se fait avec une forte anticipation le sur-lendemain, pour une soirée all-star de l’indie rock. Albin Lee Meldau entame les hostilités avec sa soul-full folk rock et sa voix tout bonnement incroyable. Une sorte de mélange entre un Paolo Nutini et les plus beaux organes de la MoTown (rien que ça). Les compositions sont bonnes, la performance captivante et le public réceptif pour cet enfant du pays dont le nom affublé d’un “Lee” très Etats-Unis du sud est totalement justifié. Le titre "Forget About Us" transporte littéralement un public pas réellement prêt à en prendre plein la tête si tôt dans la journée. C’est un grand oui et une recommandation pour tous ceux qui seraient passés à côté de cet artiste.

La suite ne garantit pas de répit sur les émotions, tant la prestation de Cat Power, légende vivante de l’indie rock US, s’est montrée emballante. Modèle de charisme sur scène, Power réinvente ses titres et leurs interprétations. Sa voix est tout bonnement sublime et transporte l’audience dans un moment stellaire. Les interactions avec le public sont un modèle de transmission de positivité et de reconnaissance, à double sens. 

Sharon Van Etten, dont nous n’avons cessé de vous dire du bien ici depuis quelque temps, se présente ensuite avec la ferme intention de défendre son dernier album, l’opaque et réussi We’ve Been Going About This All Wrong. C’est donc une setlist majoritairement composée de morceaux de ce dernier opus, avec en complément certains des meilleurs titres de son précédent album. Croisée de manière fortuite aux alentours du festival, Sharon Van Etten est tout aussi délicieuse à la ville qu’impeccable sur scène. Sa voix est puissante, hargneuse et délicate quand il le faut. Ses musiciens sont au niveau, qu’il s’agisse de la basse vrombissante de Devin Hoff ou des harmoniques et du clavier de Lou Tides. Les chansons du dernier opus supportent largement bien l’exercice du live, et Sharon a la délicatesse de terminer sa prestation par un couple de classiques: "Everytime the Sun Comes Up", revisité pour l’occasion et "Seventeen", devenu l’hymne de la chanteuse.

La scène est dressée et le public chauffé, malgré la pluie battante, pour accueillir le headliner du jour : The National. Les cinqs membres du groupe, accompagnés des fidèles et excellents Ben Lanz et Kyle Resnick, déroulent avec une aisance folle les titres ayant fait leur gloire. L’apex des rois de l’indie est mis à l’honneur, avec une majorité de titres provenant du tryptique Boxer, High Violet et Trouble Will Find Me. "I Need My Girl" est éblouissant, tandis que "Conversation 16" ou "England" transportent la foule via les hurlements d’un Matt Berninger en transe, comme à son habitude. Ou presque. Car une sorte de réserve joyeuse se dégage de l’attitude des musiciens, comme une sorte de bienveillance envers le public, relativement surprenante pour un collectif qui tourne depuis désormais une vingtaine d’années. Des compositions plus récentes, comme "Light Years" ou l’électrisant et génial "The System Only Dreams in Total Darkness" ponctuent le show. A noter l'apparition de nouvelles compositions, "Ice Machines" et "Haversham", qui voient le groupe retrouver une ambiance sonore plus proche de Sleep Well Beast, confirmant probablement que l’expérience ultra collective de I Am Easy to Find était un one-shot. Léger bémol à la prestation : l’absence de rappel, laissant le public conquis sur sa fin, après un bouquet final de "Fake Empire", "Mr. November", "Terrible Love" et "About Today".

Il est parfois bon de toucher du doigt la capacité de rassemblement que représente la musique. Nous sommes, sur un webzine spécialisé sur l’analyse du rock, particulièrement bien placés pour le savoir et le clamer, mais certains évènements contribuent à refaire passer cette faculté toute particulière à faire cohabiter des personnes d’origines, de générations, de styles et même de goûts différents. Partager un concert fait donc partie de ces expériences quasi extra-sensorielles qui font exploser les barrières. 

Ce constat pourrait largement s’appliquer à la formidable dernière saison de Stranger Things -pas de spoiler, promis-, qui fait la part belle à la résonance tout à fait particulière que peut avoir la musique sur notre conscience. 

Quelle chance de pouvoir compter sur ces moments hors du temps permettant de rappeler ce que tout cela signifie vraiment.

Commentaires
DiegoAR, le 22/06/2022 à 09:52
Merci @MathildeAR pour ton retour. Content de lire que mes mots ont bien retranscrit les émotions ressenties :)
MathildeAR, le 21/06/2022 à 12:40
Au delà du pays (oui vraiment soyons des ambassadeurs) qui fait rêver, le moment Strokes est un petit paradis aussi !