TesseracT
Pas totalement convaincu par le dernier opus de TesseracT (trop froid et impassible dans ses mélodies à mon goût), je me faisais pourtant une joie de revoir le groupe anglais, cinq ans après un passage remarqué au Trabendo de Paris. Premier constat et pas des moindres : le groupe semble être sur une belle dynamique en matière de popularité (malgré un genre - le djent - qui semble s’essouffler peu à peu), puisqu’en optant pour les 1500 places procurées par une salle comme Le Bataclan le groupe est en mesure de doubler la capacité de son public par rapport à son précédent passage en Ile de France.
Avant de retrouver Daniel Tompkins et sa bande, j’ai pu assister aux représentations des deux groupes chargés de la première partie : The Callous Daoboys et Unprocessed.
Pour la faire court, le premier était tout simplement inécoutable (désolé pour les amateurs du combo de mathcore américain qui passeraient par là) ! Les fameux Daoboys se reposant en grande partie sur leur capacité à associer tout et son contraire pour aboutir à l’amalgame sonore le plus dissonant et improbable possible (des breaks jazzy, voire exotiques, arrivant comme un cheveu sur la soupe au milieu de déferlantes hardcore particulièrement ravageuses) ; un résultat qui ferait passer Between The Buried and Me pour de la pop mainstream ! Hurlements stridents, growl bien gras et cris de cochon auront fini par m’achever…
Il y avait également de quoi rester perplexe face aux excentricités sonores des Allemands de Unprocessed. Ces derniers nous ont d’ailleurs laissé pantois face à la virulence de leur album sorti en décembre dernier (…and Everything in Between), finalement bien loin des attributs pop/djent/prog qui nous avaient séduit sur l’opus Gold (Cf. chronique de Julien). Cette ambivalence s’est également retrouvée sur la scène du Bataclan, à l’image d’un public (comprenant finalement assez peu d’initiés) ne sachant pas toujours sur quel pied danser… Contre toute attente, le quintette a su progressivement dompter la foule et à rallier les plus perplexes à sa cause, jusqu’à se révéler être un formidable metteur d’ambiance ; le public parisien s’est ainsi progressivement prêté au jeu, s’embarquant avec entrain dans les différents "circle pit" et autres "jump" synchronisés réclamés par le groupe. Plus globalement, Unprocessed a su démontrer une véritable capacité à rassembler, mais aussi de saisissantes capacités techniques - des prédispositions permettant aux Allemands de faire à peu près tout ce qui leur passe par la tête ! Le groupe étant encore très jeune (malgré ses six albums au compteur), il ne lui reste plus qu’à affiner son style et se libérer peu à peu de certains gimmicks redondants (les petits breaks les plus épurés et inoffensifs, cachant très souvent un soubresaut rythmique furieux inspiré du death metal). Quoiqu’il en soit, le contrat est plus que rempli, et nous voilà fin prêt pour accueillir TesseracT comme il se doit !
Après une bonne demi-heure d’attende, c’est Daniel Tompkins qui fait discrètement son entrée en scène. Le chanteur britannique annonce alors qu’il n’est pas au mieux de sa forme et qu’il sollicitera le public lors des passages vocaux les plus éprouvants. Diminué ou pas, ce dernier se montre particulièrement déterminé au moment de débuter le show par l’intraitable "Natural Disaster", introduction fracassante issue du dernier opus des Anglais (War of Being). Si Tompkins s’avère effectivement en difficultés sur certains refrains, le public semble particulièrement enthousiaste face à l’énergie déployée par les cinq hommes sur scène, à l’image d’un Amos Williams - pieds nus comme à son habitude - particulièrement en vue avec son jeu de basse si reconnaissable. Après une petite rétrospective des albums passés (avec les désormais indispensables "Of Mind - Nocturne", "Dystopia" et "King") faisant grimper la température de la salle de quelques degrés supplémentaires, le groupe finit par dérouler la rythmique furieuse du très attendu "War of Being" : un mastodonte de plus de onze minutes aussi hargneux que subtil, durant lequel le quintette confirme que sa réputation n’a absolument pas été usurpée. Techniquement irréprochable durant toute la soirée, le groupe fait part d’un show millimétré et équilibré, tout en se laissant aller à de beaux instants de communion avec la foule. Peut-être aurions-nous apprécié un peu plus de soin accordé à l’habillage de la scène, celle-ci se limitant à arborer le fameux tesseract sur fond noir, et à accompagner la prestation de néons lumineux aux projections arc-en-ciel tranchant quelque peu avec l’esthétique de l’album. Après l’expérience immersive proposée sur Portals et le concept ultra développé de War of Being, il était clairement permis d’en attendre un peu plus sur cet aspect… Difficile pourtant d’en tenir rigueur au groupe quand on connait le coût que peut représenter ce genre de tournée internationale.
Si War of Being constitue évidemment la voute du spectacle, force est de constater que l’album qui récolte le plus d’adhésion est sans conteste Sonder (le public présent en fosse se montrant particulièrement agité !). Encore une preuve qui nous conforte dans l’idée qu’il s’agit ni plus ni moins du meilleur opus de TesseracT : le plus solide dans ses compositions, le plus marquant dans ses mélodies, mais aussi le plus détonnant lors de ses ponts djent survoltés.
Biensûr, le groupe gardait ses meilleures munitions pour le clou du spectacle, et s’adonne à un éprouvant bouquet final construit autour des virevoltants "Concealing Fate Part 1 (Aceptance)" et "Part 2 (Deception)" issus du tout premier album du cube cosmique. Deux titres qui font assurément partie de ce que le djent a offert de plus mémorable jusqu’à présent. Bouillonnant, le public du Bataclan se lance dans une ultime bataille, initiant pour l’occasion un impressionnant tourbillon humain semblant tout absorber sur son passage.
TesseracT aura clairement marqué les esprits durant cette soirée du 23 janvier 2024 et se place plus que jamais comme la figure de proue d’un mouvement djent qui cherche à se renouveler.
Setlist :
Natural Disaster (War of Being)
Echoes (War of Being)
Of Mind - Nocturne (Altered State)
Dystopia (Polaris)
King (Sonder)
War of Being (War of Being)
Smile (Sonder)
The Arrow (Sonder)
Legion (War of Being)
The Grey (War of Being)
Juno (Sonder)
Rappel :
Concealing Fate, Part 1: Acceptance (One)
Concealing Fate, Part 2: Deception (One)