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Compte-rendu de concert

Amon Düül II


Date : 04/05/2012
Salle : 104 (Paris)
Première partie :
Geoffroy, le 22/05/2012
( mots)
Ce devait être ma première accréditation pour Albumrock. J’en tressaillais d’allégresse, refait comme dirait le poète, d’arpenter la rue Riquet en direction du 104, salle parisienne dont je n’avais jamais eu vent de l’existence, gonflé d’une joie certaine à l’idée que l’on accordait suffisamment de crédit à un papier sur le webzine pour me laisser carte blanche dans la soirée. Mais moi, je n’étais là que pour Amon Düül II. Fatigué d’un concert tardif et bandant de Zëro la veille aux Tanneries de Dijon, j’espérais que le truc soit assez vite expédié pour m’effondrer dans le sommeil peu profond des auberges de jeunesse. Je ne m’étais renseigné sur rien, pointant simplement mes esgourdes pour témoigner de ce qui restait de la fièvre cosmique d’un groupe exceptionnel dont je tire des trois premiers albums des saveurs uniques et inimitables. La soirée promettait d’être originale alors…


Emasculer l'assurance d'un chroniqueur serein en deux-deux.

« - Votre nom s’il vous plaît ? ». Geoffroy P. pour Albumrock. « Ah, vous n’êtes pas sur la liste… ». Ok... « Mais vu que vous êtes journaliste, la moindre des choses c’est de vous faire une détax’ à quinze euros ». Journaliste non, mais bon ok… Peut être pas tant de crédit que ça finalement… J’en profite pour mettre un visage sur le nom de Bester Langs, rédacteur en chef de Gonzaï. Ils ont fini par trouver son nom à lui.

La salle est immense, gigantesque halle aux traits grossiers sur trois niveaux, blindée de petites échoppes, avec une plateforme surélevée à l’entrée - le Jardin, avec une petite estrade au bout - et une grande scène tout au fond qui nous appelle de ses lumières bleutées et de son écran de ciné tendu. Cold place. J’ai cru défaillir en voyant le programme affiché. N‘en ayant à la base rien à faire, je ne savais pas que les Allemands commenceraient après minuit. Pas très sympa de faire veiller les vieux si tard. A dire vrai je me sentais moi aussi comme un vieux con, débarquant seul dans un festival - puisqu’il s’avérait que cette soirée soit plus ou moins un festival - sans plus un sou en poche, pas même foutu de m’offrir une bière, seul remède à la solitude des concerts, ni de m’en faire offrir une, asocial primaire que je suis. Du coup décidé à couvrir le truc malgré tout, en observant à droite à gauche ce qui s’y passe, j’observe Lena Kaufman d’un air de juré intraitable mais prends un plaisir coupable à suivre les doigts de la dame le long du manche de sa guitare classique. Dieu que c’est joli. Russe jusqu’au bout des ongles, ses chansons sont plutôt jolies aussi, œuvrant dans un registre romantique sous de belles lignes de voix et un accordéon pas suffisamment envahissant pour devenir lourdingue. C’est d’ailleurs sa charmante acolyte qui traduit tout. Personne ne comprend le russe ici.

Je prends note des activités proposées alentour, me marre un coup en voyant des groupes de huit gonzes s’adonner à des positions complexes dans je n’ai pas encore compris quel but, et des chevelus se faire harceler la tignasse dans des élans excentriques de art hair. J’hésite personnellement un moment à m’accorder la demi-heure de massage shiatsu, le bon plan pour s’écrouler au milieu de la salle avant même l’ouverture de la grand-scène. Finalement je me refuse le plaisir, réalise à nouveau que je n’ai plus de fric, et vois de loin les Crane Angels monter sur les planches. Je regarde les restaus bondés et jette un dernier regard au havre de paix à cinq euros les trente minutes. Allons tâter de la Nuit Ouf.


« Anne, ma sœur Anne, ne vois tu rien venir ? … »

A dix sur scène ils occupent forcément bien l’espace, zigzagant les uns entre les autres pour dévoiler leurs talents de multi-instrumentistes. Ils sont Bordelais les Crane Angels et pas mal d’influences se font sentir. Le côté chorale me plaît bien, l’humour et la bonne humeur aussi. On sent l’aisance dans l’interprétation, une expérience certaine - le côté rassurant du groupe - mais quelque trucs me font tiquer, des passages un peu mièvres, faciles quand à dix on pourrait pourtant balancer des contrechants de malades. Mais une des chanteuses est vraiment canon alors je pardonne tout. Bon public parfois, il me faut pas grand chose. Les guitares s’aventurent souvent dans une trempe bruitiste qui me sied sans se mettre trop en avant, dévoilant des penchants indie pas dégueu’. Le public répond bien, se laisse divertir, c’est dansant, joyeux, dynamique. Je commence à me dire que la soirée n’est pas perdue.

Le 104 commence à bien se remplir. Non pas qu’on puisse véritablement gonfler à bloc ce hall de gare, mais pour l’intimité premièrement désirée, tout est à refaire. En suivant un mouvement de foule, on arrive vers une nouvelle salle, la 200, plus resserrée et chaleureuse. Si seulement les Allemands pouvaient jouer ici. Jools On Fire vient d’y commencer son set et ne convint d’absolument rien. Titres de chansons rédhibitoires genre "Lonely Freedom" qui te donnent la couleur direct et festivité théâtrale grossière et écœurante mêlée à des sonorités de l’est. Demi-tour et retour à la Nef Curien - la grande scène - découvrir les animations de Dj Oof. L’écran de ciné, c’est pour lui. S’y étalent clips tirés de films de Tati et autres sur lesquels se posent des ambiances musicales construites en fonction. C’est plutôt bien foutu et se défend pas trop mal même si le côté démago dans le message casse un peu la chose. Une légère session entre chaque groupe, le temps de se poser sans alourdir le programme, vaut le coup d’œil.


A l’horizon, toujours rien…

Zoufris Maracas. Quel con voudrait programmer pour ce genre de soirée une énième de ces tristes formations ? Suffit pas d’être parti vivre en Afrique et de faire la manche dans le métro pour s’acheter une valeur artistique, et sérieux, on s’en tape suffisamment dans les festivals pour ne pas avoir à les encadrer en salle aux côtés de Amon Düül II. L’éclectisme c’est sympa mais bon, on a chacun nos limites. A peine trois titres et déjà deux passés à cracher sur le nouvel ex-résident de l’Elysée - en voilà un sujet pertinent et rarement exploité. M’est aussi d’avis que ce sont des chansons populaires qui ont vu leur texte réarrangé… Oh ! Nuit Ouf ! Envoie du rêve ! donnes quelque chose à nous foutre sous la dent ! que cette accréditation foireuse ne m’ait pas vu bouger mon cul pour que dalle.

Parce qu’encore jeune et naïf certes, ma fréquentation conséquente des chambres à décibels m’offre tout de même la force de constater que ce qui est censé être ici une soirée divergente, n’en propose rien. Le fait est que l’on s’emmerde sévère ce soir. Soit, je suis seul et sobre à ruminer dans mon coin, mais non, les signes ne trompent pas. Trop de nanas sont affublées des mêmes fringues et elles sont bien trop nombreuses à porter ce même sac en bandoulière - issu de l’agriculture biologique - qui prend trop de place dans la foule. « Ouais, Nuit Ouf peut être, mais l’ambiance est loin de l’être justement. Regarde-les, y a pas plus parisien comme soirée, les trois-quarts des gens ici ne sont pas là pour les groupes mais juste pour se montrer. C’est bobos et compagnie, point barre ! ». Ce n’est pas moi qui le dit mais un mec qui a un passe autour du cou. Merci de mettre le doigt dessus. Si vous avez eu le sentiment de ne pas avoir votre place dans ce public de m’as-tu vu, ce n’était pas du chiqué. Moi, être un plouc, j‘assume. Mais si je me déplace chaque mois de ma campagne profonde pour trainer mes pieds dans cette capitale que j’abhorre, c’est pour voir des trucs qui valent le coup, et à regarder se pavaner les hipsters parisiens comme mes défonçards ruraux sur le même genre de groupes qui hantent la Province et le festival de Trifouillis-les-Oies avec Broussaï en tête d‘affiche, je préfère mille fois rester dans l’odeur de bière et d’urine du Deep Inside à Dijon avec trente pélos au compteur devant des groupes qui butent. Sauf que lui ne fait pas jouer Amon Düül II.

Heureusement, Zombie Zombie relève le niveau. De retour à la 200, le batteur - celui de Herman Düne au fait - taboule à s’en damner, sa façon de rendre hommage à MCA des Beastie Boys qui vient lui de rendre l’âme à son lymphome. Les gens parlaient souvent de krautrock moderne en citant le duo et il est vrai que je retrouve dans les claviers les boucles synthétiques antiques qui caractérisent le peu que je connais des œuvres de Klaus Schultze et Kraftwerk. La chose se rattache aussi à cette mouvance des nouveaux groupes français comme Electrik Electrik basés sur une batterie au kick de tachycardie et une machinerie à la fois agressive et mélodique. Marrant également cette mode du nom doublé ces derniers temps d’ailleurs. 


Savoir tirer des Anciens ce qu’il leur reste à dire.

Et ce qui reste de foule semble de plus en plus étranger à tout ce que j’ai connu. L’impression de se retrouver dans cette émission atroce de Paris Première, celle où un type se promène dans la capitale by night et tape la causette avec le « beau monde » de la nuit, me file la nausée. Difficile de croire que c’est Amon Düül II qui s’active derrière l’écran blanc. Si j’avais espéré les voir un jour, c’eut été entouré de témoins âgés et de jeunes ébahis comme moi, dans une salle sombre et intime chargée de fumerolles d’herbe et de relents de fraicheur passée, un peu comme l’odeur des vieilles maisons. Mais là… 

La clique entre en scène et s’installe posément à qui son instrument respectif. Pas de fioritures ni grands discours, juste un sourire de circonstance et l’affaire d’une intro psychédélique dûment engagée. Le son n’est pas à la hauteur, mais ça, comment ne pas s‘y attendre ? De quelle manière les Allemands auraient ils su garder et retranscrire les volutes vaporeuses qui caractérisaient l’ambiance fantastique se dégageant de Phallus Dei ? surtout quarante deux piges après. Les miracles s‘entretiennent. Quand même, ça manque de profondeur, de rondeur. La basse a toujours été sèche chez Amon Düül II sauf qu’ici, elle n’est pas desservie par l’occupation totale de l’espace sonore. C’est l’une des bases du psychédélisme la gestion de l’espace - avis à tous les groupes qui s’en revendiquent. Après, entendre Renate Knaup faire frémir son organe soulève le cœur de désirs puissants et atténue toutes les peines du monde. Les élucubrations de Lothar Meid elles, font sourire, sa tronche de grand-père jouant les gros durs en matraquant ses accords de basse et scandant son guignolesque « Vive la Trance ». 

"Deutsch Nepal". La peur de les voir assaillis par les affres du temps, bons pour la maison de retraite et les parties de Scrabble dans la langue de Goethe, s’efface. Seul le corps est la traine. Danny Fichelsher a l’air d’en chier à rester sur le tempo, quasi momifié derrière ses fûts, sur la corde raide toujours, entrainant ses collègues vers le fond. Les titres défilent, sombrant par moments dans le mauvais goût des dernières années, s’aventurant peu mais plaisamment dans les premiers albums, esquivant avec une bêtise toute avouée les chef-d’œuvre de Phallus Dei, mais gratifiant au moins le public du « Soap Shop Rock » de Yeti et surtout des arpèges cristallines de "Synthelman’s March". N’être pas né trop tard pour les entendre en live, quoi qu’on en dise, c’est ça de pris. Quelques extraits de Wolf City aussi. Bien que ce dernier reste correct, Amon Düül II y avait déjà perdu de sa superbe, banalisé dans son psychédélisme et dans des codes trop respectés pour faire encore vibrer l’avant-garde. Trop cadré, tout simplement.

Une grognasse à sac bio prend toute la place qu’elle peut pour gonfler son importance minime et son appartenance injustifiée à l’instant et fait dos à la scène, badigeonnant ses lèvres de rouge putassier comme on graisse une dinde. Un autre fumier se met à me donner des coups dans le dos en riant et hurlant « pogo ! » tandis que je prie encore pour "Kaanan", me gâchant la fin d‘un concert au final étrange et décousu… Dieu que je hais ce public… 

Se retirant gênés à la fin d’une impro peu maîtrisée, Amon Düül II salue le 104 et va se coucher. Brusque, clairement. Le connard qui me les brise menues finit par m’alpaguer: « Mais mec ! pourquoi t’as pas pogoté ? c’était toi le rappel ! ». Ducon.


Retour rue Riquet, je me dis que plus jamais je ne foutrai les pieds dans cette salle. Pas un hasard que je n’en aie jamais entendu parler au vu de la fréquentation discutable et c’est bien veine illégitime d’avoir su choper pour cette soirée craignos ce qui fût l’un des plus grands groupes des seventies. Libre, inventif et audacieux. Avec un programme et un public comme celui-là autant se l’avouer, en terme de rock ‘n’ roll franc du collier et de passion décharnée, le 104 repassera, et moi, j’y réfléchirai à deux fois avant de me jeter comme un couillon dans la gueule d’un loup trop bien fringué et propre sur lui pour être honnête.
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