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Chronique Livre

Sparks


Le leader de Franz Ferdinand Alex Kapranos - nouvellement papa et anciennement journaliste (culinaire notamment fut un temps, voir son livre Sound Bites) - avait écrit en 2004 dans le NME à propos des californiens Sparks: "Ce sont des groupes comme celui-ci qui changent votre façon d’aborder la musique. Maintenant je ne peux plus imaginer ma mélomanie sans eux" (Thomas VDB a tenu sensiblement les mêmes propos dans Comedian Rhapsodie). Dix ans plus tard il formera un groupe éphémère hybride avec le duo fraternel, le brillant FFS où tout le monde y concentre une attitude très british. De trop rares ouvrages à propos des Sparks existent dans le monde et surtout en France. Les frères Mael sont l’archétype du groupe que tout mélomane rencontre sans forcément s’y attarder. De joyeux lurons arty avec l’esprit tellement vif, acéré voire carrément extra lucide qu’ils sont régulièrement incompris et du coup souvent malheureusement mis de côté. Comme tristement réservés pour plus tard.

"La foire aux vinyles/ virils"
Mathilde, le 05/11/2023
( mots)

Les frères Mael, Ron au clavier et Russel au chant, sont tout aussi étincelants que leur nom de groupe. Et à tous niveaux : mélodie, paroles, look, abord des sonorités, leur vision globale de la musique est de l’ordre du génie. Trop dense pour être absorbée et comprise en plusieurs fois, il faut effectivement de nombreuses écoutes curieuses pour être happé par leur conscience (consciencieuse même s’ils se présentent comme foutraques) aiguë du détail musical sous forme d’albums-œuvres/concepts très musée d’art contemporain. Et avec la retenue intelligente de ne jamais verser dans le m’as-tu-vu.

 

Thierry Dauge s'est remonté les manches et s'est attaqué au vaste sujet. On est dans une foire aux vinyles un dimanche, sans trop savoir ce qu’on va y chercher et encore moins ce qu’on va y trouver. Le vendeur derrière les bacs est l’auteur, journaliste amateur de hard rock sur Culturesco.com qui s’est ici donné pour honorable et sacrée mission d’aller creuser les nombreux sillons productifs des Sparks depuis les années 70. Tel un archiviste/ collectionneur passionné, il nous sort une à une les œuvres des pétillants brothers sous forme de chapitres non numérotés mais chronologiques avec une phrase d’accroche introductive à la tête de chacun. Des descriptions qui s’éclatent sous forme de petits paragraphes non homogènes, étalés là au fil de la narration énumérative de chaque titre.

 

Cinquante années de carrière décortiquées tel un concours de crevettes grises. Des zooms sur des moments de disque et aussi de concerts vécus, où Mr Dauge s’étonne des prouesses et des déconvenues des frérots, sur un fond franc d’enthousiasme, d’excitation d’anticipation qu’on devine chez lui à l’idée de parler du groupe. Un fan, un vrai, pas là pour biner les glaïeuls (de Morrissey, lui aussi grand ami des Sparks) un connaisseur ce monsieur qui parvient à attirer notre attention sur Balls, à contextualiser chaque production du duo, à rétrospectiver les pochettes d’albums au centre du livre telle une galerie. L'ouvrage, au delà d’être un guide du routard plein de conseils d’écoute et d’anecdotes précises et truculentes est une invitation à entrer dans un "journal d'impressions", émotif mais jamais intime.

 

Il évoque également les projets cinématographiques avortés (avec Tati notamment), ceux beaucoup moins interrompus (Annette) toujours en bavardant tout du long jusqu'à donner des références de matos musical à la fin du bouquin. Les tournures sont parfois idoines  - surtout sur la deuxième partie du livre qui semble plus assise - avec des termes adorablement  désuets tels "savoureux" (adjectif dont il use souvent) et "escarbille" ou "stuporeux". Ou autant de phénomènes naturels à hauteur de celui des Sparks : "des rivières en crue", "des maelströms tempétueux", "des tsunamis rafraîchissants". D’accord mais alors…

 

Vous la voyez arriver la contrepartie du sympathique lexique français d’antan et des bacs de rondelles poussiéreuses ? La grande problématique est là : le style de ce livre dans son entièreté est un vrai obstacle de (confort de) lecture, voir un p’tit calvaire. Mr Dauge fait pétarader les infos autant que les tournures poussives et souvent lourdement métaphoriques. Doit-on vraiment dans le cas des élégantissimes Sparks "jouer du fer à souder" pour parler de leurs parties de guitares ? Loin d'être une manière idoine d’en parler, la forme frise presque l’irrespect comparé à la tâche aussi belle (et fastidieuse) de dépeindre ce groupe rare.

 

On ne rénove pas les monuments protégés à coup de burin. On ne se délecte pas du ravissement sparksien en sortant des formules simplistes telles "le chant est sympa" et "la batterie épatante" (p98). La résultante est que l'on se retrouve face à un livre verbeux et maladroit. Et ça ne s'arrête pas là. Oui, en quelques pages tournées, on arrive à la canopée du mauvais goût avec des allusions sexuelles insupportables. La génération des mecs retraités des Repair Café (ou autre assos façons boys club, bien installées depuis des décennies dans leur exclusion féminine) crieront ici au wokisme de ma part, qu’ils le fassent, ça leur donnera un coup de courant d’air du temps présent. Jetons un coup d’œil à ces formules qui donnent envie de chiffonner les pages pour faire démarrer le feu de cheminée des fêtes de fin d’année...

 

Mr Dauge a tellement d’inédits dans la manche que le manche de guitare souffrira régulièrement de comparaisons chibr-ales et nous de volées triviales: "partitions priapiques" (p38), "une éjaculation quasi militaire" et "une mandoline accouplée" (p58), "la batterie joue hot" (p59). Et puisque Sparks se garde bien d’afficher un quelconque machisme à tout bout de chant, Thierry D. s’inquiète: "et puis pourquoi Russel s’évertue-t-il à scander qu’il aime les filles ? Le soupçonnerait on de préférer les garçons?" Aujourd’hui on peut être un homme et en aimer un autre sans éveiller de la méfiance ou j’ai perdu le fil ? (Enfin bon les collabos tout ça quoi, pouet pouet). Faut aussi dire que sur Whomp That Sucker: "(…) l’engouement fait défaut. Pour aboutir la chanson nécessiterait un bolus de viagra." Et nous un bonus d’aspirine dès l’entame du bouquin.

 

Le reste est davantage un document dans lequel piocher qu’une oeuvre à part entière à lire de bout en bout (tout masochisme bu). On ne pourra pas dire non plus que Mr Dauge est complètement à côté de la plaque puisqu’il reconnait à raison à propos de Kimono My House (p38) "(…) pour ne pas faire comme tout le monde la beauté des couplets l’emporte sur celle des refrains, aboutissant à une sculpture cristalline rarement égalée dans le milieu si masculin du rock". Alors pourquoi autant se réjouir de la distance prise par les Sparks vis à vis du rock testostéroné tout en lâchant des bouses nazes tout au long de l’ouvrage, avec des adjectifs de la bande à Dudule ou à Philippe Manœuvre ?

 

Quelle labeur de parcourir ces deux cents pages. Un élagage à base de phrases bas du front n’aurait pourtant pas fait tant diminuer l’épaisseur du livre. Dommage finalement que Mr Dauge nous fasse un peu trop part de réflexions dont on se serait passées, comme dans une conversation lourdingue dont on ne parviendrait pas à s’extraire. La motivation du livre réside supposément dans une volonté d’exposer la palette musicale si étendue et invariablement extensible des possibles sparksiens. Et ici Thierry a tout à fait le boulot. Un livre avec du fond mais dénué de style pour un groupe qui l’incarne pourtant à lui seul.

 

Sparks, "When I'm With You" - En compagnie des frères Mael, Thierry Dauge, 220 pages, Editions du Layeur


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Commentaires
Thierry, le 30/11/2023 à 23:01
Merci pour cette belle chronique qui permet d'écrire : vous l'avez lu. Rédiger un ouvrage sans se répéter demande des synonymes et métaphores... Et puis, les paroles de Ron Mael méritaient bien qu'on expose son œuvre autrement qu'avec des arguments "bas du front". Merci encore, cher lecteur et chroniqueur, car avant tout, justement, tout sauf l'indifférence.