Warpaint

L'épreuve de l'album après un EP, ce n'est pas toujours facile. Plus de titres, plus de risques, et une crédibilité à tenir. Et c'est encore plus difficile lorsque certaines critiques ont dansé autour de notre EP en allument de grands feux de joie. En effet, sorties de nul part, les jolies filles de Warpaint avaient totalement réussi leur coup avec leur premier EP, Exquisite Corpse, mélange sombre de shoegaze sensuel et de voix susurrées. Une vraie bonne surprise, tombée du ciel, avec des titres tous aussi mémorables les uns que les autres. De quoi mettre l'eau à la bouche et attendre l'album avec une certaine fébrilité.

Sur Fool, les Warpaint reprennent la même recette ; on ne change pas une équipe qui gagne, n'est-ce pas ? Enfin ça, c'est à l'unique condition qu'on est certain de pouvoir tenir la route sur une plus grande distance. La même recette, donc : rock psyché et délicat, chœur de voix enchanteresses et ambiance en forme de trip dépressif. Cela marche plutôt bien, car les quatre musiciennes parviennent à produire de jolis titres comme le single "Undertow" ou "Warpaint". Mais, et une seule écoute de l'album suffit à nous le fait sentir, et c'est d'abord un pressentiment, une impression qui se propage doucement : il y a quelque chose qui cloche, une corde sensible qui n'a pas vraiment vibré en nous. Paniqué, on cherche, on fouille l'album à la recherche de la faille. On ne la trouvera pas. Les titres sont calibrés, astiqués, reluisants, parfaits, de la puissance sombre de "Bees" aux envolées désenchantées de "Lissie's Heart Murmur", tout est d'excellente facture. Un peu trop peut-être. Impossible de retrouver l'énergie violente et touchante du premier EP, impossible de se remettre une claque comme celle que "Elephants" nous avait mise. L'ensemble est maîtrisé, mais sans force, comme si tout était gagné d'avance.

Certes, on pourra penser que cette critique de Fool est un peu trop pessimiste, car l'album est bon. Oui, l'album est bon, vraiment bon, mais après Exquisite Corpse, on ne peut rester que légèrement déçu, cherchant désespérément de l'oreille le petit mystère, subtil et délicieux, qui nous avait fait adorer Warpaint. Et puis on abandonne et on se contente des neuf agréables pistes de cet album, parce que Fool reste tout de même largement au-dessus d'une grande partie de la production actuelle. Et, finalement, garde encore un gros potentiel enfoui : si celui-ci se libère un jour de nouveau comme il s'est libéré sur Exquisite Corpse, on risque bien de revoir des feux de joie brûler.