VOLA
Friend of a Phantom
Produit par Asger Mygind
1- Cannibal (feat. Anders Fridén) / 2- Break My Lying Tongue / 3- We Will Not Disband / 4- Glass Mannequin / 5- Bleed Out / 6- Paper Wolf / 7- I Don't Know How We Got Here / 8- Hollow Kid / 9- Tray
Avec Friend of a Phantom, les Danois de Vola nous offrent un quatrième album studio succédant au remarquable Witness qui avait brillamment consolidé leur identité musicale. Entre un metal djent incisif, des nappes de synthétiseurs éthérés et une voix claire d’une finesse rare, le groupe avait jusqu’ici su trouver un équilibre captivant entre puissance brute et sophistication mélodique. Mais avec cet opus, les premiers signes de fissures apparaissent dans cette formule pourtant si bien rodée.
Le retour de vocaux hurlés* se révèle une prise de risque qui divise. C’est sur "Cannibal", morceau d’ouverture marqué par la participation d’Anders Fridén d’In Flames, que cette évolution s’exprime avec le plus de force. La puissance et l’agressivité déployées y sont indéniables, et les amateurs de metal extrême y trouveront sans doute leur compte. Cependant, cette orientation tranche étrangement avec les tonalités raffinées et planantes qui faisaient jusqu’alors le charme unique de Vola. La voix de Fridén, tout en rage et en intensité, tend à éclipser la clarté vocale d’Asger Mygind, créant un contraste qui semble plus forcé qu’harmonieux.
Parmi les morceaux les plus convaincants de l’album, "Glass Mannequin" et "We Will Not Disband" se détachent nettement. Le premier, tout en retenue et en subtilité, rappelle les plus belles balades de Vola avec ses arrangements électroniques enveloppants et ses transitions délicatement menées. Les refrains sont d’une élégance mélodique rare, portés par une interprétation vocale impeccable. Quant à "We Will Not Disband", il propose une énergie électrisante, à la fois dans son riff principal, accrocheur sans être redondant, et dans ses crescendos qui débordent d’émotion contenue.
En revanche, d’autres titres souffrent d’une exécution moins inspirée. "Break My Lying Tongue", malgré ses ambitions manifestes, donne l’impression de ne jamais atteindre sa vraie résolution. Les segments instrumentaux, bien que techniquement impeccables, manquent d’âme et laissent une impression de froideur. De même, "Paper Wolf" ne parvient pas à capitaliser sur ses belles promesses initiales, faute d’un refrain suffisamment marquant - ou à tout le moins “singulier” - ou d’une progression musicale convaincante.
L’ajout des vocaux hurlés ne se limite pas à "Cannibal". "Bleed Out" en fait également usage, mais de manière plus sporadique (NB la conclusion de “Break My Lying Tongue” également : wtf ?). Si le contraste entre ces vocaux et les parties chantées pourrait théoriquement enrichir la palette sonore du groupe, l’effet obtenu est plus souvent dissonant qu’intégrant. Cette démarche pourrait être interprétée comme une volonté d’élargir leur audience ou de s’aligner sur une tendance plus dure, mais elle se fait au détriment de l’identité unique qui faisait leur force. Exemple typique avec “Hollow Kid” qui ose des progressions d’accord inquiétantes initialement mitigées par la voix claire presque peureuse de Mysgind : dès lors, pourquoi gueuler comme un putois en milieu de piste et faire voler en éclats une atmosphère réussie à l’équilibre aussi précaire ?
Heureusement, tout n’est pas perdu. "I Don’t Know How We Got Here" est une réussite indéniable. Avec ses nappes de synthés oniriques et sa ligne vocale empreinte de fragilité, ce morceau parvient à toucher une corde sensible, rappelant ce que Vola sait faire de mieux : créer des paysages sonores d’une beauté envoûtante. "Tray", pour sa part, offre une conclusion introspective, mettant en avant des paroles réfléchies et une instrumentation réduite à l’essentiel.
Côté production, comme d’habitude, le son de l’album est impeccable. Chaque note, chaque battement de grosse caisse et chaque nuance synthétique sont rendus avec une précision remarquable. Mais cette perfection technique ne suffit pas à masquer le manque de direction artistique global. On a l’impression que Friend of a Phantom oscille entre plusieurs identités musicales sans jamais parvenir à les fusionner de manière cohérente. Ce disque représente un tournant délicat pour Vola. Si certains titres brillent encore de l’éclat qui a fait la réputation du groupe, la réintroduction des vocaux hurlés et le manque de cohésion artistique affaiblissent l’impact global de l’album. Cet essai mitigé rappelle que l’évolution musicale est un exercice risqué, et il reste à espérer que Vola parvienne à retrouver l’équilibre qui faisait leur singularité dans leurs prochaines productions. On croise les doigts pour que la critique soit entendue…
À écouter : "Glass Manqequin", "We Will Not Disband", et aussi "Paperwolf" quand même
* : pour être tout à fait précis, on retrouve quelques hurlements dans le tout premier album de Vola, très exactement sur “Starburn” et “Your Mind is a Helpless Dreamer”. Il y en a peu, et Vola a ensuite tourné le dos à cette couleur sur les deux disques suivants.