Sinoptik
The Calling
Produit par Dmitriy Afanasiev
1- Le Menteur / 2- Granny Greta / 3- Young and High / 4- Inception / 5- Apple Tree / 6- Black Soul Man / 7- Sell God's Number / 8- Absolution / 9- The Call
Même s’il nous est impossible - à l’échelle de notre webzine - de couvrir l’ensemble de l’actualité rock, il est souvent bénéfique de revenir un peu sur nos pas, à la recherche de pépites qui auraient pu passer à travers les mailles notre filet ; et ceci d’autant plus quand la trouvaille est du niveau de Sinoptik ! Il faut dire que le quatrième album du trio ukrainien - sorti en 2021 - a sans doute manqué de visibilité au sein d’une scène new prog en pleine effervescence. Et pourtant, celui-ci aurait clairement pu se trouver parmi les traditionnels classements annuels de la rédaction.
Bien entendu, nous aurions préféré vous parler de cette formation ukrainienne dans d’autres circonstances… Mais si cette chronique peut amener une once de réconfort - la plus infime soit-elle - aux principaux intéressés, alors l’objectif sera doublement atteint pour nous. Car en plus de promouvoir le rock ukrainien à travers l’Europe, Sinoptik est un groupe qui a su garder le cap et maintenir son activité malgré les différentes épreuves qu’il a eu à traverser : de la guerre du Donbass (2014) - voyant le groupe quitter Donetsk pour Kiev - jusqu’à la pandémie de Coronavirus. Aujourd’hui, l’horreur est de retour et rien ne sera plus jamais comme avant. Dispersés depuis le début du conflit, les membres du groupe tentent d’agir comme ils le peuvent face à la situation : en récoltant un maximum de fonds pour les réfugiés (en particulier pour les enfants de l’internat de Korostyshiv) ; ou encore en essayant tant bien que mal de garder le contact sur les réseaux sociaux. Il y a quelques jours déjà, les trois hommes s’adonnaient à une reprise à cappella en visioconférence de "Sell God’s Number", un morceau fort issu de leur récent album (The Calling), dont les paroles prennent encore plus de sens face au conflit qui sévit : "Who’s the hero? What for this fight? Don't you know it will be heavy". Bien entendu, l’album ne se résume pas à ce seul titre, aussi percutant et fédérateur soit-il.
The Calling est en effet un disque particulièrement solide, en mesure de susciter une adhésion rapide tout en gagnant en intérêt au fil des écoutes grâce à un très bon niveau de composition et une production de qualité (et ceci malgré un côté DIY que le groupe met régulièrement en avant). Les influences prônées par le groupe sont larges - de Black Sabbath à Pink Floyd en passant par Jimi Hendrix - et se retrouvent intelligemment distillées dans des compositions qui naviguent entre prog, stoner, pop et rock psychédélique.
L’album débute sur un morceau plutôt classique dans son approche ("Le Menteur") : une structure rock conventionnelle avec des guitares nerveuses et une mélodie qui reste immédiatement en tête. Sans crier gare, le groupe sort des sentiers battus pour nous emmener sur des rivages plus aventureux, tout en faisant part d’une grâce insoupçonnée à l’image du magnifique "The Call" qui rappelle par moment l’élégance d’une formation comme Gazpacho.
Lors de l’écoute, une petite sensation de déjà vu peut s’installer (l’air pop de "Young and High", ou encore les sonorités 90’s de "Black Soul Man"), et quelques correspondances plus ou moins limpides peuvent venir à l’esprit : de U2 jusqu’à The Smashing Pumpkins en passant par Soundgarden et Radiohead. Pour autant, le groupe se montre particulièrement convaincant dans ce qu’il entreprend, et on profite de l’album pour ce qu’il est ; à savoir un très bon disque de rock qui ne présente aucun faux pas, ni aucune baisse de régime.
La performance de cet opus réside finalement dans sa variété et son excellente gestion du rythme. On appréciera également quelques compositions nettement plus progressives qui apportent une profondeur d’écoute supplémentaire à la musique de Sinoptik sans pour autant se montrer trop envahissantes. A ce titre, un morceau comme "Apple Tree" avec son dénouement complètement fou et déstructuré se pose incontestablement comme une des réussites les plus savoureuses de l’album.
La scène ukrainienne dispose de sérieux arguments à faire valoir sur la scène internationale, et Sinoptik se positionne plus que jamais comme un représentant de choix. Avec ce quatrième album, le trio parvient à tirer le meilleur de ses différentes influences sans pour autant renier ce qui le caractérise. En résulte un très bon album qui saura aisément convaincre les amateurs de rock à tendance progressive. Il est encore trop tôt pour parler de projets d’avenir en ces temps obscurs, mais on espère vivement que le groupe saura une nouvelle fois se relever et traverser ce terrible obstacle.
A écouter : "Le Menteur", "Apple Tree", "Sell God's Number", "The Call"