She & Him
Volume One
Produit par M. Ward
1- Sentimental Heart / 2- Why Do You Let Me Stay Here? / 3- This Is Not a Test / 4- Change Is Hard / 5- I Thought I Saw Your Face Today / 6- Take It Back / 7- I Was Made for You / 8- You Really Got a Hold on Me / 9- Black Hole / 10- Got Me / 11- I Should Have Known Better / 12- Sweet Darlin / 13- Swing Low, Sweet Chariot
She & Him, elle et lui, c’est avant tout l’histoire d’une rencontre. Elle, c’est Zooey Deschanel, pétulante actrice californienne aux yeux azurs et au ravissant minois qui a fait chavirer les mâles dans de nombreuses comédies romantiques comme The Good Girl ou l’excellent (500) Days Of Summer qui la voit briser le coeur d’un Joseph Gordon-Levitt alors tout jeunôt. Lui, c’est M. Ward, l’une des figures emblématiques du revival folk-country des années 2000 sur son versant le plus trad, biberonné pendant l’enfance à Johnny Cash et devenu au fil du temps expert en collaborations transversales en tous genres auprès de Cat Power, My Morning Jacket, Neko Case, The Court & Spark et surtout Bright Eyes (lui et Connor Oberst ont d’ailleurs été jusqu’à monter le supergroupe folk ultime en 2009, Monsters of Folk). Rien ne les prédestinait à travailler ensemble, et pourtant. C’est sur le tournage de The Go-Getter, en 2006, qu’elle et lui se rencontrent. Elle y tient le rôle principal, lui compose la musique du film, et tous deux y interprètent un duo pour clore le générique, une reprise d’un morceau de Richard et Linda Thompson, "When I Get to the Border”. Conquis par la voix de Zooey et ayant appris que la demoiselle composait des chansons en secret depuis sa plus tendre enfance, il n’en faut pas plus pour que M lui propose une collaboration : elle apporte ses morceaux et les interprète, lui les arrange à sa sauce. C’était pour la petite histoire, et ça fait bientôt dix ans que ça dure.
N’empêche que She & Him, de par cette rencontre entre deux univers tout de même assez différents, mérite un beau petit détour. Univers différent, car si M. Ward s’exprime plutôt, on l’a vu plus haut, dans la folk et la country, Zooey Deschanel affectionne particulièrement la pop 50’s - 60’s, la sunshine à la Mamas and the Papas, la surf des The Beach Boys, toutes ces mélodies fleurant bon l’astre du jour, les embruns, le sable chaud et la crème bronzante, celles que l’on écoute en se baladant en robe à fleur flottant au vent, coiffée d’un grand chapeau et de gigantesques lunettes de soleil - ou en chemise / short, tongs de rigueur si vous voulez rester un peu plus viril. La fusion de ces genres offre donc une musique tout à la fois rétro et moderne, un peu comme si vous accompagniez Don Draper dans ses voyages californiens tout en visualisant la série Mad Men en Blu Ray sur un écran HD. D’autant que ce qui relie également Zooey et M, c’est leur amour pour les anciennes productions avant-gardistes de George Martin, Phil Spector ou encore Ralph Peer. Ambiance vintage, traitement contemporain, tout le défi de She & Him est là, et il a été brillamment relevé.
She’s got a beautiful voice. Zooey Deschanel, avec sa voix tout à la fois chaude et piquante, chante magnifiquement et nous transporte dans un voyage temporel plein de douceur, de fièvre sentimentale et de nostalgie, ce d’autant qu’elle fait un usage immodéré de choeurs béats et extatiques. On pense à de belles réussites enjouées comme “Why Do You Let Me Stay Here ?”, ses polyphonies coquines, son piano guilleret, ses beaux soli de guitares, ou “This Is Not A Test” avec un traitement plus folk mais non moins altier à la guitare sèche, auquel fait écho, plus discrètement, le joli “Black Hole” qui joue parfaitement d’une alliance voix solaire - guitare tristoune. Un peu plus loin, on retrouve des doo-wop californien en diable (“I Was Made For You”, “Sweet Darlin’”), tout aussi réussis l’un que l’autre. Mais Zooey excelle tout à la fois dans les balades fleur bleues, et ce Volume 1 en regorge. Avec en premier lieu “Sentimental Heart” agrémenté d’un piano à peine effleuré et de petits coups de violon, ou encore “Change Is Hard” et ses slides langoureuses. Même si on change objectivement beaucoup d’ambiances au cours du disque, le tour de force des deux acolytes est de synthétiser toutes les tendances qu’ils abordent de façon à les marier sans contrainte, réalisant au final un recueil on ne peut plus cohérent. La tirade piano et orchestre (“I Thought I Saw Your Face Today”) débouche sur une country placide et délicate (“Change Is Hard”) ou sur une complainte égrenée dans un bar guindé (“Take It Back”) avant de basculer sur une folk évanescente on ne peut plus rustique, premier vrai duo des deux associés (“You Really Got A Hold On Me”, exquis de délicatesse). Country encore pour finir le disque : ultra-classique, avec banjo, piano et slide paresseuse sur “Got Me”, plus mutine et malicieuse mais non moins oisive sur le deuxième duo de la partie, “I Should Have Known Better”. À signaler en piste cachée la reprise low fi du negro spiritual “Swing Low, Sweet Chariot”, pas forcément inoubliable dans cette version.
Volume One demeure à ce jour le disque le plus réussi du duo Deschanel - Ward, même si aucun de leurs autres albums n’est à jeter. Il a surtout permis à She & Him de s’installer dans son propre créneau et de s’imposer tranquillement dans le paysage de la pop moderne, preuve du caractère protéiforme de la folk et de sa facilité à se lier aux courants musicaux les plus divers. Comme quoi, les 60’s californiennes ont encore de longues années devant elles.