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Critique d'album

Queens of the Stone Age


Rated R


(06/06/2000 - Interscope - Stoner rock - Genre : Rock)
Produit par Chris Goss, Josh Homme

1- Feel Good Hit of the Summer / 2- The Lost Art of Keeping a Secret / 3- Leg of Lamb / 4- Auto Pilot / 5- Better Living Through Chemistry / 6- Monsters in the Parasol / 7- Quick and to the Pointless / 8- In the Fade / 9- Tension Head / 10- Lightning Song / 11- I Think I Lost My Headache
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le second album des infenaux QOTSA : aussi déjanté que magistral"
Maxime, le 01/08/2006
( mots)

L’auditeur tient entre les mains l’un des plus purs manifestes rock dédiés à la défonce. Ni plus ni moins. Pas de paroles à double sens, pas de message subliminal à décoder en passant les morceaux à l’envers, pas de métaphores subtiles. Tout y est on ne peux plus explicite. Rated R. Autrement dit, interdit aux moins de 17 ans outre-atlantique, label que l’on attribue lorsqu’un film aborde trop crûment les questions de sexe et de violence. Le canal auditif, et le cerveau qu’il relie, devient un champ d’expérimentations où les saillies binaires s’y impriment à vif. Et cette galette forme le divin sésame pour ces réjouissances narcotico-sonores. Il y a de la cocaïne dans ces riffs hachés qui butent sur une rythmique raide, de la marijuana dans ces volutes de guitares épaisses, beaucoup de substances hallucinogènes dans ces envolées crépusculaires zébrées de sons assassins. Et bien sûr de l’alcool et de la nicotine offerts à volonté au buffet ; du sexe, inévitablement, même si l’on ne se souvient plus ni comment ni avec qui. Rated R invite donc à considérer chacune de ses plages comme autant d’illustrations d’un état particulier provoqué par telle ou telle substance illicite. Le livret, qui détaille titre par titre les effets psychiques engendrés par les différents morceaux va dans ce sens. À une échelle plus large, c’est toute la discographie des QOTSA qui peut se lire comme une dynamique de la prise de drogue : le premier album serait celui de l’absorption (les riffs répétitifs et robotiques évoquant la mastication des champignons, toutes les opérations allant de l’ingurgitation à la digestion impliquant une activité sans cesse renouvelée du corps), Rated R l’euphorie (les effets de la drogue entraînent des crises d’hilarité ou de colère incontrôlées), Songs for the Deaf l’hallucination à proprement parler (le trip s’installe et on est susceptible à tout moment de basculer du good au bad) et Lullabies to Paralyse la glauque descente.

Rated R est donc l’album où la drogue fait effet de façon la plus aigue, comme une soudaine bouffée de chaleur qui envahit tout. Ce disque est ainsi placé sous le signe de l’éclatement. Là où le premier LP disposait d’un trio aux tâches strictement assignées (Homme à la guitare et au chant, Oliveri à la basse, Hernandez à la batterie), ce second enregistrement dispose d’un line-up différent à chaque morceau. Derrière les pontes de la formation, une pléiade d’invités se bouscule. Il serait trop fastidieux de tous les détailler. On y croise des amis (Dave Catching des Desert Sessions et de Earthlings ?) et des connaissances occasionnelles (Rob Halford de Judas Priest ou Pete Stahl du mythique groupe de Stoner-Doom Goatsnake). Dave Grohl devait participer à ce disque, mais des problèmes de planning avec les Foo Fighters repousseront sa collaboration à Songs for the Deaf. On tremble à l’idée du résultat qu’une telle association aurait engendré. Gageons que lors des sessions d’enregistrement de l’album (qui se déroulèrent de décembre 1999 à Février 2000 au studio de Sound City), une atmosphère semblable à celle des jams homériques des Desert Sessions a régné dans les lieux. En conséquence, le disque donne l’impression de s’éparpiller dans tous les sens. Les titres se recouvrent, s’enchaînent brutalement (le riff final de "The Lost Art of Keeling a Secret" n’a pas le temps de s’achever que le mutin "Leg of Lam" lui emboîte soudainement le pas), les atmosphères dégagées par les titres passent du coq à l’âne. Album déconcertant, là où Queens of the Stone Age tissait le même fil rouge, Rated R se fait celui de l’humeur fugace et changeante. On y chevauche à bride abattue sans itinéraire pré-établi.

La plupart des disques ventant les effets des produits narcotiques ont souvent pris l’allure de concept-albums fumeux, de titres à rallonge et indigestes, d’expérimentations hasardeuses. Il n’en est rien ici, car le mérite du grand Homme est de tout condenser sous un cadre pop, au sens noble du terme. Il en résulte la plus belle collection de mélodies que le groupe ait présenté à ce jour. Et cette réussite, le géant rouquin la doit en partie à son mentor de toujours, Chris Goss, venu s’atteler avec lui à la production de la galette. Et là où 10 ans plus tôt, Goss aidait son premier groupe à forger sa force sonique légendaire, le miracle se reproduit avec sa nouvelle formation. Goss bâtit le marche-pied qui fera passer le combo d’Homme vers une nouvelle dimension. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les deux versions de "Monsters in the Parasol" (la première mouture datant des Desert Sessions). Le titre conserve la même structure mais le son se fait ici plus incisif et tranchant. On est littéralement plaqué au mur, coincé dans la paranoïa hallucinatoire déclamée par Homme d’un ton déphasé. On y sent presque les mandragores grouiller sur nos bras.

Rated R est le Las Vegas Parano du rock contemporain. On roule dans le désert à toute allure sous une nuée de chauves-souris, le coffre rempli de produits prohibés, on y rencontre des hommes-reptiles dans un bar de Las Vegas, dans un hôtel humide, on enjambe des crocodiles en chaussures de golf. Le cap est fixé par la mélopée hirsute qui fait office de titre liminaire : "Nicotine, Valium, Vicadin, Marijuana, Extasy, Alcohol, co-co-co-co-cocaine" (clin d’œil au titre "My Generation" des Who que Daltrey, en plein délire cocaïnomane, déclamait en grinçant des dents). Derrière cette entrée en matière bourrue, la Lap Steel lancinante de Catching nous plonge au cœur d’un délire dionysiaque sans possibilité d’en réchapper indemne. Toujours, l’éclatante armature pop nous fait miroiter les étoiles tandis que nos santiags piétinent les déjections de coyotes : "The Lost Art of Keeling Secret" et son piano taquin qui vient nous titiller les oreilles comme on mordille les tétons d’une belle créature éméchée, un "Leg of Lamb" tendu avec ses guitares au cordeau. Sous un ciel nocturne, l’ange noir Lanegan survient pour nous gratifier d’un sublime "In The Fade". Son timbre rauque allié aux guitares élégiaques d’Homme viennent psalmodier autour des stèles d’une rock en manque d'âme.

Nick Oliveri n’est pas en reste et vient fourbir ce qui constituera sa meilleure collaboration à la nébuleuse QOTSA : lors d’un "Quick and to the Pointless" sec comme un brutal coup de rein, le vil diablotin vient y beugler avec entrain ses amours illicites, plongeant dans les jams de son groupe Mondo Generator il en ressort un "13th Floor" qu’il rebaptise "Tension Head" et envoie valser le mobilier au son d’un punk imprévisible, sous sédatif lors d’un "Autopilot" vaseux comme un lendemain de cuite, il voit tanguer l’horizon. Il faudrait y rajouter l'explosif "Ode to Clarissa" disponible sur l'édition vinyle de l'album. Enfin, deux titres, les plus psychédéliques de l’ensemble, viennent tracer les lignes d’un futur discographique où les riffs calorifères côtoieront une tension sourde : un "Better Living Through Chemistry" dantesque (réplique tirée du film culte Toxic Avenger des studios Trauma qui devient pour Homme la profession de foi d’un hédonisme de bon aloi) qui tourne vite à la jam enfumée et un "I Think I Lost My Headache" poisseux et tourmentant, au riff de facture Kyuss, qui s’imbibe dans le cortex comme un trip au LSD qui ne veut jamais se finir, les guitares lourdes passant progressivement le relais à des trompettes en roue libre.

Viennent ainsi de s’achever 46 minutes d’un rock puissant et subtil totalement indéfinissable qui vient hanter longtemps après qu’on ai replacé le disque dans son boîtier. Si Rated R est si fantastique, c’est finalement moins parce qu’il fait l’éloge absolu d’un mode de vie difficilement recommandable à un chrétien pratiquant que parce qu’il trace les contours d’un nouvel eden du binaire où la science musicale y croise la plus totale lubricité. Restricted, certes, mais comme toute bonne chose, à tout le monde, partout et tout le temps. Inutile d’ingurgiter des tonnes de pilules de toutes les couleurs pour apprécier pleinement les vertus de ce disque, il constitue à lui seul un puissant psychotrope. À s’injecter les yeux fermés et à pleines veines.

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