Os Mutantes
Tudo Foi Feito Pelo Sol
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1- Deixe Entrar Um Pouco D'água No Quintal / 2- Pitágoras / 3- Desanuviar / 4- Eu Só Penso Em Te Ajudar / 5- Cidadão da Terra / 6- O Contrário De Nada é Nada / 7- Tudo Foi Feito Pelo Sol / 8- Cavaleiros Negros / 9- Tudo Bem / 10- Balada Do Amigo
Vous le savez, la rédaction d’Albumrock ne recule devant aucune invitation à s’ouvrir au monde, devant aucun exotisme, au contraire même : elle a érigé en vertu le fait de s’extraire du seul espace anglophone dominant le rock depuis ses origines. Cet effort devient de plus en plus évident à mesure que ce genre musical se diffuse, que les technologies deviennent accessibles et que les régimes politiques accordent une plus grande liberté à la création esthétique. Mais dès les années 1960 et 1970, le rock connaissait déjà un rayonnement non négligeable au-delà du Royaume-Uni et des États-Unis, et même au-delà de l’Europe.
L’Amérique latine par exemple, fut très tôt une terre fertile pour le genre, bien qu’encore méconnue de notre côté de l’Atlantique. Nous avons déjà effectué quelques trop rares voyages en Argentine et au Mexique, les deux pays les plus productifs en la matière dans les 70s, grâce à l’essor de leur propre rock nacional. Alors dirigeons nous au Brésil, grand pays lusophone du sous-continent, puisque l’occasion nous est donnée par un être cher qui, de passage à Rio de Janeiro, s’est rendu chez un disquaire local pour trouver un album de rock progressif brésilien afin de nous l’offrir.
C’est donc ainsi que Tudo Foi Feito pelo Sol est arrivé entre nos mains et que nous vous en livrons le contenu.
Dans l’histoire du rock brésilien, Os Mutantes est une véritable figure de proue grâce à son rock psychédélique aux accents pop à cheval entre le mouvement Tropicália et les musiques populaires anglo-saxonnes. Actif depuis le milieu des années 1960, le combo traverse une période de crise à la veille de la sortie de ce sixième album. Pour la grande histoire, la dictature militaire en place depuis 1964 durcit largement ses politiques répressives dans les années 1970, et la moindre de ses exactions est de censurer la production culturelle dont le rock – Os Mutantes en est justement plusieurs fois victime. Pour la petite histoire, le combo essuie plusieurs départs après l’enregistrement d’O A e Z en 1973 (mais publié en 1992), laissant au seul Sérgio Dias la tache de remanier la groupe tel qu’il apparaît sur Tudo Foi Feito pelo Sol. Cet opus marque le tournant du groupe depuis le rock psychédélique vers le rock progressif, tournant symbolisé par le raccourcissement du nom en Mutantes. Pour autant, il reste quelques souvenirs du passé psychédélique, outre la pochette bien entendu : Tudo Foi Feito pelo Sol aurait été enregistré sous LSD en une seule prise, du moins comme le veut la légende – la maîtrise de l’ensemble interroge sur la véracité.
Peut-être est-ce à cause du côté latin, mais le rock progressif d’Os Mutantes ressemble beaucoup à celui des grandes heures du Rock Progressif Italien, comme en témoignent le tendre (et parfois planant voire enrobé de sitar) "Desanuviar" et "Tudo Foi Feito pelo Sol", qui associe certaines mélodies hippies un peu mièvres à un beau travail aux claviers. "Deixe Entrar um Pouco d’Água no Quintal" montre que le groupe est aussi marqué par le hard-rock britannique (Deep Purple), registre qu’on retrouve sur "Cidadão da Terra" (qui passe d’ELP au funk). D’ailleurs, Os Mutantes conserve cette orientation très rock et directe sur plusieurs titres en la mélangeant aux extravagances progressives ("Eu Só Penso em te Ajudar", heavy prog’ et quasi-zappaien) ou en restant seulement rock’n’roll ("O Contrário de Nada É Nada" – le bonus "Tudo Bem" est plus recommandable). Le très bel instrumental jazzy "Pitágoras" se distingue dans cette collection en articulant un dialogue magistral entre la guitare et le piano (la deuxième partie plus acoustique est une réussite).
Bien qu’actif jusqu’en 1978, Os Mutantes n’enregistrera plus d’album jusqu’à sa séparation et ce tournant progressif, qui ne fut pas toujours bien reçu, demeurera seulement documenté par cette unique production, dans l'attente de la parution tardive d’O A e Z. Il n’en reste pas moins un groupe culte malgré son origine brésilienne – paroles de Kurt Cobain et de Flea (si la mienne ne suffisait pas).
À écouter : "Pitágoras", "Desanuviar"