
Lynyrd Skynyrd
Nuthin' Fancy
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1- Saturday Night Special / 2- Cheatin' Woman / 3- Railroad Song / 4- I'm A Country Boy / 5- On The Hunt / 6- Am I Losin' / 7- Made In The Shade / 8- Whiskey Rock-a-Roller


Avec ses deux premiers albums gorgés de tubes, Lynyrd Skynyrd s’était inscrit dans la geste révolutionnaire du rock, celle des groupes qui parviennent à secouer le genre pour impulser de nouvelles dynamiques. Ils étaient acteurs d’une petite révolution dans la grande d’abord, en participant à la vague du hard-rock américain qui comptait bien prendre le relai des groupes anglais – ils étaient la réponse sudiste aux monstres de la côte Est (Aerosmith, Blue Oyster Cult), du Michigan (Alice Cooper, Grand Funk, Kiss, Ted Nugent) et de la Californie (Montrose). Ils avaient surtout mené une grande révolution dans la petite, en ayant saturé le rock sudiste des Allman Brothers, et en lui apportant le goût pour les hymnes emphatiques. À ce titre, ils avaient même suscité une deuxième génération de groupes qui s’apprêtait à émerger en Floride (Blackfoot et Outlaws dès 1975, puis 38 Special et Molly Hatchet, déjà actifs mais sans discographie) ou ailleurs (Hydra en Géorgie, Point Blank au Texas).
Il fallait donc rester à la page face à la concurrence qui commençait à pointer son nez et pour cela, franchir le palier mythique du troisième album alors que le rythme des tournées complexifiait le processus d’écriture et d’enregistrement. Nuthin’ Fancy est typiquement le genre d’album qui s’impose au groupe, une nécessité pour maintenir une carrière à flot, quand bien même celui-ci serait surmobilisé par les concerts et contraint à des modifications internes (avec l’arrivée d’un nouveau batteur, Artimus Pyle, en remplacement de Bob Burns, mal en point).
Lynyrd Skynyrd n’en reste pas moins porté par l’élan créatif à l’origine de sa dynamique initiale : le heavy "Saturday Night Special" a tout du tube qu’il était appelé à devenir, avec une charge introductive remarquable (qui revient plus tard sous forme d’un pont), le suave et flegmatique "Cheatin' Woman" emporte par ses claviers langoureux, et "Railroad Song" revisite la tradition avec classe. Surtout, "On the Hunt" mérite qu’on dirige les projecteurs sur son ambiance nocturne de saloon malfamé – il conviendrait de l’intégrer dans le panthéon du répertoire du groupe, et ce de façon définitive.
En dehors de ce petit bijou, la deuxième face fait cependant office de remplissage et marque une baisse d’inspiration. Nous aurons droit à du rock sudiste des plus classiques ("Whiskey Rock-a-Roller"), du blues-rock groovy à la ZZ Top ("I'm a Country Boy") et du country-rock à la "Midnight Rider" ("Am I Losin'") voire encore plus traditionnel ("Made in the Shade"). Lynyrd Skynyrd s’illustre toujours par son savoir-faire, mais il manque d’enthousiasme innovateur.
Le cap du troisième album est donc brillamment franchi par Lynyrd Skynyrd, alors même qu’il était difficile (si ce n’est impossible) de rivaliser avec ses deux premières production. Les ennuis arriveront avec la tournée promotionnelle de l’opus, le fameux "Torture Tour", ainsi surnommé pour son intensité, pour les mauvaises conditions de son déroulement, pour l’usage excessif de drogue lors de fêtes trop nombreuses, et pour les tensions internes (parfois très violentes) qui entrainent le départ d’Ed King. Mais le groupe s’en relèvera.
À écouter : "Saturday Night Special", "On the Hunt", "Cheatin' Woman", "Railroad Song"