Oasis
(What's The Story) Morning Glory?
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1- Hello / 2- Roll With It / 3- Wonderwall / 4- Don't Look Back In Anger / 5- Hey Now! / 6- [Untitled] / 7- Some Might Say / 8- Cast No Shadow / 9- She's Electric / 10- Morning Glory / 11- [Untitled] / 12- Champagne Supernova
Nous sommes en 2008, et ce qui était vrai il y a 10 ans l’est tout autant aujourd’hui : Oasis restera finalement le groupe de deux albums. Mais quels albums… Tout comme les fans de Joy Division ne cessent d’osciller entre Unknown Pleasures et Closer pour savoir qui doit remporter la première place, de nombreuses joutes verbales opposent les partisans de Definitely Maybe à ceux de (What’s The Story) Morning Glory ? Tous deux comportent autant de tubes, la seule différence réside dans leur objectif. En un single ("Supersonic"), Oasis est devenu une star des clubs, avec leur second ("Shakermaker"), les nouveaux chouchous de la presse musicale, avec leur troisième ("Live Forever") ils affolèrent les charts indépendants, avec leur premier disque ils mirent l’Angleterre à genoux. Frustrée par des Stone Roses incapables de publier un deuxième effort tant attendu, la vieille Albion jette son dévolu sur les jeunes Gallagher qui deviendront dès lors ses plus nobles héros. Leurs mélodies impériales et leurs textes simples deviennent les hymnes de tout un peuple soudé derrière ses ambassadeurs aux sourcils broussailleux. Mais pour Noel Gallagher le boulot était loin d’être terminé. Il restait à annexer définitivement l’Europe et faire plier une fois pour toutes l’Amérique. Definitely Maybe était le ticket d'entrée d’une bande de branleurs déclarant avec autorité "Nous sommes les nouveaux princes de la pop et on vient vous mettre en esclavage, que ça vous plaise ou non". Morning Glory les voit façonner leur tour d’ivoire au sommet de laquelle ils pourront contempler le monde se prosternant à leurs pieds. Choisir son camp revient donc à se demander si l’on préfère Oasis dans la posture de ceux qui mettent un pied dans la porte ou de ceux qui viennent tranquillement installer leur règne.
La genèse de (What’s The Story) Morning Glory ? remonte à un rendez-vous raté avec les Etats-Unis. Encore enivré par son ascension fulgurante dans son Angleterre natale et par les foules japonaises qui se mirent à manger dans sa main sans sourciller, Oasis est persuadé qu’il entrerait au pays de l’Oncle Sam comme dans du beurre. Mais l’Amérique se fera prier. Outre-Atlantique, on ne goûte pas vraiment aux fanfaronnades des Gallagher. Dès leur arrivée sur le territoire, on demande à ces morveux de bien vouloir expliquer en vertu de quel talent ils prétendaient fossoyer le grunge et à quoi tout ce rock’n’roll poussiéreux pouvait bien rimer. Refroidi par cet accueil alors qu’il pensait être fêté à coup de disques de platine, le quintet fait grise mine. Bientôt leur orgueil meurtri se change en colère, les débordements physiques et verbaux se multiplient. Le tout culmine lors d’un concert au mythique Whiskey A Go-Go qui devait pourtant constituer la vitrine idéale pour les promouvoir. Maussade, Oasis lance un set bordélique, Liam insulte le public avant d’en venir aux mains avec son aîné, lequel quitte bientôt la scène en plein "I Am The Walrus". Lassé par les excès de son frangin mettant en péril une conquête qu’il avait patiemment planifiée, Noel laisse Oasis en plan, ramasse fric et cocaïne et quitte Los Angeles sans donner de nouvelles. L’homme ne reste pourtant pas dans l’inaction : "J’étais peut-être complètement démoli, mais ça n’allait pas m’empêcher d’écrire des chansons. Rien n’y arrivera jamais". La plupart des titres de Morning Glory s’ébauchent ainsi, lors d’une courte retraite loin d’un groupe aux bords de l’implosion.
L’aventure Oasis aurait pu s’arrêter là, mais les concerts anglais sont déjà complets plusieurs semaines à l’avance et le single inédit "Whatever" fait une entrée fracassante dans les charts. Le mentor donne à ses troupes une seconde chance, et sort bientôt de son chapeau "Some Might Say", qui leur vaut leur premier numéro un. Il reste pourtant du ménage à faire. Depuis quelques temps déjà, le batteur Tony McCarroll est sur la sellette, jugé pas assez talentueux pour mériter de participer à la confection des chefs d’œuvres du leader. Une nuit, après un concert au Bataclan à Paris, à la suite d’une dispute, Liam lui envoie son poing dans la figure. Ses brimades et l’autorité de Noel feront le reste, McCarroll est définitivement mis sur la touche quelques semaines plus tard. Sur les conseils de son ami Paul Weller, illustre frontman de The Jam et fan de la première heure des Mancuniens, Noel contacte Alan White, frère du batteur de Weller, Steve White. Une rapide audition suffit à l’affaire : l’homme est doué et encaisse bien l’alcool. Il confère une nouvelle dynamique au groupe.
Après une poignée de concerts triomphaux et un ultime passage à Top Of The Pops, le combo prend ses quartiers début mai 1995 pendant cinq semaines au studio Rockfield, basé au Pays de Galles. L’album est quasi-intégralement écrit dans la tête de Noel, seuls les textes se voient finalisés à la dernière minute. L’entourage pousse un soupir de soulagement lorsqu’il consent à abandonner le titre imbitable Flash In The Pan pour le plus alambiqué (What’s The Story) Morning Glory ? En leader maximus, il joue plusieurs fois l’intégralité des compositions à la guitare acoustique pour les introduire au reste de la bande. Bonehead fond en larmes en découvrant "Champagne Supernova". Bien que toujours en proie aux débordements les plus turbulents, les musiciens sont au taquet et bouclent un titre par jour, au rythme de séances de 18 heures entrecoupées de sévères beuveries. "Roll With It", destiné à succéder à "Some Might Say", est mis en boite en une seule prise. Noel sait qu’il dispose de deux purs joyaux ("Wonderwall" et "Don’t Look Back In Anger"), mais se refuse à laisser la voix de son frère honorer les deux. Il devra choisir. Liam se propose alors sur "Wonderwall", qu’il accueille froidement ("Un putain de hip-hop, ton truc"), mais s’exécute avec brio en accouchant du titre en 6 heures. Sur cette lancée, la majeure partie du disque est enregistrée en moins de deux semaines. L’ambiance est à la bonne humeur, mais susceptible de se dégrader à tout moment. Une nuit, Noel découvre que Liam donne une fête improvisée dans les studios. Les choses se passent ensuite comme toujours chez les Gallagher : insultes, baston, mobilier fracassé. "Il y avait la moitié de Monmouth là-dedans. Tout le monde était complètement défoncé. Je ne connaissais aucun de ces gens qui cavalaient à travers le studio. Il y en avait même qui jouaient de mes guitares, des trucs à cent cinquante mille balles. Ça n’allait pas du tout (…) Un mec s’est alors approché de moi et m’a demandé si je pouvais lui appeler un taxi. Trop, c’était trop, et me voilà parti dans une bagarre avec cet abruti de Liam. Je l’ai cogné avec une batte de cricket (…) Putain, on était en train en faire un grand disque et, d’un seul coup, tout allait complètement de travers !" Liam s’en sort avec un bras cassé, Noel se porte pâle pendant plusieurs jours. Une ultime mise au point a alors lieu, et l’album est enfin masterisé fin juillet aux studios Abbey Road (comment aurait-il pu en être autrement ?).
Tout en conservant la fougue et la morgue des débuts, Morning Glory se veut un disque à la construction plus élaborée que son prédécesseur. Definitely Maybe se constituait, comme 90% des premiers disques de groupes pop anglais, d’une succession de singles plus ou moins potentiels. Morning Glory s’articule davantage comme un ensemble. Il y a clairement des moments pour briller ("Wonderwall", "Don’t Look Back In Anger") et d’autres morceaux qui ne prennent sens que ramenés à la trame principale. "Hello" revendique son rôle d’introduction et n’a aucunement l’envergure d’un single. De même, le mélancolique "Hey Now" (décalque habile des Stone Roses qu’il est grand temps de réévaluer à la hausse), pénalisé par le tracklisting qui le place juste après les deux grands singles de l’album, n’a pour vocation qu’à apporter une respiration avant de relancer la seconde face du disque. Les deux pistes instrumentales sur lesquelles Paul Weller pousse l’harmonica (bribes d’une jam qui deviendra plus tard un morceaux instrumental à part entière sous le titre "The Swamp Song") font la transition entre les différentes parties de l’album, le scindant en deux blocs, soudant les deux derniers morceaux en un fracas final de près de quinze minutes. Embrassant les orchestrations symphoniques à base de cordes et de mellotrons ("Wonderwall", "Cast No Shadow"), dans la lignée de "Whatever", Morning Glory se veut le grand album classique d’Oasis, celui qu’on pourra balancer sur l’auto-radio avec ses potes en virée comme celui qu’on écoutera religieusement dans sa chambre à coucher à la lumière d’une bougie. Il appelle autant l’abandon total du jeune branleur qu’à la dégustation satisfaite du vieux con. Coincé entre insolence et introspection, le disque est décrit par Noel comme étant "pour une moitié une fumette de spliff dans un hamac et pour l’autre moitié une balade dans les rues de Londres avec un cocktail Molotov à la main".
Envoyés en reconnaissance avant la sortie de l’album, les simples "Some Might Say" et "Roll With It" assurent la transition avec l’opus précédent. Le premier est le savant mélange de l’efficacité de T-Rex pervertie par une morgue de Mod dégénéré, la quintessence du son Oasis poussé dans son excellence. Le second est une démonstration a contrario de la science de l’écriture du Gallagher : 2% d’inspiration, 20% de talent, 200% d’attitude. Traité par un autre groupe, "Roll With It" serait un titre terne, basique. Il n’y a que Liam pour transformer cette mobylette en Rolls avec sa superbe voix de gorge, son arrogance illimitée pour pousser chaque phrase un peu plus vers le plafond, toute sa conviction pour imposer les couplets accords après accords dans le cortex de l’auditeur. Mais Noel Gallagher a réservé ses plus grosses bombes pour l’album. Balancés à la suite, "Wonderwall" et "Don’t Look Back In Anger" vont provoquer un véritable cataclysme et catapulter Oasis dans l’immortalité. "Wonderwall" est un petit miracle pop qui ne serait rien sans Liam. Qui d’autre pourrait entonner ce refrain sans queue ni tête aux allures de supplique ("Coz maybe, you gotta be the one that’s saves me/And after all, you’r my wonderwall") avec la conviction suffisante de la petite frappe banlieusarde ? Avec son orchestration renvoyant aux chefs d’œuvres pop des années 60, le titre offre le spectacle de lads en survêtement poser négligemment les pieds sur les canapés d’un salon XVIIème siècle. "Don’t Look Back In Anger" est un formidable coup de bélier qui leur défoncera les portes des stades. Débutant sur les premières notes du "Imagine" de Lennon ("et alors ?" semble maugréer Noel à la cantonade), elle ouvre grand les bras à une mélodie limpide, évidente, souveraine.
En réponse à cet alignement de pépites victorieuses, la face B de Morning Glory se veut plus intimiste et amère. "Cast No Shadow" est une franche accolade, doucement portée par des cordes, donnée à Richard Ashcroft, les Gallagher considérant que le chanteur de The Verve n’a pas le succès qu’il mérite. "She’s Electric" est une petite tranche de comédie britannique, dans l’esprit de "Digsy’s Dinner", pop song pas racoleuse mais incroyablement addictive. Tout ceci prépare le terrain à l’ultime baroud d’honneur. Jumelés par un court intermède, "Morning Glory" et "Champagne Supernova" voient le groupe exploser en fin de parcours. "Morning Glory" s’ouvre sur un décor de jungle urbaine, vrombissement d’hélicoptères, guitare hurlant à la mort. C’est l’instant Molotov, dont les paroles ("j’ai besoin de quelqu’un qui vienne me réveiller, qui sauve mon esprit") peuvent laisser penser qu’il s’agit du "Help" de Noel Gallagher. Avec son cocktail cocaïne/potards à onze, le morceau, sans doute le plus faible de l’album, annonce le futur naufrage de Be Here Now, celui d’un rock bruyant beaucoup plus balourd que des "Some Might Say" ou "Roll With It" concourrant pourtant dans la même catégorie. Mais son refrain est à faire soulever les foules comme un seul homme. "Champagne Supernova" est une apothéose totale, peut-être le seul moment dans la carrière d’Oasis où le groupe brille en excédant le format pop de 4 minutes. Voulu par Noel comme un "Stairway To Heaven" des années 90 ("sans tous les elfes et la merde cosmique"), la chanson est une remarquable montée en puissance. Beaucoup payeraient cher pour s’offrir pareil final. Comme trop rarement dans sa existence, le groupe entremêle les couches de guitares qui, loin d’alourdir le propos, portent au pinacle couplets et refrains se redéployant avec une force nouvelle à chaque passage. Au paroxysme de son talent, Oasis s’enivre dans la stratosphère, poussé par un solo de Paul Weller, tandis que Liam offre le spectacle d’une idole solitaire et inquiète, tournant soudain son visage à l’auditeur pour lui demander "Où étais-tu pendant qu’on s’éclatait ?" Rien n’est jamais aussi beau que lorsqu’une machine bâtie pour le succès fend son armure d'orgueil et laisse apparaître quelques menues fêlures. Sûr de son fait, les Mancuniens refusent de réduire la chanson pour les radios quand vient le moment de la sortir en single. Comme pour "Sad Song" sur Definitely Maybe, le vinyle de Morning Glory est agrémenté d’un titre bonus, la pochade "Bonehead’s Bank Holiday", qui sera pressée sur les éditions japonaises du CD.
La musique d’Oasis se goûte à plusieurs degrés. On peut très bien s’enthousiasmer pour ses tubes roublards et ricaner devant ses grosses ficelles. Noel Gallagher ne triche pas sur la marchandise, c’est un mélange des Who dans leur période Mod, de pop sixties, de glam, de gouaille punk (Liam fournit une traduction britpop très satisfaisante de Johnny Rotten sur la face B "Fade Away") réhaussée par un son pachyderme hérité du rock pour stade des seventies, tout cela tendu vers un point unique, les Beatles. C’est au fond logique : quand on veut devenir numéro un, autant se mesurer au plus grand groupe de tous les temps. Pour l'aîné Gallagher, le rock est mort il y a près de trente ans, et la seule chose qu’un groupe moderne se doive de faire est d’aller s’abreuver à la source inépuisable de ces fondamentaux par aller en resservir les ingrédients bouillants à la jeunesse contemporaine. Il est sûr que le rock critic élitiste a de quoi se tenir les côtes au vu de cette pâte abondante parsemée de gros grumeaux : "Don’t Look Back In Anger" n’est ni plus ni moins que "All The Young Dudes" de Mott The Hoople frotté aux laqueries beatlesiennes, "Morning Glory" est entièrement bâti sur "The One I Love" de R\.E\.M\. Quand ce ne sont pas des clins d’oeils lourdauds qui s’invitent (le refrain de "She’s Electric" est pompé à mort sur celui de "Wonderboy" des Kinks avant de pasticher la fin de "With A Little Help From My Friends" des Beatles, le titre "Don’t Look Back In Anger" est une sorte de réponse au "Look Back In Anger" de David Bowie), ce sont les paroles qui se mettent à citer crânement ses influences quand Noel sèche sur les textes ("Tomorrow Never Knows" et "Sunny Afternoon" sur "Morning Glory", "Wonderwall" renvoie à l’album Wonderwall Music de Beatle George, le gredin allant jusqu’à utiliser des morceaux d’une conversation de Lennon couchée sur bande en vue de la rédaction d’hypothétiques mémoires pour "Don’t Look Back In Anger"), quand ce ne sont pas les clips qui passent pour des remakes déguisés (Liam se fait tronche de John Lennon époque 1970 dans "Champagne Supernova", quasi-pastiche de la vidéo "Ten Storey Love Song" des Stone Roses). Ce petit jeu n’est pas sans danger. Le titre "Step Out" (""Uptight" de Stevie Wonder et "Rosalee" de Thin Lizzy, dans la même chanson !" dixit Noel) est finalement écarté du tracklisting final devant la menace de poursuites judiciaires. En montrant les casseroles de son arrière-cuisine, Noel Gallagher délivre son manifeste esthétique : puisque tout a été fait avant, le seul salut est dans le songwriting et l’attitude, et espérer faire mieux tout en restant le plus simple possible. Surtout le plus simple possible, toujours. Et les peine à jouir de grincer des dents devant le succès tonitruant qui leur sourit, cette catin qui se donne à ces abrutis, ces incultes. Finalement, c'est un groupe aussi réfléchi que Wire qui s'avère le plus à même de saisir intrinsèquement les tenants et aboutissants de cette réussite formidable, comme s’il ne pouvait y avoir que les contraires pour se comprendre le mieux. Le groupe déclarait récemment à Rock & Folk : "Les vieux groupes ne sont pas les ennemis. Ils survivent chez les jeunes, voilà tout. L’exemple typique, c’est Oasis : aucun risque, que du déjà entendu, mais en mieux, 1/3 de T-Rex, 1/3 de Beatles, 1/3 de Who. (…) J’aime quand la pop s’assume en tant qu’entreprise calibrée pour parvenir à un résultat. Oasis mérite son fric".
Dont acte. La presse musicale anglaise verse dans un exercice qu’elle affectionne, démonter aujourd’hui un groupe encensé hier, en publiant des critiques tièdes. Le public lui oppose un retentissant démenti. Tracté par la locomotive "Wonderwall"/"Don't Look Back In Anger", Morning Glory entre directement en première place des charts britanniques, s’écoule à 346 000 exemplaires en une semaine, et n’est qu’à 4000 unités du record absolu détenu par le Bad de Michael Jackson. S’affranchissant de l’héritage blafard du thatchérisme, l’Angleterre découvre avec ces deux tubes interplanétaires la bande-son idéale du blairisme rayonnant, la confiance retrouvée (et illusoire) de la working class dans son mode de vie insulaire, trinquant à cette pop glorieuse. Derrière Oasis, c’est toute une nation d’accros au foot, de baffreurs de fish’n’chips et de buveurs de Lager qui reprend ses droits. Le bastion américain tombe enfin, "Wonderwall" entrant à la huitième place. Aux Etats-Unis, les auditeurs demandent aux stations de radio de repasser ce titre des Beatles qu’ils croient extrait de la compilation Anthology. Sur les dix morceaux de l’album, 6 sont déclinés en singles. A l’heure d’aujourd’hui, entre 20 et 23 millions d’âmes (selon les sources) ont choisi d’améliorer leur quotidien en s’offrant ce recueil de pop songs gouailleuses qui semblent surgir d’un autre temps. (What's The Story) Morning Glory ? est ainsi le troisième album britannique le plus vendu de tous les temps, derrière le Greatest Hits de Queen et le Sgt. Pepper's des Fab Four. Après trois années dans le couloir et deux sous les projecteurs, Oasis obtient les fruits de son labeur en s’installant à la droite des dieux Beatles et devient une véritable institution. 13 ans plus tard, une légion de fans attend toujours vainement qu’il réédite cet exploit.
Cela faisait très longtemps que l’on n’avait pas vu une telle excitation avant la sortie d’un nouvel album d’un groupe de rock. Car si Oasis avait fait son trou dans les charts un peu partout dans le monde grâce à un premier album bien rock au succès retentissant, c’est ce deuxième album qui leur donnera le statut de plus grand groupe de rock du monde, durant quelques mois. Et même si la presse a essayé de leur mettre dans les roues le Great Escape de Blur, rien n’a pu arrêter le rouleau compresseur ...Morning Glory ?. Bien plus varié que Definitely Maybe, Noël Gallagher, seul maître à bord au niveau des compositions, expose ici tout son talent avec une facilité effrayante. Non seulement il truffe dans cet album bon nombre de pépites mais il se permet en plus de rajouter deux ou trois chansons inédites intéressantes à chaque single sorti. Et il y en a eu, des singles. Tout d’abord le très bon "Roll With It" avec ses grosses distorsions et un Liam impérial. Et puis déboule alors le raz de marée "Wonderwall" et tout le monde se met à aimer Oasis, à écouter Oasis à cause de cette chanson fort simple, presque acoustique, aux breaks de batterie beatlesiens et on se remet à rêver : et si les Fab Four avaient enfin trouvé des enfants légitimes ? On n’y a jamais autant cru que cette année 1995. Et ce n’est pas l’introduction au piano de "Don’t Look Back In Anger", qui se calque presque note pour note sur celle d’ "Imagine" qui pourrait donner l’illusion d’un doute. Avec ces trois gros morceaux à digérer, on pensait être rassasié jusqu’au cou mais ce serait faire l’impasse sur la sublime "Cast No Shadow", ballade moins connue que ses deux grandes soeurs mais néanmoins sublime et féerique. “Hello” est la jumelle de “Roll With It” et on ne peut guère trouver mieux pour démarrer un album de cette trempe. On se surprend à siffloter aux matins blêmes "She’s Electric" avec son refrain magique, une gros morceau de gaieté rock bien ficelé. Il ne reste plus qu’à se faire exploser les tympans (surtout en concert) par "Morning Glory", énorme déluge décibélique et de sons divers dispersés un peu partout au milieu des hurlements de guitares, et un Liam qui chante au dessus de toute cette mêlée sonore, sûr de lui. Grosse cerise sur le gâteau, "Champagne Supernova" est absolument exquise, très calme au départ, elle explose en de multiples facettes orgasmiques à l’arrivée avec ce sentiment presque irréel, fantomatique. Cet album est donc pour moi indispensable si on veut bien oublier ses deux talons d’Achille : le peu de chansons présentes (seulement dix, deux plages sont plus des sortes de bruits ou riffs qui servent à lier deux chansons entre elles mais qui serviront aussi à tester l’endurance auditive des spectateurs en début de set) et deux chansons "Hey Now !" et "Some Might Say" qui, loin d’être mauvaises, souffrent de la comparaison avec le très haut niveau du reste de l’album. Quoi qu’il en soit, le temps n’a pas de prise réelle sur ce (What’s The Story) Morning Glory ? qui se réécoute avec délectation encore et toujours.