Múr

Si vous lisez ces quelques lignes, je ne peux que vous féliciter pour avoir franchi le pas et découvrir ce que renferme cette pochette d'album en tout point grotesque. Derrière cette piètre présentation, tout juste bonne à promouvoir les pseudos-miracles d'un shampooing antipelliculaire, se cache le premier effort du quintet islandais : Múr. 

On oublie le festival capillaire et les yeux de chiens battus de ces cinq gamins, tous âgés d'une petite vingtaine d'années, pour vite s'immerger dans la musique avec le premier titre "Eldhaf". Un nuage paisible nous enveloppe au son des notes de guitare introductives de cette première piste aux allures de tremplin lumineux vers la sérénité soulignée par le chant clair de Kári Haraldsson. Les guitares peuvent à présent se mouvoir et laisser libre cours à la puissance chamanique du stoner. Du haut de sa petite dizaine de minutes, "Eldhaf", avec son propos totalement habité, m'a renvoyé à l'excellent album Age of Aquarius des Grecs de Villagers of Ioannina City. Une entrée en matière contemplative et percutante qui ne gagera en aucun cas de la teinte globale de cet opus. Le titre suivant, l'éponyme "Múr", laisse exploser toute la férocité de ses auteurs. Haraldsson apparait complètement métamorphosé, hurlant des growls ravageurs à tout-va, pour révéler une violence que l'on n'aurait pas soupçonnée. La transition avec "Frelsari" est imparable et lancée au son l'un des meilleurs riffs entendus cette année. Il y a du Gojira, voir même du Meshuggah, dans ce son vibrant à s'en décrocher les cervicales. Le niveau de la production rend grâce à la virtuosité du quintet islandais, en pleine maitrise de leur art épousé au son d'une musique décérébrée, mais complètement limpide. Il faudra attendre le dernier quart de l'album pour que Múr révèle définitivement son visage préférentiel au travers du style death-metal progressif. La piste conclusive, "Holskefla", qui soulignera l'irrépressible précision des Islandais bâtisseurs d'un édifice noir à la démesure captivante. La fenêtre progressive que Múr aura ouverte de manière décomplexée sur "Heimsslit" où s'invitent les incantations rythmiques les plus obscures en réponse à l'appel du keytar joué par Haraldsson. Cet instrument, un synthétiseur joué comme une guitare, composante de la signature sonore du quintet que l'on retrouve avec un peu trop d'insistance sur la doublette "Vitrun", "Messa". Deux morceaux en échos à la dimension éclectique de l'album, pour une traversée électronique une nouvelle fois inattendue et parfaitement maitrisée. 

Múr démontre à nouveau la capacité qu'ont les groupes de metal à s'affranchir des barrières stylistiques. Le ciel sombre sera leur seule constante. Pour le reste, le groupe nous pousse à tourner notre regard vers la mer, bordant leur terre islandaise, pour nous faire contempler toutes ses nuances. De la violence du fracas des vagues, au retrait de ces dernières laissant apparaitre l'immensité des falaises, jusqu'à la quiétude d'un regard vers l'horizon ; le quintet nous embarque dans une traversée jouée au son de leur insouciante virtuosité. Une précocité qui appelle, malgré tout, à la retenue pour ne pas tomber dans des conclusions trop hâtives. Il n’empêche que ce premier album dégage une maturité immédiate, qui nous fait dire que l’océan noir, teinté de death-metal progressif, de Múr ne saurait tarder à déferler durablement sur la grande scène Metal. 

A écouter : "Frelsari" ; "Eldhaf" ; "Holskefla"