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Critique d'album

Leprous


Melodies of Atonement


(30/08/2024 - Inside Out - Metal prog norvégien - Genre : Hard / Métal)
Produit par David Castillo, Adam Noble

1- Silently Walking Alone / 2- Atonement / 3- My Specter / 4- I Hear the Sirens / 5- Like a Sunken Ship / 6- Limbo / 7- Faceless / 8- Starlight / 9- Self-Satisfied Lullaby / 10- Unfree My Soul
Note de 3.5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le sommet d'Einar Solberg and co (bis repetita)"
Nicolas, le 16/09/2024
( mots)

Extraordinaire. On croyait que Leprous avait atteint sa quintessence sur Aphelion, qu’il s’agissait là d’un album de référence, d’un magnum opus, d’un objectif atteint insurpassable. On se trompait, et lourdement, car avec Melodies of Atonement, Einar Solberg et sa bande ont fait encore mieux tout en gardant le même cap mais paradoxalement en redistribuant toutes leurs cartes au sein du groupe. Paradoxalement ? Pas tant que ça.

On avait chouiné face à Pitfalls, le disque de la dépression de Solberg qui avait de facto forcé son effectif à l’accompagner vers des territoires moins métalliques, et on s’était réjoui de voir un Aphelion au contraire plus lourd, plus technique aussi, tout en affinant sa fibre pop et en assumant totalement le lyrisme débridé de son chanteur. Melodies of Atonement suit donc la même direction, tout aussi pop, enflammé et excessif que son prédécesseur (plus encore, par certains côtés), mais aussi plus ramassé, à la fois plus direct (moins de structures progressives, moins d’asymétries) et plus aventureux et ambitieux dans son mariage des genres, entre heavy metal symphonique et avant-garde électronique. Avec toujours en point d’accroche la voix de contre-alto hors normes d’Einar Solberg, capable du maniérisme le plus extraverti comme de la puissance la plus crue (cf “Like a Sunken Ship” pour les travaux pratiques, entre chuchotements de crooners caressants et grawls à vous glacer le sang).

Ce qui apparaît troublant ici, c’est que chaque instrument s’entend vraiment et prend toute sa place dans l’espace sonore. C’est vrai des guitares qui délaissent leurs habituelles syncopes djent (il y en a encore, mais moins) pour aller épouser des teintes plus alternatives et aiguës souvent riches en réverb’, parfois réduites à de simples artifices décoratifs - comme les criaillements déchirants qui transpercent les couplets du poignant “Silently Walking Alone”, catapultant un refrain exalté soutenu par de voluptueuses nappes de synthétiseurs. L’exemple se réentend direct sur “Atonement” avec ces petites répétitions dissonantes qui tétanisent le pré-chorus. Plus frappant encore, voilà que les grattes se mettent à faire des soli, et plutôt bons d’ailleurs, sensibles, bien loin des habituelles démonstrations pyrotechniques qui ont cours dans le milieu (“Starlight”, en particulier, mais aussi “Self-Satisfied Lullaby”). C’est aussi vrai de la basse que l’on décèle réellement pour la première fois chez Leprous - eut égard en particulier à la tonalité volontiers aiguë prise par les six-cordes, et voilà que l’on découvre (enfin) Simen Børven, en particulier sur l’intro à la cool de “Like A Sunken Ship” ou encore “Faceless”, puisqu’il y a la lourde charge de soutenir le chant-signature de son leader. C’est vrai enfin des claviers, alors que l’électronique se taille la part du lion sur Melodies of Atonement, une vraie bouffée d’air frais dans le milieu du heavy metal. On songe parfois aux tout aussi excellents Vola dans leur emploi des synthés (“Linbo”, notamment, et noter là encore comme la basse groove) et leur façon assez magistrale de les incorporer aux couleurs métalliques, mais qu’importe quand c’est bon à ce point. Le seul perdant de la bande ici, c’est - malheureusement pour lui - le génial batteur Baard Kolstad qui a moins l’occasion de briller, eut égard, là encore, à des compositions moins alambiquées et par là même plus binaires (cf les frappes cadencées de galérien de “Silently Walking Alone”). Mais ne vous y trompez pas : si le jeu du jeune prodige - plus si jeune d’ailleurs : il a maintenant 32 ans ! - peut paraître moins démonstratif (et il l’est, sans l’ombre d’un doute), on ne peut que s’ébahir face à l’intelligence et la finesse de ses arrangements, tout comme, encore et toujours, sa solidité technique. Remarquer au passage que la puissance frontale de la rythmique (cf “Unfree My Soul” en guise d’exemple typique) rapprocherait presque (presque, attention, hein, ne me jetez pas la pierre !) Leprous d’un groupe de pop très musculeux comme Imagine Dragons, et quelque part, ça montre à quel point les norvégiens paraissent maintenant capables de rallier à eux n’importe quelle foule un minimum éduquée aux codes du metal.

Là-dessus, la bande fait toujours très, très fort quand il s’agit de nous flanquer la chair de poule. On a déjà évoqué “Silently Walking Alone” et sa force frontale décuplée sur un refrain impérial, on a tout autant évoqué le brillant “Atonement” au refrain encore plus scotchant en termes d’exaltation, et ce que l’on remarque ici, c’est la démultiplication des contrastes. Leprous n’hésite plus à débuter ses titres dans le dépouillement le plus total, à la limite du lounge, pour les propulser vers les degrés d’intensité les plus fous. La mise en application des Pixies dans le heavy metal (prog), en quelque sorte. Plus encore, on savait Solberg capable de prouesses vocales inouïes, et pourtant on le découvre ici encore plus puissant, encore plus aigu qu’à l’accoutumée… pour replonger dès le titre suivant dans le dénuement le plus absolu. Ainsi, malgré la charge émotionnelle décuplée de ses grands refrains ravageurs, Melodies of Atonement (et c’est encore un paradoxe) gagne beaucoup à être écouté au casque, car c’est là que l’on parvient à déceler ses infinies nuances calmes, jeu d’échos, ornements électros, etc, et que l’on goûte aussi à la grande force de son écriture, notamment en termes de progression mélodique. Au passage, on signalera que l’équipe technique qui s’était distinguée sur Aphelion a été reconduite à l’identique, à savoir David Castillo à la prod et Adam Noble au mixage… et on s’en étonnera à peine, tant le résultat égale, voire surpasse, l’enrobage de son brillant prédécesseur.

Que dire encore ? Rien, car il n’y a ici rien, absolument rien à jeter, du très rentre-dedans “Like a Sunken Ship” (impressionnant) à l’hypersensible “Self-Satisfied Lullaby” (frissons garantis au casque, faites l’essai) en passant par l’aliénant “Faceless” au refrain-mantra sublime ou le rêveur “Starlight” qui renvoie les Dead Letter Circus* à leurs chères études en termes d’utilisation des échos. Leprous vient de nous pondre un disque ravageur, plus accessible que son prédécesseur, plus accrocheur, plus prégnant, plus attachant encore, ce qui n’était pas une mince affaire. Dès lors, on ne criera plus qu’il s’agit une nouvelle fois du chef-d’œuvre d’Einar Solberg, car la masterpiece est peut-être encore à venir. Melodies of Atonement, le disque de l’année ? Oh on sait, vous l’avez déjà vue passer, cette sentence-là, pour Fontaines D.C. notamment. Nous ne sommes clairement pas dans le même registre, mais franchement, franchement, ce disque-ci, c’est de la bombe nucléaire, ni plus, ni moins. Ruez-vous dessus, amateurs de metal ou non : vous nous en direz des nouvelles.


* On les a un peu oubliés ceux-là, et pourtant ils ont fait de très bons trucs. A découvrir sans doute d'ici quelques semaines sur Albumrock...


A écouter : tout, mais plus particulièrement “Silently Walking Alone”, "Atonement", “Starlight”, “Self-Satisfied Lullaby”, “Unfree My Soul”...

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Commentaires
NicolasAR, le 17/09/2024 à 15:20
Merci Quentin !
Quentin, le 17/09/2024 à 08:22
Je partage totalement l'enthousiasme de Nicolas (super chronique au passage!) et de Ben. Clairement l'album de l'année pour moi aussi !
Ben, le 17/09/2024 à 05:37
Places prises pour Pleyel en janvier. Impossible de ne pas les voir. C'est mon album de l'année pour l'instant, ce sont littéralement des génies et ils n'ont à envier à personne. C'est assurément devenu l'un des plus grands noms du métal moderne. Et ce disque le prouve une fois de plus. "Faceless" est certainement la plus belle composition du groupe et l'un des meilleurs titres de l'année tout groupe confondu. Et Einar est un génie vocal. Bravo mille fois.