Heavy Temple

Quelle meilleure porte d’entrée qu’une pochette occulte pour exprimer l’univers de Lupi Amoris premier album d’Heavy Temple ? Semblant guider la Chasse fantastique, une sorcière écorchée chevauche un loup mystique au cœur d’une forêt sombre, comme si Fragonard avait rencontré le Fangorn de Tolkien. Le combo de Philadelphie cultive cet ésotérisme en choisissant des pseudonymes, qu’il s’agisse des anciens membres (Bearadactyl, Rattlesnake) ou de ceux présents sur cet opus : Baron Lycan (batterie), Lord Paisley (guitare) et la frontwoman High Priestess Nighthawk, bassiste et chanteuse donnant dans un registre typique des groupes de la scène stoner psychédélique ou revival – pensez à Ruby the Hatchet, Tenebra voire Blues Pills.

Bien que formé en 2012, Heavy Temple ne produit son premier effort qu’en 2021, après certes plusieurs EPs, splits et singles, un album qui s’avère finalement assez bref – comptez une grosse demi-heure au compteur. Celui-ci possède néanmoins de quoi satisfaire la curiosité de qui voudrait explorer leur esthétique.

Il est vrai qu’Heavy Temple ne réinvente rien d’un genre aux frontières balisées. Les titres les plus courts notamment, sont aussi bons que classiques dans leur approche : "The Wolf" joue sur les distordissions imposantes, la vibration fuzzy, et la lourdeur Heavy, alors que "The Maiden" se veut plus psychédélique, notamment sur son introduction planante (le riff chaloupé se muscle par la suite). Belle réussite, le titre d’ouverture "A Desert Through the Trees" possède tout du brulot fuzzy et groovy, avec quelques idées mélodiques faisant l’effet d’un rituel et avec une belle accélération finale bien amenée.

La deuxième face est consacrée aux pièces plus conséquentes dont, sur près de dix minutes, "Isabella (with Unrelenting Fangs)". Son registre doom, avec une première partie sabbathienne puis un pont à la lourdeur encore accentuée, nous amène petit à petit vers une dernière partie plus lente et plus bruitiste au profit d’un solo cosmique. La légère inclinaison progressive, revendiquée par le groupe, se ressent sur l’instrumental "Howling of a Prothalamion" à l’introduction d’inspiration sci-fi par ses sonorités synthés. Son riff puissant – écrasant même, accompagné d’une batterie tribale rendent d’autant plus savoureux le pont à la basse dont la mélodie est ensuite superposée avec la guitare dans une approche sonore cristalline et organique aussi simple que magistrale.

Pour tout amateur de la scène heavy-stoner-psychédélique, Heavy Temple apparaîtra comme une formation solide quitte à sembler un peu conventionnelle. Pour autant, Lupi Amoris peut revendiquer d’offrir quelques promesses faisant du groupe un combo à suivre de près – le rendez-vous est pris puisque leur deuxième essai verra le jour en 2024.

À écouter : "Howling of a Prothalamion", "A Desert Through the Trees"