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Critique d'album

Green River


1984 Demos


(16/04/2016 - Jackpot Records - Grunge - Genre : Rock)
Produit par Chris Hanzsek, Jack Endino

1- 33 Revolutions / 2- Leeech / 3- 10,000 Things / 4- Means to an End / 5- New God / 6- Baby Help Me Forget / 7- Take Me / 8- Against the Grain / 9- Tunnel of Love
Note de /5
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Note de 2.5/5 pour cet album
"Les débuts non officiels (bien verts) du premier groupe grunge officiel"
Nicolas, le 24/04/2023
( mots)

Si l’on omet l’album perdu de Ten Minute Warning (cf ici pour ceux que cela intéresse, et on vous jure que c’est intéressant), ces démos de Green River, publiées bien après leur enregistrement - très exactement le 16 avril 2016, vs une mise en boîte en juin 1984 -, constituent ni plus ni moins que le tout premier recueil studio d’un groupe estampillé grunge. Ce qui n’est pas rien, vous en conviendrez, mais qui, en étant un minimum honnête, vaut davantage pour son caractère archéologique que pour une pure question de plaisir musical.


Green River est lancé en mars 1984 par Mark Arm et son nouvel acolyte Steve Turner sur les cendres de Mr Epp and the Calculations, une formation lycéenne foutraque conçue comme une gigantesque blague destinée à faire la nique à tous les punk-rockers de Seattle. Un groupe réellement comique tant il s’avère minable : Arm sait à peine aligner deux riffs de suite, Turner, à peine trois (allez, trois et demi), et Jo Smitty (le chanteur) débite les pires âneries tandis que Peter Wick (le batteur) joue un rythme complètement à côté de la plaque. L’ensemble se pose comme une grosse pique bien grasse balancée à ces punks qui, ayant une bien haute opinion d’eux-mêmes, estiment qu’il n’y a pas mieux que de jouer n’importe quoi, n’importe comment. Mr Epp leur renvoie en pleine face leurs travers, et nombreux sont ceux qui en rient jaune. Mais quand Arm et Turner décident que la farce a assez duré et qu’il est temps de monter le niveau d’un cran, Smitty et Wick décident quant à eux de prendre le large.


Turner fouille alors dans ses relations et fait rappliquer un type qui battait le fer chez Spluii Numa, groupe hardcore dans lequel lui-même jouait les seconds couteaux avant d’aller se marrer avec Mr Epp. Alex Shumway, c’est le nom du cogneur, se fait une joie de reprendre du service. Un ex-Ducky Boys retient aussi l’attention de la bande, un vieux pote d’enfance de Turner, un certain Stone Gossard. Le type est friqué, il vient d’une bonne famille (fils d’avocat) et possède une Gibson Les Paul rutilante : il pourrait très bien soulager Mark Arm de la nécessité de jouer de la guitare tout en chantant, nul comme il est dans les deux cas. Sauf que “Stoney” hésite, étranglé entre cet appel du pied et son autre projet basé sur l’île de Bainbridge, March Of Crimes, avec entre autres Ben Shepherd. Et puis il y a le problème du bassiste. Arm a alors une idée : pourquoi pas le type frapadingue de Deranged Diction, ces arriérés du Montana venus à Seattle chercher naïvement gloire et fortune ? Jeff Ament, car c’est de lui qu’il s’agit, a un sacré son de quatre cordes, et en plus il saute comme un cabri sur scène. Dès lors, Steve Turner est chargé d’aborder l’olibrius vu que tous deux travaillent comme plongeurs dans le même restaurant. Ament n’en croit pas ses oreilles : ces gros débilos de Mr Epp veulent qu’il les rejoigne ? Mais ils ne savent même pas jouer deux accords ! Pourtant l’insistance obstinée de Turner et l’énergie démente d’Arm parviennent à le séduire, et dès lors les quatre hommes se mettent au taff. Et ça paie : les concerts s’enchaînent, les filles se retrouvent bien vite à leurs pieds (ils sont jeunes, ils sont drôles, ils sont stylés et ils ont les cheveux longs), et les premières sirènes des professionnels se font entendre. Quand Chris Hanszek, un producteur local aux dents longues, leur propose d’enregistrer des démos, les quatre hommes ne se font pas prier… et cet argument suffit à Stone Gossard pour rappliquer la queue entre les jambes en tournant le dos à March of Crimes, appâté par une promesse de succès. Bien sûr, Deranged Diction est passé en pertes et profits. Pour la petite histoire, personne ne sait vraiment qui, d'une affiche pour foire aux fripes, d'une chanson de Creedence Clearwater Revival ou d'un tueur en série sévissant à l'époque dans l'état de Washington, a constitué la source d'inspiration pour donner son nom à Green River. Les avis divergent, mais l’histoire est souvent ainsi faite.


Ceux qui connaissent la suite de la saga du grunge - et elle est longue - savent que Mark Arm et Steve Turner formeront plus tard la matrice de Mudhoney quand Jeff Ament et Stone Gossard constitueront cette de Mother Love Bone puis de Pearl Jam. Dès lors, on peut imaginer ce Green River un peu “vert” (sans mauvais jeu de mot) comme une sorte de fusion entre ces deux allants : la fibre punk des premiers et le côté heavy rock des seconds. On n’aurait pas foncièrement tort, mais tout est à l’époque question d’équilibre car ce sont Arm et Turner qui sont aux manettes. On retrouve donc un son vraiment cradingue, grumeleux, baveux, davantage fuzzé que distordu, et même si Jack Endino (le Mr Bricolage du Seattle Sound) est repassé derrière pour essayer de dynamiser les bandes a posteriori, le résultat n’est vraiment pas foufou. Mark Arm ne sait alors pas chanter, mais vraiment pas, et il s’en balance : la fausseté de ses lignes vocales se doit de servir le côté trash de Green River - et d’ailleurs on se demande s’il ne force pas le ton exprès. Arm se réapproprie ainsi les codes des punks tout en les dévoyant : le “No Future” se change en un “Never Mind” bien plus léger, marrant et nihiliste que son modèle. Les guitares raclent le bitume, grossières et mal fagotées, sans soli ou presque : Turner mène la danse quand Gossard fait (pour le moment) profil bas. En fait, seule la section rythmique brille un minimum : Shumway fait un taff très correct et Ament enchaîne les lignes de basses énergiques et inspirées qui, bien souvent, constituent l’ossature mélodique des morceaux.


À partir de là, il y a à boire et à manger dans ces démos : des rushs punks expédiés en moins d’une minute trente (“33 Revolutions”, ‘Means To An End”, “Take Me”), des mid-tempos morveux et mauvais genre (“Leech”, lancinant comme une rage de dent, “Against The Grain”, mi-acide, mi-nargueur) mais aussi des titres plus originaux : “New God”, doomesque au possible, “10.000 Things”, harangueur et fédérateur, ou encore le complexe et roboratif “Tunnel Of Love” qui aligne thèmes, ambiances et chausse-trappes avec délectation et insolence. N’empêche : c’est assez brut, tout ça, assez mal dégrossi, pétri de bonnes idées autant que de bonnes intentions, mais ça ne casse vraiment pas trois pattes à un canard. Il faudra attendre le premier EP officiel du groupe, Come On Down, enregistré à peine quelques mois plus tard, pour voir éclore un authentique groupe destiné à un brillant avenir. Sauf que la donne aura déjà changé à ce moment-là, mais c’est une tout autre histoire à découvrir très bientôt sur Albumrock…


À écouter : pour l'histoire

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