Deep Purple
Who Do We Think We Are
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1- Woman From Tokyo / 2- Mary Long / 3- Super Trouper / 4- Smooth Dancer / 5- Rat Bat Blue / 6- Place in Line / 7- Our Lady
S’il peut y avoir des débats sur les différentes étapes qui scandèrent la vie de Deep Purple, tout le monde s’accorde pour considérer le Mark II, soit la formation Gillan/Paice/Lord/Blackmore/Glover, comme étant celle de l’âge d’or. C’est dans cette configuration que le groupe atteignit des sommets et révolutionna le hard-rock britannique, que la plupart de ses plus grands tubes furent composés, et chacun ira de son album favori - In Rock (1970) pour les puristes, Fireball (1971) pour les plus entreprenants en manque d’originalité et Machine Head (1972) pour les amateurs de tubes.
Sauf qu’avant sa séparation (et sa reformation en 1984), Deep Purple Mark II mit au monde un quatrième opus sous le nom présomptueux Who Do We Think We Are. Présomptueux car à l’écoute du résultat, il est inacceptable qu’un tel ouvrage puisse être érigé en étendard d’une des plus grandes formations de l’histoire du hard-rock : convenu, parfois pataud, l’album est heureusement sans dérapage mais malheureusement sans grande inspiration.
Preuve en est, "Woman from Tokyo" est le seul tube à être sorti du lot et il est bien difficile de comprendre les causes de son succès : le riff est sans énergie, les mélodies des couplets et du refrain sont quelconques comme le final en boogie, et le pont planant est soporifique. Sans vouloir paraître iconoclaste, on pourrait presqu’en faire le pire morceau de l’opus.
Celui-ci permet au moins d’évoquer la référence au Pays du Soleil Levant, puisque bien qu’il fût composé à Rome lors de premières sessions peu fructueuses d’où ne sortirent que ce titre, il rappelle que l’enregistrement fut interrompu parce que le groupe s’apprêtait à donner une performance culte captée pour l’un des albums live les plus fameux de l’histoire du rock (Made In Japan). Cette prestation masque le piteux état d’un groupe au sein duquel les rapports sont tendus et qui peine à retrouver la flamme pour mettre au monde le nouvel album, que leur maison de disque leur presse d’écrire. On s’étonne parfois que certains albums soient des réussites alors qu’ils avaient été composés dans la douleur … On est moins surpris quand il en ressort un résultat bancal et peu convaincant, comme c’est le cas ici. Peut-être que certains me jugeront trop sévère en prétextant que l’album est finalement plutôt agréable et, peut-être, que s’il avait été enregistré par un autre groupe, on l’aurait apprécié avec davantage de clémence : mais on parle de Deep Purple et cette réalisation est indigne de sa stature.
Quelques bons points sont à relever. Sans être original, "Mary Long" dispose des sonorités de l’époque de Fireball et d’un certain groove entraînant, même si le jeu très bluesy de Blackmore manque d’envolées virtuoses. En effet, c’est seulement sur le blues rock "Place in Line", par ailleurs un peu trop long, que le guitariste proposera des choses vraiment intéressantes, et encore, il s’agit d’un chorus assez conventionnel dans un registre blues du style des Doors. En définitive, le seul musicien qui tire réellement son épingle du jeu est John Lord. Ce dernier s’élance dans de vrais cheminements virtuoses sur "Rat Bat Blue", unique titre au riff mémorable à être digne de la légende, et sauve un peu le soporifique "Our Lady" par ses expérimentations alors que Gillan ne chante pas toujours juste.
Du reste, il s’agit d’un album référencé sans grande originalité, c’est-à-dire composé et interprété en pilote automatique. "Super Trouper" évoque derechef l’album à la comète mais pèche par ses effets envahissants malgré de bonnes lignes Heavy et "Smooth Dancer" a des côtés "Black Knight" mais tombe dans ses élans boogies qui parasitent le morceau.
Si la compétence des musiciens parvient à faire de Who Do We Think We Are un album honorable (mais guère plus), le manque global d’inspiration met à jour un groupe à bout de souffle. Aussi regrettables soient-ils, le départ de Ian Gillan et celui contraint de Glover (sur demande de Blackmore) permettront à Deep Purple de poursuivre sa route avec une peau neuve et de renouer avec la splendeur d’antan.
À écouter : "Mary Long", "Rat Bat Blue"