Cher Zakk Wylde,
J’adore ta musique. Un album de Black Label Society est pour moi un véritable défouloir sur lequel je peux gesticuler dans tous les sens avec frénésie tout en aboyant quelques mots ici et là pour extérioriser ma transe entre deux coups de headbang dévastateurs pour mes cervicales. Lorsque j’ai écouté Sonic Brew pour la première fois, j’ai immédiatement perdu tout contrôle et me suis instantanément laissé posséder par l’instinct animal qui sommeille au plus profond de mes tripes. Quelle joie que de se laisser emporter par les riffs burnés de "Bored to Tears" et "Batch of Lies", d’être hypnotisé par la folle cavalcade acoustique de "T.A.Z.", ou de frémir à l’écoute du vibrant hommage sabbathien qu’était "Peddlers of Death". Le premier album estampillé Black Label Society reste l’une de tes plus grandes réussites.
Ta créativité n’a cependant pas toujours été à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer : oscillant entre un Hangover Music au travers duquel tu as su insuffler un nouvel élan à ta musique et des albums de qualité plus que discutable tels que The Blessed Hellride ou Shot to Hell, tu avais réussi à retrouver le feu sacré avec un Order of the Black d'autant plus réussi que son prédécesseur était loin d'être un coup de génie. À l’annonce de ce nouveau Catacombs of the Black Vatican, une question me brûlait les lèvres : allais-tu perdurer dans cet état de grâce et nous livrer une nouvelle perle de ce heavy metal sudiste que tu as su démocratiser ?
Tu avais récemment déclaré à
Guitar World que ce nouvel album serait "
grosso modo les mêmes chansons que [tu as] utilisées sur les neufs autres albums, mais avec des titres différents". Soit. Ça n’a jamais empêché
AC/DC ou
Motörhead de continuer aujourd’hui encore à vendre des galettes. La différence, c’est que
Black Ice et
Aftershock, sans avoir marqué l’histoire comme
Back in Black ou
Ace of Spades ont pu le faire, tenaient méchamment la baraque, chose que tu n’as pas su faire avec ta dernière production. Donc hélas, non, point de grâce ici. Tu ne livres que des mid tempos aux riffs peu inspirés ("Fields of Unforgiveness", "My Dying Time"), entrecoupés de deux rockers un peu plus nerveux sans qu’ils ne nous soulèvent l’échine pour autant ("Heart of Darkness", "Damn the Flood") et trois ballades (oui, trois) qui, bien que réussies, suintent la guimauve mielleuse à plein nez et cassent le rythme déjà peu flamboyant de ta galette ("Angel of Mercy", "Scars", "Shades of Gray").
Ne va pas croire que je suis réfractaire : je peux totalement m’émouvoir devant la sensibilité de morceaux acoustiques et lancinants, mais lorsque je t’écoute, c’est avant tout pour me lâcher, me déchaîner un minimum, alors donne moi ce que je veux, ne me fais pas manger de la viande chevaline lorsque je veux des lasagnes à la viande de boeuf. Et encore, même sans ça, j’ai l’impression d’être pris pour un con. Car c’est bien là le plus gros problème de ton dernier album : les guitares sonnent faiblardes, la batterie sonne creux, la basse se contente du minimum syndical. Ta viande est fade, et la cuisson totalement ratée. Même lorsque les morceaux démarrent bien ("Believe" et son intro au groove entraînant), tu avortes toutes tes intentions les plus louables en faisant dégouliner tes guitares saturées à outrance.
De ce Catacombs, je ne retiendrai que quelques morceaux aux refrains efficaces et emmenés par des mélodies vocales sympathiques, à défaut d’être inspirées ("Beyond the Down", "I’ve Gone Away", "Empty Promises"), et c’est malheureusement loin d’être suffisant pour rattraper toutes les lacunes énoncées auparavant. Alors Zakk, écoute-moi bien : Catacombs n’est pas un mauvais album de heavy, loin de là. C’est un mauvais album de Black Label Society, qui plus est en comparaison de son prédécesseur qui faisait l’unanimité chez nous tous, tes fans. Repense à une entreprise américaine qui commercialise une boisson pétillante dans des emballages rouges : lorsqu’elle propose une nouvelle formule en 1985, c’est un tollé monumental. Qu’a-t-elle fait pour rectifier le tir ? Elle est retournée à l’ancienne formule, tout simplement.
J’espère donc que tu as conservé la recette de Sonic Brew ou Order of the Black quelque part dans tes tiroirs, ça pourrait te servir plus tard.
La bise, t'es un mec bien.