Altesia
Paragon Circus
Produit par Altesia
1- Pandora / 2- Reminiscence / 3- Amidst the smoke / 4- The prison child / 5- Hex reverse / 6- Cassandra's prophecy
Depuis quelques temps déjà, nous vous vantons les mérites d’une scène "metal progressif" française en pleine forme, ayant récemment livré des productions de grande classe à l’image des derniers albums de Lag I Run, Nord ou encore Mobius. Chacun d’entre eux nous ayant bluffé par leur créativité et leur aisance technique, tout en se montrant au niveau des plus grands représentants de la scène internationale. Pris dans les rouages d’une année 2020 particulièrement riche en sorties qualitatives, nous n’avions pas encore eu l’occasion de vous parler d’une des révélations du genre : Altesia. Il faut dire que ce groupe originaire de Bordeaux a débarqué sans crier gare et rien ne laissait présager une telle claque. Et pour cause : aucun signe annonciateur, pas de passage par la case EP/démo, ni même de communication par l’intermédiaire d’un label... Simplement un premier album autoproduit intitulé Paragon Circus, doté d’une pochette aussi lugubre qu’élégante.
Altesia, c’est avant tout un projet initié en 2017 par le chanteur et guitariste Clément Darrieu. Influencé par des cadors du metal progressif tels que Opeth, Porcupine Tree ou encore Haken, le musicien bordelais a toujours eu à cœur de livrer une œuvre à la hauteur de ses ambitions. Après un long et conséquent travail d’écriture s’étendant jusqu’en 2019, il a été question de trouver les musiciens qui permettraient à ce projet de se concrétiser. C’est ainsi que Alexis Casanova (guitare), Antoine Pirog (basse), Yann Ménage (batterie) et Henri Bordillon (claviers), tous les quatre issus de groupes de rock/métal progressif, ont rejoint l’aventure.
Quelques mois plus tard, le résultat est saisissant ! Paragon Circus prend la forme d’une véritable épopée construite en six chapitres abordant le sujet de l’autodestruction de l’homme dans une société individualiste. Le premier titre "Pandora" pose le décor en introduisant son propos à l’aide du mythe de la boite de Pandore : c’est en effet en ouvrant l’objet interdit - contenant tous les maux de l’humanité - que Pandore déversa moulte catastrophes sur le monde. Pas d’inquiétude, l’histoire qui est contée ici n’est en aucun cas un prétexte pour une déferlante de rage et violence sonore, ni pour dépeindre un paysage morbide. L’optimisme prend en effet l’ascendant sur la gravité du propos grâce à une musique dotée d’une réelle dimension lyrique et théâtrale, alternant entre passages épiques et instants de beauté contemplative.
Le chant clair et harmonieux de Clément Darrieu s’accorde parfaitement à l’atmosphère générale et se positionne en véritable vecteur mélodique. Celui-ci nous accompagne pour mieux appréhender les différentes péripéties musicales qui parcourent ces six morceaux, dépassant pour certains les 10 minutes (18 minutes pour le titre final). La musique du groupe bordelais - à mi-chemin entre le rock et le metal - entretient ainsi un parfait équilibre entre de longes frasques instrumentales particulièrement explosives et des passages chantés beaucoup plus posés.
En vous plongeant dans l’expérience Altesia, vous vous aventurez sur des terres imprégnées par le rock progressif des années 70, mais aussi par le metal technique et exigent de Fates Warning et de Dream Theater. Nettement moins démonstratif que ces derniers, le groupe français parvient à se montrer relativement accessible, et ceci malgré des morceaux fleuves aux multiples sections rythmiques et solos en tout genre. Ainsi, le groupe ne perd jamais de vue la mélodie ni le fil conducteur de son œuvre et se permet même d’intégrer quelques passages pop des plus efficaces. En ce sens, le style de composition se rapproche davantage d’un Steven Wilson.
Les influences sont là, variées et prestigieuses qui plus est, ce qui est tout à l’honneur de Altesia. Attention tout de même à ce que ces références ne deviennent pas trop marquées, à l’image du titre "Reminiscence" (somme toute très réussi), dont le refrain se rapproche énormément du "Cockroach King" de Haken… Bien entendu, cela n’est qu’un détail au vu de l’ensemble, mais il y a fort à parier que le groupe gagnera à l’avenir à affirmer son style, quitte à élargir son répertoire de sonorités.
Chose qui semble complètement à la portée du groupe, tant le potentiel semble n’avoir été qu’effleuré. Preuve en est, cet album réserve son lot de surprises toutes plus savoureuses les unes que les autres et démontre encore une fois le réel talent d’écriture de son auteur. Sans tout dévoiler, vous tomberez sous le charme de ce passage funk débarquant au milieu de la lourdeur de riffs metal avec une partition enjouée de saxophone ("Reminiscence"), ou encore de ces magnifiques notes de violon lévitant sur une rythmique effrénée de batterie ("The Prison Child"). Nous ne pouvons qu’encourager le groupe à poursuivre sur cette voie et entretenir cette dualité !
Dès son premier essai, Altesia frappe un grand coup dans la sphère progressive en livrant un album autoproduit impressionnant sur bien des aspects. Doté d’une technique irréprochable, d’un concept ambitieux et de compositions qui s’élèvent au niveau des références du genre, Paragon Circus saura convaincre les amateurs de rock et metal progressif, mais aussi convenir à un plus large public grâce à son sens aigu de la mélodie. Une véritable révélation qui ne demande plus qu’à gagner en notoriété, et étendre sa présence au-delà des frontières hexagonales. Chose qui serait amplement méritée pour un album de cette trempe !